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Le dromadaire a une sacrée bosse écolo

Par Patricia Guipponi, le 11 septembre 2023

Journaliste

La ferme de Cécile et de Coralie est basée dans l’Hérault, sur le massif de la Gardiole. Le troupeau qui y évolue est constitué de huit dromadaires et d’une chamelle. La mère et la fille œuvrent pour faire mieux connaître l’animal à bosse, notamment ses qualités écologiques et économiques. Cet été, leur caravane caméline a participé au nettoyage des plages du littoral frontignanais.

 

L’œil au khôl parfaitement dessiné. Les narines bien marquées. Les lèvres saillantes et les ratiches proéminentes. La peau hâlée. Le cou long, bon pour s’accrocher. Le corps robuste et les quilles fines. Une sacrée gueule doublée d’une allure magistrale. Tout cela a suffi pour faire craquer Cécile. C’était il y a quatorze ans. Après deux heures de randonnée : « J’ai eu un coup de foudre ». Pas pour le guide. Loin de là.

Celui qui a fait fondre la quadragénaire d’alors n’est pas un bipède carnivore, mais un quadrupède herbivore, doté d’une bosse. Bref, c’est un dromadaire. La rencontre ne s’est pas faite dans les dunes du Sahara mais en Aveyron. « C’était complètement fortuit. Je revenais de vacances en Bretagne ». L’heureux élu s’appelle Touareg. Lui et son acolyte Tyrki vont radicalement changer la vie de l’Héraultaise.

Habituée à la vie à la ferme depuis son plus jeune âge, Cécile a toujours partagé son temps avec des chevaux, des chèvres… Alors côtoyer au quotidien celui que l’on appelle le « vaisseau du désert » ne l’impressionne guère. « Beaucoup l’ignorent, mais le dromadaire est un animal domestique », souligne celle qui se lance alors dans l’élevage des camélidés, embarque dans sa passion sa fille Coralie, qui elle aussi s’attache au bossu mammifère, au point d’en devenir experte.

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Le dromadaire est un animal domestique, surnommé « le vaisseau du désert ». Ph : P. Guipponi

 

Le dromadaire boit cinq fois moins d’eau qu’une vache du même poids

La mère et la fille dénichent le terrain d’un ancien centre équestre abandonné, à Frontignan, au cœur du massif de la Gardiole. C’est un paradis de garrigues pour leurs imposants ruminants. Elles y fondent Dromasud, ferme caméline qui regroupe aujourd’hui huit dromadaires et une chamelle. Elles y prodiguent leurs savoirs via des stages et des formations. Y accueillent des camélidés qui ont besoin d’être éduqués -voire rééduqués- et un public d’adultes et d’enfants pour des promenades sur le dos de leurs protégés.

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Le dromadaire est un animal domestique, surnommé « le vaisseau du désert ». Ph : P. Guipponi

Mais surtout, comme l’explique Coralie, leur objectif est de faire connaître la bête à bosse dont les ressources et les qualités sont adaptées à notre climat toujours plus chaud et à la nécessité d’économiser l’eau comme l’achat de fourrages. À la différence des vaches, l’herbivore dromadaire mange de tout, notamment « les broussailles envahissantes qui poussent partout. Et il boit trois fois moins qu’un cheval et cinq fois moins qu’un bovidé ». Et de prendre l’exemple du ténébreux Tchico, 600 kg sur la balance, qui consomme 20 à 25 litres par jour tandis qu’une Limousine du même poids en ingurgitera entre 100 et 150.

Mais ce n’est pas tout. Le dromadaire a la peau dure : il est résistant et pas seulement aux températures basses et hautes. « Seules l’humidité et la pluie ne lui conviennent pas. Quand il commence à tomber des gouttes, il faut voir le troupeau au complet arriver dare-dare pour se mettre aux abris », sourit Cécile.

 

 

L’animal peut marcher sur de longues distances sans distordre les sols

Les excréments du camélidé se recyclent en excellent fumier. Il est un transporteur de choix pour les marchandises et les passagers sur les chemins où aucun véhicule ne peut accéder. En Afrique comme dans certains coins de l’Asie, malgré l’évolution des technologies, il est toujours autant coutume de faire appel à lui. Il reste une des composantes essentielles pour les économies de pays où il est plus habituel de le voir peupler le paysage. « Cela peut nous amener à réfléchir à son usage chez nous notamment pour le pâturage de terres laissées à l’abandon », poursuit Cécile.

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L’initiative originale a permis de sensibiliser les estivants à la protection de l’environnement.

Voué à la mobilité, l’animal peut marcher sur de longues distances et tenir longtemps sans boire. Et pas besoin de ferrer ses pieds qui ne font pas de dégâts sur les sols qu’ils foulent. Ce qui explique pourquoi les dromadaires de la ferme de Cécile et Coralie ont été choisis par la municipalité de Frontignan pour nettoyer les plages, cet été, et y enlever le verre, le carton et le plastique. Les animaux ne ramassaient certes pas les détritus négligemment jetés au sol, tâche dévolue aux humains, mais ils portaient les imposants sacs poubelles.

Car le dromadaire limite l’érosion. Il ne laisse pas de traces à la différence des machines. « C’est un bon moyen pour sensibiliser le plus grand nombre aux gestes de préservation de l’environnement », reconnaît Cécile. Chaque passage de la caravane caméline, à proximité des parasols et des serviettes de bain, a provoqué moult attroupements. Tel un mirage. ♦

 

Bonus

Entre les camélidés et l’Europe, une histoire ancestrale.

Les fermes et les exploitations camélines sont peu nombreuses sur le territoire français, bien que l’animal à bosse séduise de plus en plus par ses qualités. On en trouve notamment dans le Nord, sur le Larzac ou encore en Lozère. La grande majorité de ces élevages sont à vocation touristique. Et rares sont les éleveurs qui font du fromage ou encore du savon avec le lait des femelles. Ce dernier est pourtant plus riche en vitamines C et D et en fer que celui de vache. Et parfait pour les intolérances au lactose.

La laine et la viande des camélidés sont aussi appréciées, mais il n’y a, à ce jour, aucune production recensée en France. La présence de l’herbivore typique d’Afrique et d’Asie n’est pas une nouveauté. Des traces de camélidés ont été retrouvées datant de l’Empire romain. Le dromadaire et le chameau sont aussi cités dans les témoignages archéologiques de la Gaule du très haut Moyen-Âge.