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Pernod-Ricard accélère l’économie circulaire

Par Frédérique Hermine, le 27 juin 2023

Journaliste

La nouvelle bouteille Absolut Vodka : 57% de papier et de 43% de plastique recyclé qui la rendent ainsi plus légère © Absolut Vodka

À l’occasion de la dernière édition de ChangeNow, le sommet qui rassemblait à Paris pendant trois jours les principaux acteurs et initiatives du Développement Durable, le groupe Pernod-Ricard a mis en lumière ses initiatives d’économie circulaire.

 

« Pour passer d’une société du tout jetable à une économie circulaire, nous devons repenser nos modèles, de la production des ingrédients naturels à la fin de vie des produits, car chaque étape compte », explique Noémie Bauer, directrice Business Durable chez Pernod Ricard à l’occasion d’une table ronde lors du dernier sommet ChangeNow. « Il y a dix ans, le concept d’économie circulaire était confidentiel, avoue Jules Coignard, co-fondateur de Circul’R, un réseau d’experts qui accompagne les entreprises dans leur transformation. Beaucoup de directeurs de RSE ne savaient même pas ce que c’était. Ils commencent souvent par les déchets, ce qui est déjà un excellent moyen de limiter leur impact et d’accélérer la transition écologique ».

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Le sommet ChangeNow, un événement dédié à l’impact positif, aux solutions bénéfiques pour la planète ©FH

Mais il est possible d’agir sur l’ensemble de la chaîne de valeur en limitant la consommation en eau, les emballages, en réduisant les émissions de carbone à chaque étape de la conception et de la distribution des produits.

Réfléchir ensemble

Pernod-Ricard a donc réfléchi à une économie circulaire reposant sur les 5 R : Repenser, Réduire, Réutiliser, Recycler et Respecter. Au début de l’année, le groupe a rejoint avec huit autres entreprises le think tank Les Fabriques, une coalition de réflexion lancée par Circul’R. Elle aide à mesurer efficacement les activités et les flux qu’elles mobilisent afin de transformer les modèles d’affaires en modèles circulaires.

L’objectif est double : permettre l’évaluation quantitative et qualitative des bénéfices environnementaux et économiques de ce nouveau modèle afin de standardiser à terme les outils de mesure. Et anticiper la mise en conformité des prochaines obligations règlementaires. « Si on veut réussir un projet, il faut mutualiser les idées et les coûts, créer une coalition pour changer d’échelle et prouver ainsi la pertinence de la circularité avec de grandes entreprises ». Dans Les Fabriques, aux côtés de Pernod-Ricard on retrouve EDF, BNP Paribas, L’Oréal, Véolia, Elis, Citeo et Bostik.

 

 

De précieux partenaires

Le groupe travaille également en partenariat avec Adelphe et la Fondation Ellen MacArthur. La première institution a été créée par la filière Vins et Spiritueux en 1993 pour limiter les emballages selon le principe du pollueur-payeur. Elle collecte l’éco-contribution des entreprises afin d’accompagner les collectivités locales, de sensibiliser, réduire, trier et recycler les déchets. Elle affiche aujourd’hui un taux de recyclage de 72% dans l’Hexagone. « Dans notre écosystème, nous avons des acteurs aux intérêts parfois opposés : en 30 ans, nous avons collecté 13 milliards d’euros avec des entreprises locomotives, mais aussi avec 90% de PME ; le plus difficile est d’embarquer les TPE dans la course », reconnaît le directeur général Yannick Astesana. Le taux de recyclage est très variable selon les matériaux, mais Adelphe estime qu’on peut encore gagner 30% sur le plastique, 20% sur les cartons d’ici 2030.

La Fondation Ellen MacArthur ne travaille qu’avec les grands groupes, pas avec les citoyens. Elle réunit de nombreux acteurs engagés dans l’économie circulaire pour renforcer les connaissances et explorer les opportunités de collaborations, notamment à travers des ateliers semestriels. « Après une première étape pour inciter les grandes entreprises à une prise de conscience et qu’elles se saisissent du sujet, il faut passer aux projets, affirme Alice Bodreau en charge des partenariats stratégiques. Elles doivent aller plus loin et plus vite en changeant leur culture d’entreprise. Pour cela, nous les incitons aux partages d’idées et à de vraies collaborations, y compris avec leurs concurrents. Il faut aussi travailler à l’harmonisation des outils au niveau de la France mais aussi de l’Europe, former des juristes dans les groupes ».

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Absolut Vodka : ce spiritueux made in Suède est d’abord élaboré à partir d’une distillation du blé d’hiver, une matière première locale ne nécessitant aucun arrosage ©DR

 

La vodka suédoise, modèle de circularité

Les expérimentations peuvent servir d’exemples. Pernod-Ricard a commencé par travailler sur les sous-produits agricoles chez Absolut Vodka (rachetée en 2008) avant de mettre en œuvre un programme global. Le spiritueux made in Suède est d’abord élaboré à partir d’une distillation du blé d’hiver, une matière première locale ne nécessitant aucun arrosage. Il provient de quelque 400 agriculteurs de la région travaillant sous cahier des charges et s’engageant à limiter l’utilisation des pesticides et des engrais. Les 12 000 tonnes de déchets de matière sèche issus de cette distillation nourrissent désormais 250 000 vaches et cochons par jour dans les élevages locaux en remplacement du soja.

La moitié de l’eau utilisée dans la production est également recyclée dans l’alimentation animale. Les 600 000 bouteilles produites quotidiennement sont élaborées à partir de 53% de verre recyclé (60% prévus d’ici 2025). « La fabrication des bouteilles pesant pour plus de la moitié de l‘impact sur le climat, c’était le poste prioritaire à étudier, à commencer par la réduction du poids du flacon initié en 2015 », estime Tina Robertsson, responsable de la performance de Développement Durable chez Absolut. Cet allègement est déjà à l’origine de la diminution de 10% de l’empreinte carbone.

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Les vaches, voisines de la distillerie, se nourrissent de ses déchets zéro pesticide©DR

 

Une bouteille recyclable huit fois plus légère

Absolut teste également une bouteille huit fois plus légère en plastique recyclable, sur une base de papier 100% bio pour la chaîne de supermarchés britannique Tesco et dans les festivals de Suède et Grande-Bretagne. Par ailleurs, les trois quarts de l’énergie consommée par la distillerie proviennent d’énergies renouvelables. De plus, 80% de la production est acheminée par des véhicules utilisant des biocarburants ou par transport maritime (une vingtaine de conteneurs par bateau dont l’espace a été optimisé).

Enfin, une nouvelle installation de recyclage de l’eau permet de la réutiliser sur site évitant de l’envoyer dans des usines de traitements éloignées et d’autres installations du même type sont prévues dans les prochains mois. « L’objectif est d’afficher un impact zéro en matière d’eau et de climat d’ici 2030 », annonce Noémie Bauer.

 

 

La distribution peut aussi être circulaire

Pernod-Ricard accélère l’économie circulaire 2Autre initiative avec EcoSpirits, un système de distribution circulaire de vins et spiritueux dans lequel le groupe a pris, il y a quelques semaines, une participation via son fonds de capital-risque Convivialité Ventures. Le procédé de conteneurs rechargeables, créé en 2018, vise à remplacer les bouteilles jetables dans l’hôtellerie et la restauration. Il permet de réduire massivement les émissions de carbone et de déchets liés à la production et au transport des bouteilles.

L’an dernier, le groupe avait déjà testé le concept avec succès dans plus de 80 bars de Singapour ; il a alors évalué à 66% la réduction d’émissions de CO2 ainsi réalisée. Car si les bouteilles utilisées dans les bars sont en théorie recyclables à l’infini, de récentes études estiment que moins de 15% du verre à Hong Kong et 11% à Singapour sont effectivement recyclés, le reste finissant à la décharge.

 

En vrac et dans des conteneurs en verre réutilisables

Pernod Ricard envisage désormais de le déployer rapidement à grande échelle dans plus d’une vingtaine de pays et 1500 établissements, restaurants étoilés et bars haut de gamme. La vodka Absolut, le gin Beefeater et le rhum Havana Club sont déjà transportés et livrés en vrac dans ces conteneurs en verre de 4,5 litres réutilisables. Le concept avait été développé à l’origine avec La Maison du Whisky à Paris puis développé avec son partenaire distributeur Richard Vins & Domaines. Il permet d’économiser jusqu’à 85% d’émissions de CO2 comparé à une bouteille et réduit de 95% les déchets liés au packaging (bouteilles, bouchons, Cartons, emballages…).

Concrètement, 5200 écoTotes collectés, désinfectés et rechargés, engendrent une économie d’environ 18 tonnes de CO2, soit l’équivalent de 12 000 allers-retours Paris-Bordeaux en TGV, 83 000 km en voiture ou 18 aller-retours Paris-New-York en avion. Le principe devrait être étendu aux cavistes afin que les particuliers puissent découvrir une sélection de spiritueux dans des emballages réutilisables. ♦