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Un musée spécialement pensé pour les enfants

Par Maëva Danton, le 19 juillet 2023

Journaliste

Au programme : du numérique pour voyager dans le temps et l'espace, des outils à manipuler, et plein de connaissances sur des sujets capitaux. @MD

Initié par l’association La Fabulerie, le Fabuleux Musée propose aux enfants de Marseille une expérience mêlant récit, numérique et manipulation d’objets scientifiques pour les cultiver et les sensibiliser à certains sujets. Une manière aussi de les familiariser avec le monde du musée. Monde que beaucoup d’entre eux n’ont pas l’habitude de fréquenter.

 

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Fil rouge de la visite, Cléo accompagne les (très énergiques) enfants tout au long de leurs découvertes @MD

« Et ça, qu’est-ce que c’est ? », demande Cléo de sa voix enveloppante, tenant du bout des doigts une longue plume vaporeuse. Silence perplexe parmi la dizaine enfants réunis en grappe autour d’elle. « C’est une plume d’autruche », souffle l’animatrice. « Et vous connaissez ses super pouvoirs ? Elle court trèèès vite ! 70 km/heure. Comme une voiture ! ». Une petite fille interroge, montrant la plume : « Elle mange ça ? » « Non, sourit Cléo, l’autruche ne mange pas de plumes. Elle mange de petites bêtes dans la terre ». Un petit garçon se dresse sur ses genoux, levant très haut la main : « Moi, mon papa il a un œuf d’autruche ! ». À l’arrière, la maîtresse est ravie : « L’oralité, ça fait partie du programme des grandes sections. C’est parfait ! », chuchote-t-elle.

Dans la salle obscure, les discussions vont bon train entre ses élèves de l’école Les Bergers, dans le 6e arrondissement de Marseille et Cléo, animatrice du Fabuleux Musée. Ensemble, ils écument le contenu d’une vieille valise remplie d’objets mystérieux et découvrent une lettre signée d’un petit garçon d’une autre époque. Celui-ci leur confie avoir caché dans un coffre « un trésor tout petit mais très précieux », trouvé dans chacune de ses explorations de la nature. De quoi s’agit-il ? Aux enfants de la découvrir tout au long d’une chasse au trésor mêlant manipulation d’objets et outils numériques.

 

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Plongés dans un décor marin, les enfants commencent à faire mine de nager. @MD

Voyager dans le temps et dans l’espace

Une fois le récit posé par Cléo, les murs de la salle s’éclairent et les enfants sont projetés dans le décor d’un ancien hôtel : l’Asteria. À travers les fenêtres, on voit des chevaux passer devant le théâtre de La Criée. Et là, dans le ciel, une montgolfière qui ne manque pas d’impressionner la bande d’explorateurs. Soudain, un fracas détourne les enfants de leurs rêveries. L’hôtel est submergé d’eau et ils se retrouvent immergés dans un univers marin. Autour d’eux, « un mérou », présente Cléo. Une pieuvre qui fait sursauter une fillette. Un barracuda. Une baleine ; « Vous savez qu’elles remontent à la surface pour respirer ? ». Les enfants crient. Fiers d’être les premiers à voir apparaître tel ou tel animal. Ils courent de part et d’autre de la pièce. Font mine de nager. Dans ce musée totalement conçu pour eux, l’effet immersif semble avoir opéré.

Car en utilisant à la fois la narration et le numérique pour capter leur attention, le Fabuleux Musée a vocation à s’adresser à tous les enfants, en particulier ceux peu habitués à fréquenter les musées. Des espaces généralement peu adaptés à ce public avec leurs œuvres bien trop hautes, des sujets pas franchement intéressants pour eux … Sans parler des pratiques culturelles très différentes selon les milieux sociaux. « À l’école des Bergers, nous sommes en réseau d’éducation prioritaire et très peu d’enfants fréquentent ce type d’endroits », observe la professeure des écoles qui a donc décidé d’inscrire sa classe dans un parcours d’éducation artistique et culturelle. Parcours dans lequel s’inscrit cette visite, au sein d’un lieu que l’enseignante connaissait déjà à titre personnel.

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Puzzles, classements, cherche et trouve … De nombreux petits jeux numériques sont proposés aux enfants pour en savoir plus sur la biodiversité. @MD

Médiation numérique, artistique et culturelle

« La Fabulerie a été fondée par Axelle Benaich pour créer des expositions à partir de dispositifs numériques », retrace Rim Lacroix, chargée d’administration et plus ancienne salariée de l’équipe marseillaise. « Nous faisons de la médiation artistique, culturelle et scientifique à l’aide du numérique ». L’association forme également des enseignants et des bibliothécaires pour les aider à mieux prendre en main les outils digitaux.

Au début de l’aventure, en 2010 Axelle Benaich – qui vit désormais en Ardèche où elle a monté une antenne – travaille chez elle, mettant au point des expositions dans différents lieux. Puis, poursuit Rim, « nous avons trouvé un local qui était en fait un garage. Nous avions douze volontaires en service civique avec beaucoup d’itinérance. Ce n’était pas tenable ». Jusqu’à ce que se présente l’opportunité de s’installer dans un ancien hôtel-restaurant de 150 m² en plein centre-ville de Marseille. Sur le boulevard Garibaldi, juste derrière le commissariat de la Canebière. « Ici, nous avons pu mettre en place un tiers-lieu avec un lieu de travail pour notre équipe, du coworking solidaire, une programmation culturelle tout au long de l’année », et bien sûr, le Fabuleux Musée, qui s’adresse aux scolaires, aux centres sociaux et aux familles (bonus).

 

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Biodiversité, climat, cerveau … Les thématiques du Musée permettent aux enfants d’explorer les grands défis de notre société. @MD

Une exposition pour s’émerveiller du vivant

Un musée dont la thématique change chaque année, avec l’idée d’explorer les grands défis de la société. « La première exposition, en 2022, portait sur le climat », avec un voyage à travers les pays, et le recours à des archives municipales. Désormais, c’est la biodiversité qui est à l’honneur à travers l’exposition « Vivant.e.s ».

« Nous travaillons en partenariat avec la Délégation Académique à l’Éducation Artistique et à l’Action Culturelle (DAAC) pour savoir quels sujets sont traités à l’école. La biodiversité est un sujet très demandé par les enseignants ».

En 2024, une nouvelle exposition consacrée au cerveau et aux addictions, « y compris aux écrans », pointe Rim. Car si le numérique constitue l’un des principaux ingrédients de la Fabulerie, l’association est, paradoxalement, bien consciente des risques qui y sont liés, surtout pour un jeune public. D’où la volonté de les accompagner dans leurs pratiques, en faisant du virtuel un outil d’ouverture sur le réel.

 

♦ Lire aussi : Des associations de quartiers dans les instances du Mucem

 

Dans la salle d’exposition, les enfants ont été répartis en petits groupes. Les uns, penchés au-dessus de tablettes numériques répondent à une série de questions sur la biodiversité. Questions que certains élèves parviennent très bien à lire, d’autres pas du tout. « Trouve la truffe sur cette image ». « Classe ces animaux en fonction de leur rapidité » …

Quelques groupes discutent vivement, prenant le sujet très au sérieux. D’autres pianotent au petit bonheur la chance, cliquant au hasard jusqu’à trouver la bonne réponse.

Dans le même temps et à tour de rôle, des enfants suivent Cléo dans une sorte de cabane censée incarner la chambre du petit garçon à l’origine du trésor. À l’intérieur de cette cabane, la curiosité est titillée par une foule d’objets -bien réels- que les jeunes visiteurs manipulent avec gourmandise : jumelles, microscope, téléphone à cadran … « Mais c’est vraiment… fou ! » lance une petite fille. L’enseignante aussi semble conquise : « Fabuleux ! Le musée porte bien son nom », souffle-t-elle.

 

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Mais que cache donc le coffre trésor que les enfants sont parvenus à ouvrir ? @MD

Mettre le virtuel au service du réel

Après une petite heure d’exploration, place au dénouement. Mais quel était donc ce trésor dont parlait le petit garçon ? Après avoir décrypté un code à l’aide de la lumière bleue d’une lampe torche, les enfants sont appelés à ouvrir le coffre recelant le trésor. C’est Rokia qui s’y colle.

Concentrée, elle fait glisser les chiffres du verrou qu’un camarade éclaire. Les enfants se serrent les uns les autres pour ne rien manquer du spectacle. Un peu trop peut-être : « Tu m’arraches les cheveux-là ! », s’agace l’une d’entre eux.

Dans le coffre, de petites billes de terre compacte. « Des crottes de lapin ? » demande Cléo. On les observe à la loupe puis l’animatrice les gratte, dévoilant ainsi de toutes petites graines. Le voilà le trésor. « Pourquoi des graines ? », interroge l’animatrice. « Parce qu’avec, on peut faire pousser une nature ! », répond de sa voix timide une petite fille. Faire pousser de la nature, voilà donc la mission que leur confie Cléo juste avant qu’ils ne s’en aillent, leur petit sachet de graines en poche. Et à l’intérieur, peut-être, les germes d’une fascination pour la nature. En vrai cette fois-ci. ♦

*La Criée, Théâtre national de Marseille, parraine la rubrique éducation et vous offre la lecture de cet article*

Bonus

[pour les abonnés] Pour tous les petits Marseillais – L’équipe – Les partenaires –

 

  • À la rencontre de tous les petits Marseillais – Soucieux de rendre la culture accessible à tous, le Fabuleux Musée est bien conscient du fait que son emplacement en centre-ville n’est pas facilement accessible pour les enfants vivant dans les quartiers du nord et du sud de la ville… Alors il va parfois à leur rencontre, installant temporairement ses expositions dans des centres sociaux ou des médiathèques comme celle de Salim-Hatubou dans le 15e arrondissement. Le Fabuleux Musée a aussi conçu des Ludobox qui permettent aux familles de réaliser à la maison des activités manuelles en lien avec les expositions du musée. Au programme : créer son pop-up sous-marin ou un puzzle végétal ou tout simplement réaliser des coloriages.
  • Scolaires, centres sociaux et familles – Gratuit pour les scolaires, le Musée est aussi ouvert aux centres sociaux et aux familles avec un tarif individuel de 8 euros. Toutes les informations sont à retrouver sur son site internet.
  • L’équipe – Rédaction scientifique, designers, … chaque exposition fait appel à de nombreuses personnes, en plus des quatre salariés permanents de la Fabulerie. Équipe qui devrait s’agrandir dans les prochains mois puisque l’association espère recruter d’ici la rentrée un médiateur numérique, culturel et scientifique. De même qu’un facilitateur capable de créer du lieu et d’animer le tiers-lieu.
  • Les partenaires – Le Fabuleux Musée s’appuie sur divers partenaires/financeurs publics et privés. Parmi eux, la Ville de Marseille qui lui a commandé ses deux premières expositions et lui a apporté son expertise scientifique, par exemple en la mettant en lien avec le Museum d’histoire naturelle de Marseille. S’y ajoutent plusieurs services de l’État, la région Sud, le service Culture du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône. De même que des partenaires privés comme la Fondation Orange et l’entreprise Grainette, fournisseuse des bombes à fleurs avec lesquelles repartent les enfants au terme de l’exposition sur la biodiversité.