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Délivr’aide : des étudiants aident des étudiants

Par Zoé Charef, le 23 novembre 2022

Journaliste

Pour ses dons, l'Équipage Solidaire compte sur les invendus de grandes marques de distribution, de boulangeries, de restaurants mais aussi d’associations telles qu’Emmaüs et la Banque alimentaire © Équipage Solidaire

Pour lutter contre la précarité étudiante, l’association Équipage Solidaire livre gratuitement de la nourriture et des produits de première nécessité aux étudiants dans le besoin, via une plateforme baptisée Délivr’aide. J’ai rencontré les bénévoles de la branche grenobloise, créée il y a moins d’un an.

Plus de 4000. C’est le nombre de bénéficiaires que l’association l’Équipage Solidaire a aidés à ce jour à travers la France. Créée début 2020, l’association réalise dans un premier temps des maraudes dans Paris. Avec le confinement du printemps 2020, l’idée germe de continuer les actions en livrant nourriture et produits de première nécessité directement chez les étudiants dans le besoin.

 

« Réinventer l’engagement citoyen »

Délivr’aide à la rescousse des étudiants dans le besoin
Délivr’aide, un service d’aide qui tisse des liens humains. © DR

Clément étudie le management à l’université de Grenoble et, à 20 ans seulement, il est un bénévole de la première heure, chargé de projet de la branche grenobloise. Ce qui l’a motivé à s’investir, c’est la soif d’apprendre et d’acquérir de l’expérience, « tout en aidant les étudiants en situation de précarité que je fréquente au quotidien ». À ses yeux, la valeur ajoutée de Délivr’aide est de « réinventer l’engagement citoyen en passant d’un mode initialement très statique [comme le Crous] à un mode plus mobile. »

Misant sur un tel fonctionnement, les trois jeunes fondateurs de l’association mettent en place Délivr’aide en mars 2021. Une plateforme sur laquelle les étudiants peuvent se procurer gratuitement des kits de nourriture et de produits de première nécessité, sur seule présentation de la carte étudiante. Aujourd’hui, elle est considérée comme la première plateforme d’aide à domicile pour les étudiants en difficulté.

 

Des premiers kits à la multiplication des branches

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Les kits de nourriture proposés par Délivr’aide et livrés à domicile des étudiants dans le besoin. © Equipage Solidaire

Au national, l’équipe constate dès le départ que le système des livraisons est avantageux pour les bénéficiaires comme pour les bénévoles. Une heure et un lieu sont convenus par les deux parties : plus besoin d’être présents lors de permanences à horaires fixes. Cela élargit d’autant plus le champ des possibles pour les bénéficiaires, les livraisons permettant « d’aider les étudiants en situation de handicap, ceux qui n’ont pas le temps de chercher de l’aide ou qui n’y avaient pas accès », explique Hicham, responsable de l’Équipage Solidaire à Grenoble et étudiant en cybersécurité de 23 ans. Il a d’ailleurs découvert l’association en trouvant des failles dans leur site, et l’a rejointe peu de temps après, motivé pour développer une telle initiative ailleurs en France.

 

Lire aussi : À la rescousse des étudiants en situation précaire

 

Denrées alimentaires, articles informatiques, livres et bien plus  

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Exemple du contenu d’un kit. © Equipage Solidaire

Pour ses dons, l’Équipage Solidaire compte sur les invendus de grandes marques de distribution (Carrefour, Monoprix), des boulangeries, des restaurants mais aussi d’autres associations telles qu’Emmaüs et la Banque alimentaire.

L’association diversifie les aides autant qu’elle le peut : en plus des denrées alimentaires, produits informatiques, livres et articles hygiéniques déjà proposés, elle procure désormais des vêtements aux étudiants grâce à un nouveau partenariat avec Emmaüs Campüs*.

Délivr’aide est aussi présent sur Discord, où près de 3 000 étudiants s’entraident « en partageant leurs cours par exemple, précise Hicham. On a aussi pour projet d’aider à la création de CV et lettres de motivation. Et d’élargir nos offres pour aider au maximum les étudiants. »

 

« On est des jeunes qui aident des jeunes » 

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Les bénévoles-responsables des diverses branches de l’Equipage Solidaire. Au milieu au premier rang, Yovann Pigenet, président et fondateur de l’association. © Equipage Solidaire

À Grenoble, la trentaine de bénévoles est vraiment force de proposition. Avec par exemple des idées de levées de fonds ou d’événements étudiants, pour le plus grand plaisir d’Hicham et Clément. On parle course à pied, concerts, soirées étudiantes… 

« Tout le monde peut s’investir à son échelle, commente Clément. Certains livrent une fois par mois, d’autres s’impliquent très fréquemment pour que l’association vive à Grenoble. Le but n’est pas de mettre une quelconque pression aux bénévoles, mais de s’amuser et développer le projet tous ensemble. » L’aspect humain est primordial chez l’Équipage Solidaire, précise-t-il encore : « On échange avec les différents pôles des villes concernées, c’est un vrai esprit de groupe, ça crée de vrais liens. Finalement, on est des jeunes qui aident des jeunes !  »

 

  • L’Équipage Solidaire Grenoble lance un concours : des séances photos à destination des étudiants grenoblois pour garnir CV et lettres de motivation. Inscription en échange d’un don financier ou matériel (aliments, habits, livres…). 

 

Bientôt de nouveaux locaux pour la branche grenobloise 

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Les bénévoles-fondateurs de la branche grenobloise de Délivr’aide, Clément Hicham et Alicia (et Aurore), lors de la remise du Prix Fondation Cognacq-Jay « Inventer la solidarité sociale de demain » de 2021. © Délivr’aide

L’équipe de Grenoble se répartit les missions, à l’occasion des réunions mensuelles. Travail de communication, de prospection, de livraison, de mise en place de projets et de rendez-vous, dans la bonne humeur ! Tout en se rappelant d’être plus organisés…

Après un buzz sur l’une des vidéos TikTok de l’association, plus de 100 demandes de kits sont arrivées alors que l’équipe n’était pas prête. Mais Clément assure qu’ils vont « mieux s’organiser. Parce que ce n’est pas possible de stopper l’activité lorsqu’il y a davantage de demandes. On va mieux se structurer et se répartir les tâches. »

Hicham se réjouit de la suite. Pendant la réunion d’octobre, il annonce aux autres bénévoles les bonnes nouvelles : « On a remporté pas mal d’appels à projets à Grenoble, notamment avec Monoprix. Donc on a de quoi financer des locaux plus adéquats pour stocker les invendus et faire nos réunions. » Et grâce à leur nouveau partenariat avec la Banque Alimentaire, ils considèrent avoir assez de nourriture à distribuer pour l’année à venir.

 

Association reconnue d’intérêt général

Après une création grenobloise tout en douceur en décembre 2021, la suite « va être incroyable », estime Hicham. « Vous ne vous rendez pas compte du chemin parcouru, mais moi oui car je suis là depuis le début. Je me rappelle fin décembre dernier, dehors dans le froid, à réceptionner les kits. Maintenant, on a un vrai potentiel, de vraies opportunités », conclut-il. 

Après Paris, de nouvelles succursales de l’association sont nées, à Toulouse, Montpellier, Le Havre et plus récemment, Grenoble donc. « Trois ou quatre nouvelles villes devraient bientôt s’y mettre à leur tour, ajoute le jeune homme. Ça s’étend vite et c’est très motivant. L’association vient également d’être reconnue d’intérêt général, ce qui nous offre une légitimité auprès des partenaires. Chose primordiale pour notre fonctionnement. »

 

Bonus
  • L’application Délivr’aide a vu le jour le 7 novembre dernier. On peut s’y inscrire pour être aidé grâce aux dons et au bénévolat. Mais également pour aider. Cette application est « plus parlante qu’un site internet pour les jeunes, plus fluide d’utilisation, développe Hicham. On appréhende un petit peu, parce que ça veut dire qu’il y aura une hausse des demandes. Nous devons être capables d’y répondre comme il faut ! »
  • Emmaüs Campüs : né en 2021, c’est le nouveau chantier d’insertion dédié à la lutte contre la précarité étudiante. Emmaüs Défi a pour mission plus générale d’aider les personnes en situation de grande précarité à en sortir durablement. 
  • L’enquête annuelle COP’1 sur les étudiants en situation de précarité. La majorité d’étudiants bénéficiant des aides alimentaires y avoue ne pas se nourrir à sa faim (56%) et 85% ont déjà sauté un repas par manque d’argent. Vous pouvez consulter la synthèse de l’enquête 2022 ici. Quant à l’étude « Précarités étudiantes : deux ans après rien n’a changé » publiée par l’association de lutte contre le gaspillage alimentaire Linkee, elle révèle que deux étudiants sur trois sont en situation d’extrême précarité car une fois toutes leurs factures payées (logement, charges, abonnement de transport, internet et téléphonie), il leur reste moins de 50 euros pour subvenir à leurs besoins.