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Sami Chlagou, Cross The Ages

Par Olivier Martocq, le 9 février 2024

Journaliste

Sami Chlagou et Richard Estève veulent rendre vertueux l'univers des jeux vidéo © Jérémy Le Bescont - Capital Magazine
[héros du quotidien] Parmi les objectifs 2024 de Sami Chlagou, le concepteur et pilote de Cross The Ages, il y a la création d’un cercle vertueux autour de la blockchain et des cryptomonnaies. Son idée : inciter les joueurs à investir, dans le cadre du jeu, dans des terrains virtuels adossés à de vrais terrains fournissant une énergie décarbonée.
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En novembre 2021, Marcelle titrait « Cross The Ages : un projet mondial piloté depuis Marseille ». En mars 2023, le jeu de cartes était officiellement lancé. Depuis, CTA collectionne les records. La force du concept est de marier le jeu vidéo, la fantasy, les cartes à collectionner et la littérature. Et de les adosser à la blockchain et aux cryptomonnaies. Le tout dans un univers complet et riche. Sami Chlagou revendique avoir conçu l’une des premières plateformes de jeu métavers gratuite. Sur laquelle les jeunes passionnés de jeux de rôle trouvent leur compte.

La créativité humaine dans toute sa diversité


Les raisons de ce succès tiennent à son offre : CTA a basé son modèle économique sur la passion d’une génération qui a grandi avec les cartes à collectionner, les jeux de rôle et des souvenirs puisés dans des sagas type Game of Thrones. Pour évoluer dans le jeu, les 350 000 joueurs déjà inscrits achètent des cartes digitales représentant des personnages. Environ 400 ont été mises sur le marché en 2023. Mais le studio, qui regroupe 180 scénaristes (autour des écrivains français Arnaud Dollen et Alain Damasio), dessinateurs, artistes, développeurs et modélisateurs, va en implémenter de nouvelles au fil des chapitres de la saga.

« C’est une célébration de la créativité humaine dans toute sa diversité », se félicite Sami Chlagou. Il évoque les jeunes qui rejoignent ses équipes dans des domaines très différents qui vont de la création sur ordinateur à la fabrication de vêtements. La plupart ont des parcours professionnels atypiques. Certains ont frappé à la porte pour proposer leurs services, comme ce jeune créateur d’une ligne de vêtements marseillais qui ne trouvait pas de financements pour lancer ses collections. « Il a apporté sa patte unique au totem de la jeunesse : le survêtement. Et donné une identité aux membres de la communauté Cross The Age qui le souhaitent », explique le toujours jeune patron.

Former aux métiers de la production de jeux vidéo

En 2024, Sami Chlagou lancera les travaux dans un immeuble de 1 800m2 en plein centre-ville. Le lieu accueillera des bureaux ainsi que des salles de cours pour former des collégiens et lycéens aux métiers de la production de jeux vidéo. « Pour entrer et surtout pouvoir rester dans notre école, ils devront être bons dans les études classiques qu’ils poursuivront en parallèle. Ce sera du donnant-donnant ».

L’entrepreneur marseillais entend par ailleurs maintenir le siège social de Cross The Ages dans la cité phocéenne. Et ce, malgré des équipes disséminées dans le monde entier. « Une stratégie gagnante. La venue du Pape, le Vélodrome sont des images qui ont fait le tour du monde ». Il entend du reste positionner sa ville comme tête de pont européenne de l’industrie du jeu, d’où le tournoi Heroes’ Legacy en décembre dernier. Le lieu n’avait pas été choisi au hasard : la Friche Belle de Mai, située au cœur du quartier le plus pauvre d’Europe se définit comme un pont culturel et sociétal entre le nord et le sud. La foule était au rendez-vous. Les équipes étrangères comme celles venues du Japon et de la Corée ont adoré ce lieu si atypique pour ce type de compétition.

Un univers qui transcende les frontières

Chaque carte a un pouvoir particulier, une histoire et une force dans le jeu. Les joueurs peuvent les échanger, les monnayer ou les louer sur la place de marché de CTA. Si 70% des joueurs sont Européens, leur nombre augmente rapidement au Japon, en Corée et Amérique du Nord. Car l’univers de ce jeu se veut universel. « Nous parcourons la planète et participons à toutes les manifestations importantes, explique Richard Esteve, le directeur général. Cela accroît notre visibilité ».

Tous ces déplacements donnent lieu à des reportages diffusés sur les réseaux sociaux, contribuant à développer et souder une communauté Cross The Ages à travers le monde. Par ce biais, coulisses et problématiques sont portées à la connaissance du public. Y compris des attaques via le dark web pour capter des cartes à partir de comptes piratés et les revendre sur la place de marché. « Jouer la transparence ,le temps de régler les défis auxquels nous sommes confrontés, nous permet d’expliquer des process et de rassurer les marchés », affirme Sami Chlagou.

Des terrains virtuels pour fournir de l’énergie dans le réel 

Il ne s’agit pourtant que de la face émergée d’un iceberg du Web3. L’ambition de son créateur dépasse le seul cadre du jeu vidéo-même. Il est complété d’une saga du type « Le seigneur des anneaux » avec des romans – sortie du premier tome (sur sept) en avril 2024. Puis un film et une série TV. Sami Chlagou entend créer un cercle vertueux où les joueurs du monde entier vont être associés à la fourniture d’énergie décarbonée. Comment ? En achetant des parcelles de terrains équipées pour alimenter les usines de serveurs utilisés pour miner les cryptomonnaies, dont le bitcoin. « Nous voulons que le métavers ait un ancrage concret, un sens dans le monde réel, revendique Richard Estève qui a développé cette vision du projet. Que l’économie du jeu soit connectée à une véritable économie. » 

L’évolution du concept est à l’image du tandem entrepreneurial : « Nous sommes partis sur une idée dans l’air du temps, s’amuse Sami Chlagou. Il s’agissait de protéger la planète en achetant des terrains que nous laisserions vierges ouen jachère. Pour les préserver ». Une fausse bonne idée battue en brèche par le cabinet Carbone 4, cofondé par Jean-Marc Jancovici. Ce dernier va amener les entrepreneurs sur une autre piste : la compensation de l’impact environnemental des activités liées au jeu.

Des parcelles réelles voisines de celles d’Apple et Meta 

Les terrains ne sont plus achetés un peu partout sur la planète, mais ciblés sur des localités où les sources d’énergie renouvelables abondent. Au point même de voir une partie de leur production gaspillée. Ainsi, aux États-Unis, dans l’Oregon par exemple, des terres disponibles en voisinent d’autres, acquises par Meta et Apple. Le projet prend ici une nouvelle dimension et devient un business à part entière. Car il va générer des revenus issus de cette source d’énergie verte. Les terrains seront du reste loués, à des fermes de bitcoins, des data centers et des supers calculateurs pour AI.

Dès lors, les joueurs de Cross The Ages qui achètent dans le jeu des terres virtuelles, obtiennent un équivalent dans le vrai monde… le nôtre. Comme des investisseurs classiques, ils seront bénéficiaires des revenus générés par la revente d’électricité décarbonée.♦