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« Une entreprise qui appartient à ses salariés grandit mieux »

Par Paul Molga, le 5 décembre 2023

Journaliste

Récent lauréat du prix de l’Entrepreneur 2023 Ernst & Young pour la région Sud-Est, Olivier Sorin a fait du management participatif la pierre angulaire de sa croissance. Au sein du groupe d’ingénierie géotechnique Fondasol, les salariés sont ainsi des actionnaires majoritaires qui participent intimement aux décisions stratégiques concernant leur entreprise. Tandis que leur outil gagne en efficacité.

 

Utiliser l’actionnariat salarié pour mobiliser ses équipes ? Olivier Sorin y croit. Depuis dix ans à la tête du groupe géotechnique Fondasol, basé à Avignon, cet ingénieur de formation s’attache depuis à impliquer intimement ses équipes à la vie de l’entreprise. En 2017, vingt ans après la cession de l’entreprise à un fonds d’investissement par son fondateur, une opération de MBO (management buy-out) avait ainsi permis aux salariés de prendre la majorité du capital : 60%. Fondasol était alors entrée dans un club restreint de 160 entreprises non cotées offrant cette possibilité à leurs collaborateurs.

Elle a récidivé l’an passé en organisant une nouvelle opération de participation salariale, la sixième en une décennie, avec la constitution d’un FCPE (Fonds commun de placement d’entreprise).

 

97% de salariés actionnaires

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Olivier Sorin, PDG du groupe Fondasol ©Fondasol

Sur les presque 900 collaborateurs du groupe, 97% sont actionnaires. Pour atteindre cette part record, un système de soutien a été mis en place. Avec, d’une part, l’attribution unilatérale de titres à chaque salarié à hauteur de 200 euros. Et d’autre part, un abondement de 100% sur les 800 premiers euros. Le capital de Fondasol est aujourd’hui détenu à 75% par les collaborateurs. Pour 40% via le FCPE et la ManCo (une holding spécifique dans laquelle sont logés les titres des cadres associés à l’opération). Et pour 35% répartis entre une dizaine de managers. « Cette double majorité, en salariés et en capital, s’inscrit dans une volonté de partager la valeur créée et de transmettre l’entreprise », explique Olivier Sorin. Il ne compte pas s’arrêter là : à l’avenir, la part des dirigeants sera progressivement diluée au profit des salariés.

 

L’alchimie de la fibre sociale et du goût du management

C’est que le patron a l’âme profondément rouge, héritée d’une enfance sur la dalle d’une cité de Bobigny où il lit Pif Gadget et grandit au rythme des « fêtes de l’Huma ». « J’ai cette patine sociale », admet-il. Ce qui ne l’empêche pas de flirter avec le capitalisme. Entré chez Fondasol sitôt son diplôme d’ingénieur en poche, il affirme rapidement son goût du management. « Une entreprise, c’est un collectif de personnalités : des hommes et des femmes qui travaillent autour d’une vision commune », est-il convaincu. D’abord chef d’agence, puis directeur, puis directeur général, il prend la présidence du groupe en 2013 à l’occasion de son rachat majoritaire par un fonds d’investissement. L’affaire marche bien, mais elle n’est pas loin de toucher son plafond de verre. Pour le dépasser, il doit impliquer intimement ses collaborateurs.

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Le capital de Fondasol est aujourd’hui détenu à 75% par les collaborateurs ©DR

 

Une profonde réorganisation interne

« Une entreprise qui appartient à ses salariés grandit mieux. On s’y accorde sur les visions et les stratégies. On décide ensemble comment investir. Et on partage les difficultés et les succès en pleine conscience. C’est un prérequis si on veut construire de solides bases de croissance », estime-t-il. De cette conviction s’organisent plusieurs restructurations du capital qui s’accompagnent d’une profonde réorganisation interne. Aux côtés du comité de direction siège ainsi cinq fois par an un comité élargi, intégrant des actionnaires salariés élus. Un « café de l’entrepreneuriat » a également vu le jour, où l’on discute contrats, perspectives, investissements et valorisation avec la « tribu Fondasol ».

 

 

Des agences régionales plus autonomes

Chaque agence – aujourd’hui 25 contre moitié moins au début des années 2010 – est également autonome. Leurs équipes – moitié ingénieurs, moitié opérateurs dans une dizaine de métiers – gèrent un portefeuille de quelque 20 000 clients actifs qui nécessitent des études approfondies des sols avant un chantier de construction. Cette autonomie réussit à l’entreprise : de 65 millions d’euros en 2019, son chiffre d’affaires est passé à 89 millions l’an passé.

« De nouveaux relais de croissance sont venus enrichir notre activité », souligne Olivier Sorin. À commencer par l’ouverture de l’entreprise à l’international : en 2015, elle a créé une première filiale au Maroc puis au Sénégal et a racheté en 2020 une société au Canada pour porter à 15% sa part d’activité à l’étranger qui occupe près de 150 personnes. « Notre objectif est de doubler ce chiffre, en particulier grâce au développement économique africain », détaille le patron. Un projet de croissance externe est dans les tuyaux pour accélérer cette progression.

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Nouvelles expertises et nouveaux outils

L’entreprise mise également sur le développement de nouvelles expertises : études de pollution de site, études hydrogéologiques, gestion des eaux pluviales, géothermie… Ces activités pèsent actuellement 20% du chiffre d’affaires.

« L’innovation est notre alliée pour convaincre de nouveaux clients », est persuadé Olivier Sorin. Le prototype d’une foreuse électrique, la première du genre, est en test pour appuyer la décarbonation du secteur. À partir de février prochain, un parc de 90 machines sera ainsi progressivement converti. L’entreprise investit aussi dans l’intelligence artificielle : quand il sera opérationnel, son algorithme prédictif sera capable de déterminer la nature probable des sols étudiés. De quoi réduire le nombre de forages nécessaires. À la clé, une économie de 30 à 50% sur les chantiers les plus courants. ♦

 

Bonus
  • Fonds commun de placement d’entreprise. Un fonds commun de placement d’entreprise, que l’on appelle aussi FCPE, est un support d’investissement. Il donne la possibilité à des salariés de placer de l’argent sur les marchés financiers. La particularité de ce fonds est que les sommes que l’on souhaite investir doivent provenir d’un plan d’épargne salariale et qu’il a un conseil de surveillance formé des représentants des épargnants. L’objectif de ce fonds est de faire fructifier l’argent de manière à recevoir des bénéfices. Pour cela, une société de gestion le bloque et l’investit en bourse. Elle travaille sous la supervision de l’AMF, l’autorité des marchés financiers. Et tout ce que vous pourriez vouloir savoir sur le sujet, ici.

 

  • Les Prix de l’Entrepreneur de l’année EY. Ces prix décernés par le groupe Ernst & Young récompensent des entrepreneurs qui dirigent des entreprises de croissance, conciliant responsabilité et modèle économique pérenne. En voici les critères de participation :
  • L’Entrepreneur est en poste depuis 3 ans minimum, et possède seul ou avec l’équipe dirigeante au moins 10% du capital de l’entreprise
  • L’Entreprise doit avoir 10 M€ de CA minimum,
  • Ne doit pas être filiale d’un groupe,
  • Le capital ne doit pas être détenu à plus de 50% par un groupe,
  • Les sociétés sous LBO sont éligibles,
  • Modèle économique pérenne et capacité démontrée à générer de la croissance.