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Un campus pionnier dans l’agriculture urbaine

Par Nathania Cahen, le 28 novembre 2018

Journaliste

À Marseille, le lycée agricole des Calanques sort de ses murs pour construire un modèle global de ferme urbaine, associant plusieurs écoles du quartier, de la maternelle au lycée. La bonne idée du Campus Nature Provence est de former les citoyens verts de demain, et il en faudra !

 

Soutenu conjointement par les Ministères de l’agriculture et de l’éducation nationale, le projet d’éco-campus a émergé en 2016, à l’initiative de l’ancienne proviseure du lycée agricole des Calanques, Claire Guesdon. Il a été ensemencé, a pris racine et avec le soutien de ses tuteurs, a commencé à pousser dans un laboratoire idéal : un lycée agricole posté sur une vaste butte qui mord sur le parc naturel des Calanques et s’étale sur huit hectares.

 

Un potager urbain et une pépinière d’entreprises

Un campus pionnier dans l’agriculture urbaine 3Aussi réjouissant qu’ambitieux, le dossier décline de multiples facettes, toutes plus vertes les unes que les autres. Il comporte bien-sûr un volet agriculture, qui concilie un potager urbain et une pépinière d’entreprises. Aménagé sur un hectare, le potager urbain sera confié à un jeune agriculteur fraîchement diplômé. Ce sera le laboratoire où il fera ses armes en attendant d’avoir son propre foncier – « à la campagne ou en ville car nombre d’institutions, comme les maisons de retraite ou certains hôpitaux, disposent de foncier urbain qui ne demande qu’à être cultivé », relève Johann Berthaut, le nouveau proviseur du lycée des Calanques. Cette production locale remplira les assiettes des cantines du secteur, avec des légumes de consommation courante essentiellement, parfois produits en décalé, comme les courgettes. Trois parcelles vont par ailleurs être aménagées dans l’enceinte voisine du lycée Marseilleveyre, pour du maraîchage, de la permaculture et des espaces paysagers. « Nous voulons faire comprendre aux élèves et plus largement au public et aux Marseillais, qu’une autre agriculture est possible en ville. Que les circuits courts valent le bio. Que la préservation de la planète est l’affaire de tous », martèle le chef d’établissement.

L’installation de ruches, la culture de champignons…

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La champignonnière… en janvier prochain.

La pépinière d’entreprises, elle, a déjà accueilli son premier « locataire ». Il s’agit de l’association Les Champignons de Marseille, qui favorise l’économie circulaire et valorise les biodéchets puisque ses pleurotes (fameuses) poussent sur du marc de café urbain. Un rucher professionnel viendra bientôt s’installer à son tour, pour agrandir le parc existant de dix ruches, et produire du miel en quantité suffisante pour régaler les cantines scolaires environnantes. Une entreprise d’insertion par l’agriculture pourrait s’agréger à court terme. Le principe est à l’étude, en concertation avec la communauté Emmaüs Pointe Rouge, proche voisine. Également envisagée, l’installation d’un atelier de transformation sur place des produits cultivés, pour en faire des conserves, des bocaux, des coulis et même des plats cuisinés. Mais ici l’échéance est de trois bonnes années. Et, rien n’étant figé, d’autres porteurs de projets pourront encore rejoindre cette pépinière en construction.

De futurs citoyens hautement qualifiés en développement durable

Un campus pionnier dans l’agriculture urbaine 2Évidemment, la dimension éducative est très présente avec la volonté de mettre en place ce qui s’apparente à une « cordée verte », une formation de futurs citoyens hautement qualifiés en développement durable. La sensibilisation démarrera dès les petites classes, avec un enseignement spécifique dans les maternelle et école primaire de la Pointe Rouge. Une classe dédiée sera ensuite créée au collège de Marseilleveyre, et deux autres dans les lycées agricoles des Calanques bien-sûr, et de Valabre (entre Aix et Gardanne). Le tout dans le giron de l’académie, avec la forme juridique d’un EPLEFPA (établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole). Des formations dédiées vont par ailleurs être proposées au sein du Centre de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA), dont un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (BPREA). De nouvelles matières ont de plus été portées au programme, comme l’irrigation et l’entretien des sols ou l’agroalimentaire en lien avec l’IFRIA, l’organisme spécialisé dans les métiers de l’agroalimentaire.

Un campus pionnier dans l’agriculture urbaine 7L’éco campus, c’est également cette kyrielle de gestes qui participent à la préservation de notre environnement. Au lycée agricole des Calanques, on trie tous les déchets, y compris alimentaires, qui vont alimenter le compost organique, brassé chaque jour par les élèves, lui-même destiné au potager. L’établissement abrite déjà un poulailler pédagogique d’une quarantaine de volailles, qui permet de sensibiliser efficacement les jeunes à la question écologique, entre recyclage des déjections, parade contre le frelon asiatique (les gallinacés raffolent de cet insecte, ennemi juré des abeilles) et production d’œufs pour les cantines alentours.

Le champ des possibles reste ouvert. L’idée étant de faire émerger un campus de l’excellence, modélisable et duplicable ailleurs puisque rien de tel n’existe en France. « L’éducation est un levier démultiplicateur, estime Johann Berthaut. Qui permet de bouger les montagnes ». Il pense également que le fait de centraliser toutes les actions allant dans le sens de l’agriculture urbaine, « alimenter la machine », donnera davantage de poids à cette nouvelle filière. Qui n’intéresse pas encore suffisamment les politiques, et c’est regrettable.

— Article en lecture libre grâce au Fonds Epicurien qui soutient la rubrique alimentation —

 

Bonus

 

  • Un campus pionnier dans l’agriculture urbaine 4Le lycée des calanques s’est vu décerner au printemps 2018 le 2e prix Éco décerné par la région. Il vise maintenant la plus haute marche du podium !

 

  • La première champignonnière urbaine recycleuse de marc de café de Marseille sera inaugurée mi-décembre, dans les caves du lycée Les Calanques. Les pleurotes Monte Cristo ont la particularité d’être cultivées sur du marc de café recyclé. Mélangé à de la paille et au mycélium de pleurote, celui-ci n’imprime pas son goût et constitue un excellent substrat de culture, qui confère à nos champignons davantage de fermeté, de texture et de goût que les pleurotes classiques. Ces attributs ont été salués par de nombreux grands chefs étoilés qui les proposent désormais à leurs cartes ! Lionel Lévy en parle fort bien. Les Champignons de Marseille ont lancé un Kisskissbanbank très convaincant. Pour preuve, leur objectif est déjà dépassé !