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Les Vignerons Engagés comptent des militantes comme Sainte-Roseline et Les Demoiselles

Par Frédérique Hermine, le 13 septembre 2023

Journaliste

L’association rebaptisée Vignerons Engagés en 2020 compte aujourd’hui une cinquantaine d’adhérents, tous motivés par une même vision du développement durable ©DR

Aurélie Bertin, propriétaire des deux châteaux varois de Sainte-Roseline et Les Demoiselles, a suivi depuis 2017 le parcours de labellisation en matière de RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) dans le cadre du label Vignerons Engagés.

À la tête de près de 190 hectares au cœur du Var, Aurélie Bertin s’est engagée depuis longtemps dans une viticulture durable et raisonnée avant de franchir le pas du bio, certifié depuis le millésime 2022. Mais la propriétaire des deux châteaux varois de Sainte-Roseline aux Arcs et Les Demoiselles à La Motte est encore plus fière du label Vignerons Engagés. Elle a décroché le premier label RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) de la filière Vin en 2021.

 

Le parcours du combattant-vigneron

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Aurélie Bertin ©DR

« J’avais d’abord adhéré au label Haute Valeur Environnementale qui a ouvert la voie de la traçabilité, notamment en vigne, avec un souci accru de biodiversité » raconte la vigneronne. Un pari d’autant plus aisé que les deux vignobles de l’arrière-pays varois sont cernés de bois et forêts au sein de vastes domaines. Le challenge du bio s’est révélé plus ardu, surtout lorsqu’il concerne d’aussi grandes surfaces.

Mais Aurélie veut surtout aller plus loin dans une démarche globale de RSE. Elle se lance alors dans un parcours d’actions balisées afin d’obtenir la labellisation Vignerons Engagés, décrochée en 2021. « Cela comprend non seulement le souci de l’environnement, mais également la qualité des vins, le bien-être dans l’entreprise, une meilleure insertion dans le tissu local… C’est surtout très structurant pour nous, même si le concept de RSE parlait peu à nos salariés au départ, reconnaît volontiers Aurélie. Ce qui nous a intéressés, c’est qu’il va de la vigne au verre sur les trois piliers du développement durable, social, environnemental et économique ».

« Le label Vignerons Engagés est un process d’amélioration permanent en fonction des actions, des indicateurs établis à partir de 300 questions, des projets… Avec une évaluation en fonction de la taille de l’entreprise et sur site, pas seulement sur dossier pour pointer les marges de progression possibles » complète le directeur Éric Henry.

 

Réorganisation en vignes

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Charles Modaine ©F.Hermine

Le label, renouvelable tous les cinq ans, n’implique pas forcément une conversion en bio. Même si cette certification fait incontestablement gagner des points dans l’évaluation ! Mais la réduction des produits phytosanitaires est vivement encouragée. « Depuis deux ans, chaque vignoble bénéficie d’un chef de culture qui a embauché de petites équipes dédiées et des responsables par parcelles. Pour améliorer la qualité du travail avec des logiques de taille et de conduite spécifiques. Pour un accompagnement plus précis des itinéraires techniques, explique Charles Modaine, le responsable de Sainte-Roseline. Nous avons d’ailleurs finalement renoncé au label HVE, moins disant et qui ne nous apporte pas grand-chose lorsque l’on est en bio ».

Des formations sont dispensées aux tractoristes pour une conduite plus responsable et moins énergivore (l’économie est estimée à environ 10%). « Et on ne cesse de réduire notre consommation en eau avec des nouveaux jets à pression pour le lavage du matériel. Il reste encore à digitaliser le vignoble pour passer à des tracteurs avec GPS pour une gestion optimisée des parcelles ».

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Implantation d’une haie ©DR

Friches et compost

Le domaine réfléchit à élaborer son propre compost à base de pulpe de raisins, des déchets verts du vignoble et ceux des centres équestres voisins. « Plutôt que de les vendre aux fournisseurs d’engrais, ne serait-ce que pour améliorer notre bilan carbone », ajoute Charles Modaine. Des friches sont instaurées avant de replanter une parcelle (pour le repos des sols). Des essais d’agroforesterie sont en cours. Les 150 hectares du bois Saint Charles au milieu du vignoble de Sainte Roseline ont été préservés et entretenus pour favoriser les abris d’oiseaux et les couloirs pour chauves-souris. Des replantations de haies avec des essences locales ont été lancées aux Demoiselles, avec la participation des enfants de l’école de La Motte. Ce domaine compte d’ailleurs 300 hectares de forêts Natura 2000.

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Avec les écoliers voisins ©DR

Un programme de gestion des déchets a également été déployé avec récupération des eaux de lavage des machines et des tracteurs après déshuilage pour les épandre dans les champs d’oliviers et les friches. Les boues traitées et les effluents vitivinicoles sont également récupérés. Tout comme les eaux pluviales des bâtiments qui servent à irriguer le petit potager des salariés. « La structuration via la démarche Vignerons Engagés permet de gagner en efficacité, en eau (déjà 30 % d’économies) en énergie et de progresser agronomiquement pour mieux maitriser les aléas météo et faire un travail plus qualitatif ».

 

Une gestion des déchets optimisée

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Le compost de Sainte Roseline ©F.Hermine

Cette liste d’actions à la Prévert est également déclinée en chais et optimisée avec la récente embauche d’une responsable Qualité Sécurité Hygiène afin d’améliorer la traçabilité entre les services, suivre les process et l’évolution des normes, améliorer encore la qualité au travail. Robinets, lances de nettoyage, chaîne de rinçage et de tirage sont équipés d’économiseurs d’eau, les groupes de froid de récupération de chaleur. Un projet de retraitement des eaux de cave devrait bientôt être opérationnel pour irriguer les plantiers.

Une partie des bouteilles a d’ores et déjà été allégée avec un changement de moule pour passer de 630 à 600 g. Par ailleurs, un groupe de travail planche sur le réemploi de bordelaises standards pour les cuvées entrées de gamme. Les cartons sont recyclés tout comme les glassines des étiquettes. Cartons, verre, papiers, plastiques et bouchons font l’objet de tris sélectifs. Les palettes de transports ont été optimisées pour contenir davantage de bouteilles pour un même trajet.

Et pour ce qui est du bien-être au travail, volet non négligeable de la RSE, des exosquelettes ont été testés pour une chaîne d’embouteillage repensée afin de faciliter la manutention. La rénovation du réfectoire a été confiée aux salariés. Des ateliers ont été organisés sur place avec des enfants de CE2 et CM2 pour que chacun puisse échanger et partager sur son métier. Une journée annuelle de détente avec tous les employés a remplacé la journée incentive jugée trop axée sur la compétition. Autant d’initiatives qui rendent l’entreprise plus belle et qui facilitent le recrutement. ♦

 

Bonus

Vignerons Engagés, c’est quoi ça ?

Chez les Vignerons Engagés, des militantes comme Sainte-Roseline et Les Demoiselles 2Dans le foisonnement des labels environnementaux, la certification bio forte de ses deux labels, français et européen, apparaît sans conteste comme celle avec le plus fort taux de notoriété. Mais selon la dernière étude réalisée par l’institut CSA pour Millésime Bio fin 2022, celle des Vignerons Engagés serait reconnue par un quart des consommateurs français derrière HVE (Haute Valeur Environnementale). Mais devant Terra Vitis et le label biodynamique Demeter.

Née en 2007 en collaboration avec l’Institut Coopératif du Vin (ICV), l’association a mis en place un premier cahier des charges pour un label Vignerons en Développement Durable en 2010. Il a évolué en 2019 via un partenariat avec Afnor vers une certification à deux niveaux. D’abord, organisme de contrôle, l’Afnor a participé à l’élaboration d’un nouveau cahier des charges sectoriel basé sur la norme ISO 26000, référence au niveau mondial pour la RSE.

L’association rebaptisée Vignerons Engagés en 2020 compte aujourd’hui une cinquantaine d’adhérents. Labellisés ou en conversion, issus du monde coopératif et des caves particulières. Également des négociants, des distributeurs et des partenaires, fournisseurs de bouchons, bouteilles, équipements viticoles… Tous motivés par une même vision du développement durable.