Fermer

Un toit à soi pour se reconstruire

Par Maëva Danton, le 8 octobre 2023

Journaliste

Pour Toit à moi, l'accès au logement va de pair avec un accompagnement complet de la personnes privée de logement, avec la création d'une communauté pour l'entourer. @MD
Aujourd’hui, à Marseille, une personne sans domicile va retrouver un logement. Un logement financé au travers d’une campagne de financement participatif menée par l’association Toit à moi, émanation d’une structure éponyme installée à Nantes. Il y a quelques jours, nous sommes allés à la rencontre des bénévoles qui préparaient l’appartement. Parmi eux, Marcel, premier locataire de l’association qui, après six ans de rue, peut enfin souffler.

 

Samedi 23 septembre à Marseille. Un jour historique. Celui de la grande messe du Pape au Stade Vélodrome. Mais à quelques kilomètres de là, boulevard Banon dans le quartier des Chartreux, on a du pain sur la planche. Un meuble d’entrée à monter, une salle de bain et une cuisine à récurer. Une horloge à poser…

« Ce qu’il y a de bien, c’est qu’il n’y a pas grand-chose à faire », assure Julie Nicol, directrice de Toit à moi à Marseille. L’appartement, 33 mètres carrés, était en parfait état au moment de son achat. Ce dernier a été possible grâce une campagne de financement participatif, qui permettra bientôt d’offrir un toit à une personne sans logement. Peut-être deux. « Le logement devrait être occupé à partir du 9 octobre. Nous terminons les consultations auprès de nos partenaires», des acteurs de l’hébergement qui suggéreront à Toit à moi des profils de personnes susceptibles de venir s’installer ici, entre ces murs saumon et pastel.

 

Un toit à soi pour se reconstruire 1
Sous la mezzanine, un lit à tirer, pour économiser de l’espace. @MD

De Nantes à Marseille

Le concept est bien rôdé. Née il y a quinze ans à Nantes, l’association Toit à moi a depuis fait des petits aux quatre coins du pays. Et à Marseille, c’est Julie Nicol qui, après une carrière dans l’univers du logement, a eu envie de bâtir de toutes pièces cette antenne locale. En 2022.

Depuis, l’antenne marseillaise a déjà logé une personne. Un homme, la quarantaine, aujourd’hui présent comme bénévole, appliqué à monter une table à repasser. Il se fait appeler Marcel. Tresses nouées en chignon, survêtement noir remonté sur les mollets, il a passé six années à la rue.

 

♦ (re)lire : Toit à moi offre des clés aux personnes à la rue

 

Travaillant comme saisonnier dans l’hôtellerie-restauration, il perd un jour le logement qu’il occupe à Marseille. « Là, c’est l’engrenage », dit-il, passant une main derrière sa nuque. « Alors je dors un peu à l’hôtel, à droite à gauche chez des amis, de la famille ». Les HLM ? Même pas la peine d’y penser. Seul, célibataire, il faudrait attendre des années. Le 115 ? « Je préfère encore dormir dehors ». Il passe parfois quelques nuits dans des centres d’hébergement. « Mais certains étaient surtout destinés aux drogués. Moi, je ne suis pas de ce monde ».

 

toit-moi-logement
Dans ce deuxième appartement, peu de choses à faire. Bien équipé, il est aussi en parfait état. Reste juste à passer un coup de ménage, et à ajouter quelques meubles. @MD

« On aide les gens sur la durée »

S’ensuit la parenthèse covid. Le néant. Plus le moindre boulot à se mettre sous la dent. La rue. En continu. Jusqu’à ce que le réseau solidaire de La Cloche le mette en relation avec Julie. Le 29 mai 2022, il a enfin les clés d’un appartement à lui. Il peut souffler. « Pendant quatre mois, j’ai eu beaucoup de mal à sortir du lit. Trop fatigué ». Aujourd’hui, il reprend pied. L’association lui laisse le temps qu’il faut. « C’est ce qui est bien avec cette association. On aide les gens sur la durée », assure Véronique, bénévole depuis 2022, tout en nettoyant la cuisine.

Une cuisine tout équipée. « Le propriétaire savait à qui il vendait l’appartement. Alors il a tout laissé », sourit Julie, sortant d’un tiroir une roulette à pizza, et même une boîte d’allumettes pour la gazinière. L’appartement comprend aussi de nombreux objets offerts par le réseau de l’association. Une communauté appelée à soutenir les personnes au-delà du seul accès au logement, qui n’est qu’un des deux piliers de Toit à moi.

 

Un accompagnement complet

« Le second pilier, c’est l’accompagnement de la personne sans abri », explique Julie. « On l’aide à se reconstruire et à construire un projet de vie ». Ce, au moyen d’une approche globale, au plus près des besoins, en lien avec des structures partenaires, spécialisées, par exemple, dans la précarité énergétique, ou encore dans la gestion des addictions.

Pendant ses six années de rue, Marcel avait par exemple perdu tous ses papiers administratifs. Il a fallu les refaire, ce qui a pris un an. Il ne s’était par ailleurs pas occupé de sa santé. « Depuis que Toit à moi m’accompagne, j’ai fait un check-up complet ». Contrôles du cœur. De la vue. « J’ai découvert que j’étais myope ». « Depuis, il ne quitte plus ses lunettes », sourit Julie. « Je ne pouvais plus regarder la télé à plus de 30 cm. Je voyais trouble dans la rue. Maintenant, je revis ».

Ce qu’apprécie aussi Marcel, c’est le lien humain qu’il a retrouvé ici. « Le contact humain, c’est vraiment ce qui m’a manqué pendant ces années à la rue. J’ai vraiment souffert de la solitude ».

 

Un toit à soi pour se reconstruire 3
A gauche, Véronique. A droite, Chloë. Toutes deux bénévoles de Toit à moi à Marseille. @MD

Un format de bénévolat flexible

La communauté marseillaise Toit à moi est composée d’un conseil d’administration aux profils aussi utiles que divers (bonus), mais aussi d’une équipe de bénévoles qui trouvent ici une manière de combiner envie de s’engager et flexibilité vis-à-vis de leurs contraintes personnelles.

Chloë, qui a monté le petit meuble d’entrée, est nouvelle dans l’association. Elle a 28 ans et est ingénieure aéronautique. Arrivée sur Marseille il y a un an, elle a envie d’agir et trouve Toit à moi Marseille via la plateforme gouvernementale Je veux aider. « J’avais pensé participer à des maraudes, mais j’aurais eu du mal à être disponible. Ici, on s’implique en fonction de nos capacités et l’ambiance est agréable. On vient parce qu’on en a envie. On ne se sent pas obligé ».

Depuis son arrivée en mars dernier, elle a participé à plusieurs événements collectifs. Ramassage de déchets sur les îles du Frioul. Tenue de stands lors d’événements. Les bénévoles ont aussi donné à Marcel une fête d’anniversaire qui l’a ému. « C’était génial. J’étais vraiment super content », se remémore-t-il pensif, bras croisés avant de scruter ce nouvel appartement. « Je pense que ça va être bien ici ».

 

Un toit à soi pour se reconstruire 4
Julie Nicol, directrice de l’association marseillaise @MD
« Je crois qu’on commence à récolter les fruits de tout ce qu’on a fait jusqu’ici »

La fin de l’après-midi approche. Les bénévoles ont rangé matériel de bricolage et produits ménagers dans de gros cabas. Tout est prêt. On jette un dernier regard à ces murs, à l’élégant plafond blanc, fier du travail accompli.

L’association commence à mûrir. Il y a Marcel, qui fait désormais partie de l’équipe, prêt à attaquer « la deuxième partie de [sa] vie ». D’ici quelques jours, une seconde personne sera logée grâce à Toit à moi. Puis une troisième encore, au printemps prochain, dans un nouvel appartement pour lequel une campagne de financement participatif est en cours. Et le nombre de personnes accompagnées devrait progressivement accélérer grâce au patrimoine acquis.

L’association s’apprête aussi à accueillir à mi-temps une salariée chargée d’accompagnement. De quoi soulager Julie, qui, après avoir été accompagnée par l’incubateur d’entreprises de l’économie sociale et solidaire Intermade, s’apprête à déménager dans de tous nouveaux locaux rue de Rome. Locaux que l’équipe pourra meubler grâce aux dons d’une généreuse entreprise qui vide ses appartements de fonction. « On collectionne les bonnes nouvelles en ce moment, sourit Julie. Nous sommes dans une période intense. J’avoue que je suis un peu claquée. Mais je crois qu’on commence à récolter les fruits de tout ce qu’on a fait jusqu’ici ». ♦

*RushOnGame, parrain de la rubrique « Économie », vous offre la lecture de l’article dans son intégralité *

Bonus

[pour les abonnés] – Des loyers modulables – Une équipe forte de profils variés – Comment aider ? – Un million de personnes sans logement en France –

Ce contenu est réservé à nos abonnés. Soutenez-nous en vous abonnant !.
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous.