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Du soutien scolaire pour activer l’ascenseur social

Par Nathania Cahen, le 26 juillet 2022

Journaliste

Comme des milliers d'enseignants, Christophe Dracos s'est mobilisé contre le décrochage scolaire pendant le Covid ©Marcelle

[série bénévoles #5] Prof de maths, Christophe Dracos accompagne l’aventure Le Sel de la Vie depuis sa création en 2020, en plein Covid. Cette association marseillaise chapeaute différentes structures versées dans l’éducation (mais aussi les activités) d’enfants et de jeunes issus de quartiers prioritaires.

 

Pas de cours de soutien en juillet. Pause. Je retrouve Christophe Dracos de retour de Grèce (dont il est à moitié originaire) à la terrasse d’un café, sous un soleil de plomb.

Formateur d’enseignants en mathématiques pour l’Éducation nationale, il me brosse son parcours à grands traits. Né dans les quartiers nord de Marseille, à La Viste, grandi à Saint-Louis, lycéen à Saint-Exupéry. Très tôt, quand il croisait des SDF ou des gens à la rue, il se demandait comment les aider. Il passe à l’action avec les enfants. D’abord des cours de judo bénévoles dans son club de Saint-Louis. Plus tard, il file un coup de main dans une structure multi-activités où ses filles apprennent la danse. Il donne gratuitement des cours de maths –matière qu’il a enseignée durant quinze ans. « J’ai fait ce que je savais faire, donner des cours, aider les enfants dans leur scolarité car c’est là qu’ils peuvent prendre l’ascenseur social ».

Pendant le Covid, des parents inquiets pour le niveau scolaire de leurs enfants

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Une partie de l’équipe du Sel de la Vie © Le Sel de la Vie

En 2020, le covid entraîne le confinement qui se traduit par une situation désastreuse pour de nombreuses familles des quartiers pauvres. Les frères Grabsi réagissent. Salim Grabsi sera un des piliers de la reconversion du Mac Do du quartier Saint-Barthélemy en restaurant social et solidaire, L’Après M. « J’y suis intervenu pour préparer des colis alimentaires, glisse Christophe Dracos. Là-bas des parents d’élèves nous interpellaient, inquiets pour le niveau et la scolarité de leurs enfants en l’absence de cours ».

Aïssa Grabsi, son voisin et collègue, pose alors les fondements du Sel de la Vie. « On a commencé avec un volet éducatif. C’est ce que l’on savait faire, donner des cours, reprendre un programme. Puis on y a ajouté du sport et des séjours d’été », raconte celui qui porte également une casquette de conseiller pédagogique départemental en maths. Les bénévoles du Sel de la Vie s’appuient notamment sur le dispositif national des « Vacances apprenantes » déployé en urgence en 2020. Mais pas seulement. Ils avaient anticipé, et une semaine plus tôt mis en place des cours de remise à niveau dans plusieurs centres sociaux des quartiers nord.

 

Des enseignants et des « Grains de sel »

Qui constitue le corps du Sel de la Vie ? « Des enseignants, mais aussi de petites assos de bas d’immeubles qu’on a baptisées les Grains de Sel et qui repèrent les minots qui passent sous les radars ». Pas loin d’une centaine d’enseignants se mobilisent en 2020 (bénévolement la première semaine puis avec une aide de l’État). Ce n’est pas de trop car les effectifs présents sont deux fois plus nombreux que prévu, « avec pas mal d’enfants en réel décrochage ».

« Je donnais des cours de maths et j’assurais aussi les enseignements du premier degré, se rappelle Christophe Dracos. Il a fallu aussi former les associations à l’informatique, au montage de dossiers en ligne. La fracture numérique a éclaté au grand jour en 2020 ».

La rentrée suivante signe un retour vers la normale mais le suivi scolaire va perdurer. Le Grain de Sel ne possédant pas encore son propre lieu, les cours sont assurés dans les structures en demande, comme Rebondir 13. Ou encore à la Plateforme, école de codage qui leur a ouvert ses portes. Cette année, des cours ont également été assurés à la Maison de l’Apprenti, qui vient en aide aux jeunes en difficulté en leur proposant un avenir professionnel.

De nouvelles activités ont été montées, cet été en partenariat avec le complexe Z5 aux Milles (entre Marseille et Aix) – le Z étant celui de Zidane.

 

♦ (re)lire : Une écurie solidaire pour les étudiants en médecine

 

Une phénoménale écurie de médecine

Du soutien scolaire pour activer l'ascenseur social
Passer le cap fastidieux du P1 de médecine @Le Monde

Le Grain de Sel a entre-temps connu une certaine renommée grâce son écurie de médecine, qui veut donner aux jeunes de peu moyens les mêmes chances de remporter le sésame qui leur ouvrira les portes de la 2e année. Avec 41,5% de reçus, le taux de réussite est exceptionnel ! Les promos sont désormais hébergées dans des locaux de l’APHM. Surtout, nombre de jeunes passés par là deviennent tuteurs à leur tour.

« Ils sont bénévoles la première année, puis on a trouvé un arrangement avec les Apprentis d’Auteuil pour qu’ils touchent ensuite une petite indemnité, précise Christophe Dracos. Le bénévolat gratuit, il faut que ce soit ponctuel ! Quand on lance un appel, ce sont bien souvent les mêmes qui répondent… »

Dans ce beau et vaste projet du Sel de la Vie, Christophe fait partie de la garde rapprochée des huit pilotes, hyper actifs, beaucoup sollicités, souvent en réunion. « C’est chronophage, c’est frustrant parce qu’on ne peut satisfaire toutes les demandes, mais c’est tellement réconfortant de pouvoir rétablir des trajectoires… ». ♦