Fermer

Une haute digue pour contenir la vague de coronavirus

Par Nathania Cahen, le 26 mars 2020

Journaliste

Crédit Photo © AP-HM

Dans les Bouches-du-Rhône, les hôpitaux publics et privés s’unissent pour contrer la vague annoncée de coronavirus. Les équipes médicales se sont préparées au mieux. La bataille rangée se prépare.

Ils se sont assis autour d’une même table pour échafauder leur plan de bataille : des représentants des services de réanimation et de tous les établissements publics et privés du département et de Provence-Alpes-Côte d’Azur, ainsi que la direction de l’Agence régionale de santé. Avec, en Général de cette grande armée sanitaire, le professeur Laurent Papazian, qui dirige l’un des deux services de réanimation (réa DRIS) de l’hôpital Nord, à Marseille.

Une haute digue pour contenir la vague de coronavirus
Le Dr Philippe Tagawa

« Nous espérons que la situation ne sera pas aussi dramatique ici qu’en Italie ou dans le Grand Est. En analysant ce qui s’est passé là-bas, nous avons érigé la digue la plus haute possible. Et ce qui apparaît capital, c’est une capacité en lits de réanimation qui ne soit pas dépassée par le nombre de patients qui en auront besoin. Pour amortir le choc, il a donc été demandé à chaque établissement d’augmenter sa capacité en lits de réanimation, en général avec la sollicitation des services USC et SSPI*. Ce que nous voulons éviter, c’est le dépassement de la capacité en lits de réanimation et les choix éthiques qui pourraient en découler », détaille le Dr Philippe Tagawa, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital privé Marseille Vert Coteau (HPMV) dont il est le référent Covid pour la réanimation, et président du Comité de lutte contre les infections nosocomiales de la clinique Bouchard, où il exerce également comme anesthésiste. Par exemple à l’HPMV, le nombre de places de réa pourra passer de 10 à 15, soit 50% de mieux. Il souligne encore combien mobiliser un service non dédié est lourd : « Il faut trouver les bons locaux, le matériel, les personnels et un médecin de garde ! »

Un tableau de bord hautement stratégique

À l’échelle du département, un grand tableau de bord a été établi. Y sont comptabilisés plusieurs paramètres, notamment le nombre de lits disponibles avec respirateur, le nombre de lits dédiés au Covid 19 avec respirateur, le nombre de patients Covid sous respirateur, le De hautes digues pour contenir la vague de coronavirus 2nombre de lits mobilisables avec respirateur… Ce tableau Excel est partagé par tous les services concernés et soignants référents, et mis à disposition du SAMU13. Actualisé au moins une fois par jour, il concerne la vingtaine de services de réanimation des Bouches-du-Rhône. « Sachant qu’à part les urgences, toutes les opérations chirurgicales ont été déprogrammées ainsi que celles dont le report n’entraînera pas une perte de chances », complète le médecin. Outre l’augmentation du nombre de lits, le Dr Tagawa mise sur les mesures de confinement, « bien qu’insuffisamment suivies à mon sens, et sachant qu’il faut deux semaines avant d’en tirer des bénéfices pour l’épidémie ».

Il rappelle aussi que dans la majorité des cas, il s’agit d’une maladie bénigne. Mais environ 15% des cas confirmés développeront des formes sévères, dont certains iront en réanimation. Compte tenu qu’au nombre des facteurs de risque figurent l’âge, l’obésité, les pathologies cardio-respiratoires, le diabète, l’insuffisance rénale et les patients immunodéprimés (dont le système immunitaire est affaibli). La mortalité est difficile à évaluer car, en France, on ne teste pas tout le monde, mais essentiellement les personnes présentant des complications.

 

Essentielle, la protection des soignants

Ce sont les hôpitaux publics qui, dans un premier temps, recevront en priorité les malades Covid-19 nécessitant une assistance respiratoire (ce qui est déjà le cas). D’autres établissements dotés d’unités Une haute digue pour contenir la vague de coronavirus 1adaptées ont aussi commencé à en recevoir. Les hôpitaux privés permettront de les délester des patients non Covid. « Nous avons fixé un curseur avec l’APHM qui nous alertera si nous devons recevoir des Covid positifs. Mais il peut aussi être découvert en interne, au cours d’un examen. Nous devons donc être prêts à recevoir y compris des Covid positifs, pour qui une zone individualisée et sécurisée est nécessaire », précise Philippe Tagawa.

La protection des soignants constitue une priorité en raison du haut degré de contagiosité de la maladie. Tous ont été formés par les infirmières hygiénistes aux procédures d’habillage et de déshabillage concernant l’EPI (équipement de protection individuel comprenant un masque FFP2, une charlotte, une cagoule, des lunettes, une blouse à manches longues et des gants). Le déshabillage étant très sensible donc plus long et plus complexe.
Un plan de bataille qui sera à la hauteur du défi, espère l’anesthésiste : « L’effort de guerre est plus que significatif. Je ne suis ni optimiste ni catastrophiste. On jugera à l’épreuve du feu » ♦

 

* les USC sont des services dédiés à la surveillance continue des patients (intermédiaire entre une réa et un service classique). Les SSPI sont les salles de surveillance post-interventionnelle.