Chaque année, des tonnes de fruits pourrissent dans les jardins et vergers faute d’avoir été récoltées. L’association Aux arbres citoyens ! entend réduire ce gaspillage alimentaire en proposant de cueillir les fruits pour les redistribuer à des associations sociales locales. Rendez-vous pris un matin d’octobre aux alentours de Strasbourg.
« Aujourd’hui, nous allons cueillir des pommes et des noix toute la matinée, pique-niquer dans le jardin partagé du village, puis distribuer nos victuailles à la Banque Alimentaire et à La marmite d’entraide, présente Claudine Janel, présidente de la branche strasbourgeoise de l’association Aux arbres citoyens !. Ils transformeront ces produits lors d’ateliers culinaires pour des personnes qui ne savent pas cuisiner ou qui sont dans la rue. »
En face d’elle, une quinzaine de salariés de Digital Green – agence de communication partenaire, spécialisée dans le numérique responsable – a fait le déplacement. « On voulait être dans l’action, sur le terrain, s’investir davantage avec nos partenaires », explique l’une d’entre eux.
Des cueillettes solidaires et anti-gaspi
Perches à la main ou juchés en haut des échelles, les bénévoles du jour sont motivés. Ils cueillent les pommes tout en posant nombre de questions. Pourquoi Claudine Janel a-t-elle eu envie de s’investir dans ce combat ? « Ça faisait un moment que je glanais et donnais de mon côté. Je voulais faire quelque chose de plus grand, donc quand j’ai découvert l’asso, qui est née à La Rochelle (Charente-Maritime, NDLR), ça a été comme une évidence. J’ai contacté Coralie, la fondatrice, et on a foncé : on a créé la branche strasbourgeoise. C’est génial parce qu’elle avait déjà résolu les problématiques liées à la création de l’association. Depuis juillet 2022, je m’occupe juste des cueillettes et redistributions. »
Coralie Tisné-Versailles, qui a cofondé Aux arbres citoyens ! en 2020, en explique l’idéologie : cueillir pour éviter le gaspillage alimentaire et participer à une meilleure répartition des ressources fruitières. « Ça fait partie des denrées dont les associations alimentaires manquent le plus, alors que les fruits sont en nombre dans les jardins et vergers et sont, souvent, non utilisés. C’est l’association canadienne Not far from the tree qui nous a fait réaliser qu’il était possible de mettre en place des cueillettes anti-gaspi et solidaires. »
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« Une fois cueillis, on en fait quoi de tous ces fruits ? »
Une autre question fuse entre deux branches d’arbres : « Une fois cueillis, on en fait quoi de tous ces fruits ? » Claudine Janel sourit : « Question importante ! On n’y pense pas forcément, mais on se retrouve avec des dizaines de kilos de fruits. Et bien souvent, il faut les transformer rapidement parce qu’ils sont très mûrs ou abîmés. C’était le cas cet été avec les figues et les cerises. » Environ 20% de la récolte est répartie entre les bénévoles présents sur la cueillette et les propriétaires, s’ils le souhaitent. Les 80% restants sont distribués à des structures sociales qui accompagnent les personnes en précarité alimentaire. Croix-Rouge, Secours Populaire, AFEV, Banque Alimentaire, épiceries solidaires… Également des associations étudiantes et locales, comme Les Retoqués à Strasbourg.
Lors de la cueillette, les idées de recettes s’échangent : tarte ou confiture au coing, poulet aux figues, gâteau aux noix… On en profite également pour croquer dans une pomme fraîchement tombée de l’arbre. À ce jour, plus de 200 cueillettes ont été organisées dans les alentours de Strasbourg et La Rochelle. Chez des particuliers qui ne savent pas quoi faire des récoltes de leurs arbres fruitiers ou qui n’ont pas la capacité physique de les ramasser. « Et ça a permis de sauver et partager quelque huit tonnes de fruits », se réjouit Coralie Tisné-Versailles.
Un financement Région et partenaires privés
« Les beaux fruits, vous les mettez dans les cagettes vertes. Les autres, les abîmés, les entamés, c’est cagettes noires, pointe Claudine Janel. Et utilisez vos sacs de cueillettes ! » Bénévole, la présidente de la branche alsacienne supervise la quasi-totalité des cueillettes de son secteur, aidée de onze capitaines cueillettes et d’une soixantaine de bénévoles. Elle ne manque pas de remercier les partenaires grâce auxquels l’association peut acheter du matériel de cueillette. « Couplé aux financements de la Région, de fondations privées et à l’euro symbolique de cotisation des bénévoles, cela nous permet de faire fonctionner Aux arbres citoyens ! », résume Claudine Janel. « Et on est en train de monter un gros dossier pour une obtenir une aide de l’État dans le cadre du dispositif Mieux manger pour tous », complète Coralie Tisné-Versailles.
La cofondatrice souligne également vouloir créer un nouveau récit : « montrer que ça existe et qu’on est tous responsables de ce qui pousse autour de nous. » Un point qui tient également à cœur aux salariés de Digital Green qui calculent, satisfaits, le nombre de pommes récoltées ce matin. « On ne peut plus se permettre de gaspiller ce que l’on a », commente l’un d’eux.
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« La vision de l’association est de créer de la cohésion entre les gens »
L’année dernière, l’antenne alsacienne a remporté le prix des bénévoles, annonce fièrement Claudine Janel. Cette année, une troisième branche s’est mise en place dans le golfe du Morbihan (Bretagne). Et Coralie Tisné-Versailles travaille à en ouvrir d’autres encore dans toute la France. « Au-delà de la justice alimentaire, la visée de l’association est de créer de la cohésion entre les gens. On discute autour de l’arbre, on s’entraide, on vient d’une année à l’autre chez l’habitant. Et c’est faisable dans tout le pays », commente-t-elle.
À terme, Coralie Tisné-Versailles espère que le projet sera pris en charge par les mairies ou les collectivités. « C’est comme le tri des déchets, on couvre l’intérêt général. C’est une économie à mettre en place, mais ça nous aiderait bien pour les disponibilités en fonction de la maturation des fruits. » En attendant, l’équipe d’Aux arbres citoyens ! s’organise comme elle le peut pour être réactive au bon moment pour les différents fruits. En cette matinée de cueillette, ce sont 100 kilos de pommes récoltés qui seront distribués l’après-midi même par les cueilleurs à des associations locales. ♦