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Flora Artzner, militante par l’exemple

Par Audrey Savournin, le 31 janvier 2024

Journaliste

Championne de wingfoil, cette Varoise trentenaire défend un sport plus égalitaire et plus écolo. @ Eric Duran
La championne du monde de wingfoil 2022, originaire du Var, défend un sport plus égalitaire, plus inclusif et plus respectueux de l’environnement. Elle s’efforce de démontrer que c’est réalisable et utilise sa notoriété en tant qu’athlète de haut niveau pour véhiculer ces messages.

Le sport de haut niveau, Flora Artzner l’a découvert assez récemment. Un peu par hasard. Presque malgré elle. Mais elle y a de suite pris goût et a vite compris que son statut d’athlète lui donnait du poids pour faire passer ses messages. Car la trentenaire a beaucoup de recul sur le sport, un « miroir de la société », et n’entend pas rester les bras croisés.

Flora Artzner, militante par l’exemple
Elle découvre le wingfoil en 2020 et, très rapidement, enchaîne les figures. @ Benjamin Boerez

Championne du monde de wingfoil 2022 (voir bonus), elle n’a pourtant découvert cette discipline cousine du kite surf que deux ans plus tôt. Le principe : une grande aile (wing, en anglais) tenue à la main et une planche munie d’un foil, un appendice permettant de flotter au-dessus de l’eau. Si elle pratique la planche à voile depuis l’enfance, la jeune femme originaire de Carqueiranne, dans le Var, est plutôt réticente au départ. Mais elle finit par se laisser convaincre par des amis. Et « vole tout de suite ».

« Ça a été un gros coup de foudre, reconnaît-elle. C’est doux et puissant à la fois, c’est dansant… » Elle progresse très vite, enchaîne rapidement les sauts et les figures. Est même repérée par une grande marque française pour faire partie de sa « team de riders ».

Représentante des « riders »

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Flora Artzner a déjà un riche palmarès. Ici, en 2023 au championnat d’Europe à Brest. Elle y a été couronnée en Free-Fly Slalom. @ DR

Dès le Mondial du Vent à Leucate, en 2021, elle fait deux podiums. Puis se fait élire pour représenter les athlètes sur le tour mondial. « Je voulais défendre trois axes : aligner les prix reçus par les femmes sur ceux des hommes, améliorer l’organisation des compétitions et limiter les déchets plastique », énumère-t-elle. D’abord parce qu’elle a été choquée de découvrir « qu’une femme sur le podium gagnait seulement 20% environ de ce que gagnait un homme ». Ensuite parce qu’elle est ingénieure en agronomie tropicale et s’est spécialisée dans la protection du milieu marin et côtier.

« J’ai toujours été branchée nature. Sensible à cette nature magnifique dans laquelle j’évolue, qui est confrontée aux dégradations et à la pollution », retrace cette grande sportive outdoor, pratiquante de trek, d’escalade ou encore de VTT. Et ses années passées à créer des sentiers pédagogiques ou à œuvrer pour la protection des coraux, de la Polynésie aux Antilles – notamment avec l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) – ont conforté sa sensibilité.

« Bien plus d’influence en tant que sportive qu’en tant qu’ingénieure »

C’est donc tout naturellement qu’une fois de retour en métropole, pour retrouver ses proches, elle continue sur cette route. Auprès de l’UICN d’abord, puis en tant que consultante pour des ministères, des ONG, des fondations. Et enfin en tant qu’athlète. Quand, en 2023, le nombre d’étapes du championnat du monde de wingfoil augmente, aux quatre coins du globe, elle décide de ne participer qu’à quelques épreuves, pour limiter son empreinte carbone. Elle renonce de fait à conserver son titre sans abandonner sa passion… Ni sa notoriété.

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Ingénieure spécialisée dans la protection du milieu marin et côtier, la championne a toujours été sensible à l’environnement. @ Roxane Blanc

« Je sais bien que je ne vais pas au bout de la logique, admet-elle. Mais j’estime que la pureté écologique n’existe pas et que faire des podiums, avoir des followers sur Instagram, me permet d’avoir une parole impactante. J’ai bien plus d’influence en tant que sportive qu’en tant qu’ingénieure. » Flora Artzner fait donc des compromis. Pour « rester à haut-niveau et parler d’écologie ». En espérant pouvoir un jour « évoluer dans un système sportif pensé pour prendre réellement, et sincèrement, en compte les composantes environnementales et sociales ».

La Roca Cup, stratégie par l’exemple

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Des stands de sensibilisation à la protection de l’environnement accueillaient le public de la Roca Cup. @ Flora Artzner

En parallèle, elle crée l’association Ecowave et la Roca Cup (voir bonus), à Hyères. Un rendez-vous réunissant les meilleurs riders et rideuses du monde, mais aussi des stands de sensibilisation à l’environnement. Et une compétition qui récompense femmes et hommes avec les mêmes prix. « J’ai opté pour une stratégie par l’exemple, résume-t-elle. J’ai montré aux organisateurs qu’on peut faire un événement fun, égalitaire et éco-engagé. »

La date a été accolée à celle du Mondial de Leucate pour que les compétiteurs étrangers n’aient pas à prendre l’avion une nouvelle fois pour se rendre à la Roca Cup. Puis tout a été pensé sur place pour limiter l’impact environnemental de la manifestation : toilettes sèches, zéro déchet, fontaines d’eau, tri sélectif… « Ça n’a pas été simple mais j’ai senti une vraie volonté », glisse Flora Artzner, qui planche aujourd’hui sur des « éco-aventures ». L’idée ? « Montrer qu’il n’y a pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour vivre des aventures fortes. Qu’on peut kiffer près de chez soi. » Là encore, la stratégie par l’exemple.

Déconstruire les stéréotypes filles-garçons

Comme quand elle insiste sur le besoin des filles de s’identifier à des championnes. Seul moyen de les amener vers des sports moins attendus, notamment vers les sports extrêmes, et vers le haut niveau. Car si depuis 2022, les femmes et les hommes reçoivent les mêmes prix sur le tour mondial de wingfoil, les compétitrices restent moins nombreuses que les compétiteurs. « C’est structurel, sociétal, insiste Flora Artzner. On valorise le courage et la force des petits garçons tandis qu’on dit aux petites filles de faire attention, de ne pas se faire mal… En grandissant, elles deviennent des jeunes femmes qui manquent de confiance en elles, n’osent pas prendre des risques, notamment dans le sport, ce qui est un frein à la performance.

Sans compter qu’aujourd’hui, clairement, une athlète doit sexualiser son image, poser en maillot de bain… Pour une femme, montrer son corps est le plus important pour avoir des sponsors, alors que pour un homme, ce sont les résultats sportifs qui comptent. C’est vicieux, malsain, et les hommes aussi pâtissent de ces représentations genrées. Ils se croient obligés de cacher leurs moments de faiblesse, leurs difficultés, leurs larmes ou encore leur homosexualité. Il y a une vraie déconstruction et une éducation à faire. »

En intervenant bénévolement dans des écoles, en donnant des conférences, et bien sûr en étant performante, Flora Artzner y contribue. ♦

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Créée en 2022, reconduite en 2023, la Roca Cup s’est tenue à l’Almanarre à Hyères. @ Roca Cup
Bonus
  • Palmarès. Sportive de haut niveau, « semi » professionnelle, Flora Artzner fait partie de l’équipe de France de wingfoil. Vice-championne d’Europe 2021, elle est également championne du monde 2022. Cette année-là, elle a remporté le Défi Wind de Gruissan et l’épreuve freestyle au Brésil.
  • La Roca Cup. Cette compétition doit son nom à une forme de naming. Car son sponsor principal et historique est le domaine Rocabella au Pradet. Deux éditions ont eu lieu, en avril 2022 et 2023. L’édition 2024 est en stand-by mais pourrait avoir lieu en septembre.
  • Recherche de sponsors. Le domaine Rocabella devrait suivre sur la Roca Cup mais Flora Artzner cherche activement d’autres sponsors. Pas seulement pour cette compétition d’ailleurs, également pour mener d’autres actions de sensibilisation avec son association Ecowave. Et en tant qu’athlète.