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Léna Cardo, Le Réfectoire

Par Nathania Cahen, le 19 janvier 2024

Journaliste

Aînés, enfants, familles, demandeurs d’emploi… Tous les publics sont conviés au Réfectoire ©13Solidaires
[HDQ] Elle détonne dans le paysage des responsables associatifs marseillais. Certes, elle partage avec la plupart l’engagement et la pugnacité. Mais n’a pas tout misé sur l’expérience. Car Léna Cardo, 26 ans, sortait à peine des études quand elle a créé Le Réfectoire au lendemain du Covid, dans ce quartier de La Cabucelle, où plus de la moitié des habitants vit sous le seuil de pauvreté. Un lieu ressource, un lieu relais, solidaire et ouvert à tous.
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Léna Cardo a grandi dans les quartiers nord de Marseille, dont jeune adulte elle s’est éloignée ; notamment pour étudier aux États-Unis (histoire et littérature anglaise). En raison de la pandémie de Covid, elle doit abréger son séjour, rentre dans sa famille, à bon port. Mais en cette période inédite, dans ce territoire excentré et fragile, le temps suspendu se traduit par une pauvreté plus extrême que jamais. Par la faim aussi. Une situation qui n’échappe pas à Léna. À l’évidence, la fibre sociale habite cette jeune femme qui a toujours eu envie d’agir sur le terrain, d’exercer un métier impactant. « Rendre la société moins inégalitaire et plus inclusive », résume-t-elle.

Léna Cardo, entrepreneuse sociale junior 1
©13Solidaires

Ce qui manque aussi dans ce piteux environnement, ce sont les lieux de vie, les espaces communs, les occasions de rencontre. Justement, au rez-de-chaussée de l’immeuble où se trouvent les bureaux de son père, au cœur de la Cabucelle (15e), il y a le local vacant d’un ancien restaurant. En mars 2021, il affiche désormais un nouveau nom : Le Réfectoire. Sa gestion est assurée par l’association 13 Solidaires, créée à cet effet.

Redynamiser le quartier et y créer du lien social


Ainsi, à l’arrière-port de Marseille, en face du Marché aux puces, une oasis a surgi. Les portes de cet espace associatif et participatif de 200m2 s’ouvrent en septembre 2022.

Entre les murs pimpants vont très vite s’organiser permanences, réunions d’information collectives, ateliers ludiques, animations en co-construction avec les habitants et partenaires. Ces derniers sont multiples (associations de proximité, institutionnels privés et publics) et pleinement acteurs de ce projet. C’est la Fondation de France Méditerranée, soutien de la première heure. Les fondations SNCF et Vinci. La Fondation Onet qui va mettre à disposition bras et matériels pour rénover la façade dans le cadre d’une journée solidaire. Également la Fondation Brico Dépôt qui met du matériel à disposition. Ou encore le cuisiniste Howdens qui fournit du mobilier. La ville de Marseille, le Département 13 et la Préfecture des Bouches-du-Rhône sont également au côté de Léna.

Léna Cardo, entrepreneuse sociale junior 2
©13Solidaires

Éducation, emploi, solidarité…

Tous les publics sont conviés au Réfectoire. Les anciens, les scolaires, les familles, les demandeurs d’emploi… Plus d’un millier de personnes en ont poussé la porte en 2023. Tous trouvent dans la programmation une proposition qui leur est destinée. Le Café des Biens-Aînés en lien avec Banlieue Santé, pour les anciens. Des Cafés de l’emploi pour les 18-25 ans  (en lien avec Pôle Emploi et la Mission Locale). Des ateliers éducatifs et manuels pour les plus jeunes, où les mamans sont bienvenues. Et pour lesquels Léna adore mettre la main à la pâte !

Le Réfectoire abrite aussi une bibliothèque bien achalandée, qui compte plus de 1300 ouvrages. Les rayonnages ont été conçus et fabriqués à la faveur d’un atelier participatif. Et les livres ont été gracieusement fournis par l’ONG Bibliothèques sans Frontières, dans le cadre de son programme Microbibli, conçu avec la Fondation Cultura. Des beaux livres, des romans, des albums jeunesse… qui nourrissent le rêve, le partage et la curiosité.

Mais le projet auquel tient le plus Léna Cardo reste à venir. C’est la réalisation d’une cantine solidaire. Le cœur du dispositif qu’elle a imaginé.

  • Vous voulez aider Léna Cardo et Le Réfectoire ? Pour soutenir le projet de cantine, les dons et privatisations de l’espace pour des soirées privées sont précieux.
Léna Cardo, entrepreneuse sociale junior 3
©13Solidaires

Un restaurant d’insertion et une cuisine partagée

« Malgré une grande précarité dans le quartier, il n’y a pas de local équipé de cuisine pour soutenir les actions d’aide alimentaire. Ni de lieu pour se restaurer et accéder à une alimentation équilibrée avec des prix accessibles, argumente la jeune femme. De plus, dans ce quartier, on trouve peu d’alternatives au snack et à la boulangerie ».

La cantine reposera sur un fonctionnement solidaire et deux piliers. D’une part une restauration d’insertion les midis en semaine avec une offre traiteur. Il y aura plusieurs tarifs et chacun paiera en fonction de ses moyens, tout en permettant à l’association d’assurer une partie de son autofinancement. Le panier moyen devrait tourner autour de 11 euros, mais, pour les plus défavorisés, un système de tickets-repas à 2 euros est envisagé. « Des plats suspendus seront aussi proposés et nos invendus seront distribués gracieusement », ajoute Léna Cardo.

Léna Cardo, entrepreneuse sociale junior 4
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D’autre part, une mise à disposition de la cuisine pour des actions sociales : lutte contre la précarité alimentaire et de partage qui fait déjà l’objet d’un partenariat avec la Banque Alimentaire.

Mais les besoins sont là et n’attendent pas. Alors, comme la cantine n’ouvrira pas avant septembre prochain, des repas sont déjà servis grâce à une organisation intermédiaire. La solidarité ici n’est pas un concept, mais une nécessité. ♦

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