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Qualité de l’air : à l’heure des nouveaux indicateurs !

Par Olivier Martocq, le 12 octobre 2023

Journaliste

Un ciel bleu n'est pas la garantie d'un air pur © Marcelle
Depuis une loi de 1996, l’air que l’on respire en France est constamment analysé par des associations agréées sur l’ensemble du territoire. L’objectif premier est d’informer les populations quand il y a des pics de pollutions. L’indice Atmo, issu aujourd’hui de l’indice européen, est basé sur une approche majorante, c’est-à-dire que le polluant le plus élevé donne la note. Or, avec cette règle trop simplificatrice, l’ozone pèse 95% dans le calcul alors qu’il ne représente que 10% du risque sanitaire généré par la pollution atmosphérique. La directive européenne* qui fixe les règles en la matière doit être révisée en 2024, les spécialistes n’ont plus que quelques mois pour mobiliser et imposer leur point de vue !

 

[Dans le cadre de l’éducation aux médias, avec le soutien de la Région Sud, une version radio pour les lycéens]

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 La bonne nouvelle, c’est que les indicateurs sur la qualité de l’air de toute la planète utilisent tous les mêmes règles de calcul, ce qui permet des comparaisons. Via internet, on peut visualiser en un coup d’œil la qualité de l’air par ville, région, pays ou continent à tout instant. Les sites proposant des cartographies sont légion et instructifs. Même si parfois notre esprit cartésien tique parfois. Quand, par exemple, au cœur de l’été les Hautes-Alpes s’affichent sur les cartes en rouge cramoisi tandis que Marseille et sa côte sont en vert tendre malgré le flot de touristes et leur cortège d’embouteillages sur les grands axes et le long du littoral.

L’explication tient au pic d’ozone : ce gaz formé dans l’atmosphère, à la différence des particules fines ou de l’oxyde d’azote, n’est pas émis directement par les activités humaines mais favorisé par des phénomènes météo et le réchauffement climatique.

Les indicateurs ne sont plus pertinents

Qualité de l’air : à l'heure des nouveaux indicateurs !La mauvaise nouvelle, c’est que depuis trente ans la méthode de calcul n’a pas changé. Elle intègre dans leur globalité un certain nombre de polluants en tenant compte des maximums enregistrés chaque minute, heure, jour. Quand les seuils sont franchis, alors les alertes sont déclenchées.

À Marseille, le premier seuil dit « qualité de l’air dégradé » a été atteint par exemple 30% du temps ces douze derniers mois. « Le problème est que, quand vous avez un polluant comme l’ozone qui écrase tous les autres, vous êtes dans une impasse », explique Dominique Robin, le directeur d’AtmoSud. Les scientifiques ont par exemple relevé que la Provence et les Hauts-de-France enregistraient les mêmes niveaux d’ozone une grande partie du temps. Ils ne sont pas produits par une activité sur le sol français, mais importés d’Asie via des courants dans la haute atmosphère. Pour les spécialistes, il est donc urgent de modifier l’échelle de calcul européenne. Et cela tombe bien puisque la directive qui fixe les règles en la matière doit justement être révisée en 2024. Reste à présenter un modèle crédible et pertinent !

 

Le timing européen permet un changement d’indice

La France devrait monter au front avec un cahier des charges établi par la fédération des associations de surveillance de la qualité de l’air, Atmo France. Le Conseil National de l’Air présidé par Claire Pitollat l’a validé et doit émettre un avis dans ce sens au gouvernement. « L’attente citoyenne est d’avoir une vision en temps réel, appuie cette dernière. De savoir là où on se trouve si l’air est pollué, par quel type de polluant et si c’est dangereux pour la santé ». Et la députée Renaissance des Bouches-du-Rhône de poursuivre : « Cette information passe entre autres par la multiplication des capteurs et des analyses plus fines, qui tiennent compte de l’environnement et des polluants s’y trouvant. À la campagne, ce seront par exemple des pesticides. Dans les villes, les voitures ou le chauffage. Dans les ports, les bateaux. Aux abords des sites industriels, des polluants liés à leurs productions, etc. »

 

Icair, le nouvel indice qui cumule

Développé par AtmoSud, le nouvel indice Icair se base sur le cumul de polluant plutôt que sur le maximum atteint par l’un d’entre eux. « Cela permet des analyses beaucoup plus fines de la réalité du risque pour la santé et surtout d’être en lien avec les efforts de réduction des émissions locales », explique Dominique Robin. « On a la preuve maintenant, ce qui n’était pas le cas il y a 30 ans, des effets cocktail : la superposition des polluants provoque un effet combiné dévastateur pour la santé ». Les nouveaux capteurs permettent également de détecter de nouveaux polluants, comme les particules ultrafines, ou d’autres spécifiques, issus de l’industrie ou de l’agriculture par exemple. De quoi affiner les diagnostics, mais surtout de prendre des mesures adaptées pour les faire baisser.

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Une veille citoyenne bienvenue

Au-delà des indicateurs se pose quand même la question de l’efficacité des capteurs déployés sur le territoire. De toute évidence, des freins existent. À Marseille, par exemple, AtmoSud ne dispose que de quatre stations, alors que des ingénieurs ont développé en open source des capteurs peu onéreux (autour de 300 euros) et un site très simple d’utilisation, Open Air Map. « Nous avons travaillé sur deux types d’appareils. Module air permet de mesurer la qualité de l’air à l’intérieur. Nébule Air, à l’extérieur », précise l’un des concepteurs, Paul Vuarambon.

Qualité de l’air : à l'heure des nouveaux indicateurs ! 3Pour marquer ses 5 ans, Marcelle a décidé de s’en offrir un. Il a été installé sur le balcon de la rédaction. Stupeur : ce mardi 10 octobre, alors que le ciel était bleu, sans le moindre nuage, et sans axe de circulation à proximité immédiate, à peine branché, les voyants du capteur ont clignoté en rouge. Sur le site Open Air Map, un indice de particules fines particulièrement mauvais s’est affiché. Et n’a fait que s’aggraver au cours de la journée. « On en a aujourd’hui déployé une dizaine. On voit très nettement, en fonction des heures, l’évolution de la pollution aux particules fines dans les secteurs mesurés. Informer les habitants selon leur quartier est techniquement au point »,  Paul Vuarambon.

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Pour les associations comme France Nature Environnement, particulièrement en pointe sur ce sujet, la multiplication des capteurs individuels doit permettre une prise de conscience de la population sur la qualité de l’air secteur par secteur. On se rendrait alors compte que la situation face à la pollution atmosphérique n’est pas uniforme dans une même ville. L’enjeu est véritablement d’intégrer la qualité de l’air dans nos réflexes du quotidien et l’indice doit évoluer pour être plus utile. ♦

 

Bonus

*Le Corporate Average Fuel Economy. Appelé norme CAFE ou réglementation CAFE, cette réglementation a été mise en place au Etats-Unis afin de lutter contre l’effet de serre. Instaurée au lendemain du premier choc pétrolier en 1973, elle avait pour objectif d’influencer l’évolution des véhicules américains et la dépendance énergétique avec un programme commun, aux constructeurs, de réduction progressive de la consommation moyenne. Aux Etats-Unis, en 1975, les voitures neuves consommaient 15 litres d’essence aux 100km.

En 2014, les dirigeants européens ont acté la réglementation CAFE “Corporate Average Fuel Economy” qui devait prendre effet courant 2020. C’est une réglementation lourde pour les constructeurs européens qui se voient imposer un seuil d’émission de CO2 moyen à ne pas dépasser. Il est de 95 g de CO2/km pour l’Europe, contre 125 g de CO2/km pour les États-Unis, 122 g de CO2/km pour le Japon et 122 g de CO2/km pour la Chine.

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