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Et si on optait pour des jouets de seconde main pour Noël ?

Par Paola Da Silva, le 18 décembre 2023

Journaliste

À Nantes, Joujou collecte, trie, nettoie, remet en état et revend dix tonnes de jouets et jeux par an ©Paola Da Silva
C’est un « gisement » qui dort dans les placards des enfants et génère malheureusement beaucoup de gaspillage. Rejouons Solidaire, collectif national regroupant six associations spécialisées dans le réemploi du jouet, s’attèle à donner une seconde vie aux jeux tout en s’engageant à former des personnes éloignées de l’emploi. À Nantes, c’est la boutique Joujou qui propose des jouets de seconde main aux particuliers et professionnels.

 

Faire un achat solidaire pourrait-il redonner un peu de sens à un Noël trop consumériste ? Loin de la frénésie des grandes surfaces et autres magasins spécialisés, Joujou, boutique solidaire, propose depuis 2020 un modèle différent à ses clients nantais.

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Diane Bégard, coordinatrice de l’atelier jouets et réemploi chez ATAO ©PDS

« En 2018, j’étais jeune maman, et je me demandais où je pourrais trouver des jouets de seconde main en bon état et qui me permettent de faire une action solidaire », raconte Diane Bégard, coordinatrice de l’atelier jouets et réemploi chez ATAO, et co-fondatrice de Joujou« J’ai alors rencontré l’association ATAO, qui m’a proposé de monter ce projet à Nantes. Je me suis donc lancée dans l’entrepreneuriat social, et Joujou est né deux ans plus tard ». Aujourd’hui, Joujou collecte, trie, nettoie, remet en état et revend dix tonnes de jouets et jeux par an sur sa seule boutique de Nantes. Tout en proposant à dix personnes de remettre un pied dans le monde du travail.

Regroupées au sein de Rejouons Solidaire

Mais Joujou est loin d’être la seule boutique en province à reposer sur ce modèle. « Actuellement, nous regroupons six associations françaises qui mènent ce travail (2) », détaille Marjorie Grégoire, responsable du réseau Rejouons Solidaire, fondé en 2023. « Toutes ont pour but de trouver une solution à deux grandes problématiques actuelles : la réduction des déchets dans le monde du jouet d’une part, et la création d’emplois pour les plus précaire d’autre part ».

Le fait de se réunir permet à ces six structures d’être plus visibles, de mieux faire connaître leurs activités et de collaborer. « Elles partagent leurs bonnes pratiques, leurs difficultés, mais aussi leurs outils. Rejouons Solidaire leur permet ainsi de se professionnaliser et d’accélérer leur développement en accédant par exemple à des opportunités nationales ».

 

La seconde main est une solution

Marjorie Grégoire et Diane Bégard font le même constat concernant l’univers du jouet. « Il y a un énorme gaspillage. Le volume de jouets produits et vendsu chaque année est affolant. 95% sont importés d’Asie, et leur durée de vie est estimée à huit mois dans le meilleur des cas », relate Diane Bégard. Ceci sans compter la problématique du plastique, matériau le plus classiquement employé dans leur fabrication. La loi environnementale Agec de 2022 sur la réduction des déchets comporte d’ailleurs plusieurs décrets sur la responsabilité des fournisseurs et distributeurs de jouets. « Le jouet est donc désormais considéré comme un objet polluant, poursuit Marjorie Grégoire. La seconde main de qualité est une solution à ce problème. Les associations de notre réseau permettent d’accéder à cette offre simplement. »

Mais il reste encore des freins à lever afin de convaincre certains parents. « Nos jouets sont propres, en très bon état, et coûtent de 50 à 70% moins cher que les neufs, argumente Diane Bégard. Enfin, nous offrons en plus un vrai conseil… tout cela sans payer de frais d’expédition, comme c’est le cas sur les plateformes de revente en ligne ! ».

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Des rayonnages remplis de jeux ©PDS

Acquérir des compétences pour de futurs emplois

Au-delà du réemploi des jouets, les six associations membres de Rejouons Solidaire se sont toutes engagées à intégrer dans leurs activités des personnes très éloignées de l’emploi. « Certaines sont au chômage depuis très longtemps, d’autres sont handicapées, ou ont eu un accident de vie… les parcours sont divers. Notre but est de leur faire acquérir de nouveaux réflexes en lien avec l’emploi », explique Marjorie Grégoire.

Au sein de l’atelier de Joujou à Nantes, situé derrière la boutique, les employés, en CDD ou CDDI, se voient confier plusieurs types de missions. Cela va de la collecte des jouets à leur transport, au nettoyage ou encore à la gestion des stocks. « Ce sont des qualifications qui sont transférables à d’autres emplois, explique Diane Bégard. On essaie de les faire monter en compétences afin de leur offrir à terme, un meilleur projet de vie ».

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Une employée en insertion nettoie les jeux ©PDS

Deux fois plus d’associations membres en 2024

Déployer ce modèle qui fonctionne est aujourd’hui l’axe de développement majeur pour le réseau Rejouons Solidaire. Une de ses missions est en effet d’accompagner les porteurs de projets, partout en France, afin qu’ils créent une activité de même type. « Nous allons probablement doubler le nombre d’associations membres du collectif en 2024, indique Marjorie Grégoire. Nous allons pouvoir mieux nous structurer. Être plus nombreux nous permettra aussi de pouvoir répondre à la commande publique ». Car l’axe de développement vers les professionnels de l’enfance est primordial. Joujou, à Nantes, a ainsi récemment obtenu le marché de deux communes de l’agglomération nantaise. « Les crèches privées, les assistantes maternelles, les ludothèques peuvent également faire appel à nous pour s’équiper », précise Diane Bégard.

L’argent étant le nerf de la guerre, Joujou espère que particuliers et entreprises les soutiendront financièrement par le biais de dons en cette fin d’année. « Les particuliers peuvent nous soutenir tout simplement en venant en boutique le reste de l’année. Nous avons aussi besoin de vivre les autres mois ! » ♦

*Cross The Ages, parrain de la rubrique « Économie », vous offre la lecture de l’article dans son intégralité *

 

Bonus

[pour les abonnés] ATAO – Les autres boutiques solidaires. Les chiffres du réseau Rejouons Solidaire et de Joujou – <!–more–>

  • ATAO. Cette association nantaise créée en 1999 dont le but est d’accompagner les personnes éloignées de l’emploi dans l’insertion professionnelle via diverses activités (métallurgie, menuiserie, mobilité, réemploi du jouet…)
  • Le réseau Rejouons Solidaire. Ses six associations sont Joujou à Nantes, Rejoué à Paris, Tijouets dans le Finistère, Enjoué à Villeurbanne, Carijou à Strasbourg et Recycl’jouet dans l’Aisne. 

Les chiffres :

Chez Rejouons Solidaire, en 2022 :

  • 144 tonnes de jeux, jouets et livres collectés.
  • 196 salariés accompagnés vers l’emploi.
  • 26 points de vente en France.

Chez Joujou :

  • Prix du jeu : 4€ en moyenne, à partir de 10 centimes la petite voiture.
  • 10 personnes en contrat 28h/semaine (soit 6 équivalents temps plein), tous les postes étant accessibles aux femmes.
  • 50 passages en caisse/jour, 3 jours par semaine pendant la haute saison.
  • 45% du CA réalisé entre octobre et décembre.