Implantée à Montpellier depuis 2018, la start-up propose aux campings, aux ports de plaisance ou encore aux collectivités des solutions brevetées pour collecter, traiter et recycler leurs eaux usées. Plongée au cœur d’un savoir-faire devenu indispensable.
[Dans le cadre de l’éducation aux médias, avec le soutien de la Région Sud, une version radio pour les lycéens]
Qu’ont en commun le port de Marina Baie des Anges dans les Alpes-Maritimes, les docks de St. Katharine au centre de Londres et le camping Tohapi au nord-est de l’Hérault ? À première vue, pas grand-chose, si ce n’est leur attrait touristique. En creusant un peu, on constate aussi que les trois sont des infrastructures ayant recouru à AquaTech Innovation, jeune start-up basée à Montpellier.
L’entreprise estampillée « green tech » – ou ecotech – propose des solutions innovantes, brevetées et adaptées à chaque cas de figure, dans la collecte, le traitement et le recyclage des eaux usées. Et le très britannique directeur du port anglais précité semble plutôt satisfait de la tâche accomplie en l’espèce. Même s’il l’avoue, au départ, il n’avait « pas vraiment confiance de travailler avec une société française ».
Des interventions dans des milieux sensibles
L’étude, l’immersion, les propositions et les installations apportées par cette équipe tricolore de techniciens de l’eau lui ont démontré qu’il avait eu raison de faire fi de ses premières craintes. Un service de pompage multi points d’eau de 4800 mètres de réseau sous-marin a en effet été conçu dans ce port classé. Car une des caractéristiques d’AquaTech Innovation est de s’attaquer à des situations souvent sensibles : zones et milieux naturels protégés, foncier limité, réglementations strictes et complexes…
Mais surtout, le problème auquel la start-up s’attaque est un enjeu crucial pour les prochaines années : celui de la préservation de l’eau. On estime que d’ici 2025, soit demain, 1,8 milliard de personnes vivront dans des pays ou des régions où la pénurie d’eau sera actée. Les deux tiers de la population mondiale seront en condition de stress hydrique. Cette réalité ne touchera plus seulement les contrées déjà en manque ou privées d’eau depuis la nuit des temps. Ce sera une fatalité qui concernera chacun d’entre nous.
La densité grandissante de la population sur terre, qui sera de 10 milliards en 2050, augmente d’autant la consommation d’eau. La pollution et les changements climatiques contribuent à la diminution de cette ressource. On la croit éternelle puisqu’elle coule facilement des robinets de nos cuisines et de nos salles de bains. On en oublie sa fragilité et on la gaspille toujours sans compter.
-
(re)lire l’article : « Le bonheur des gens quand on leur apporte l’eau »
L’eau, ressource indispensable qui touche nos émotions
Face à ce constat, il devient donc urgent de trouver des alternatives. Geneviève Marais l’a bien compris quand elle a jeté les fondations d’AquaTech Innovation en 2018. Arrivée la quarantaine, l’Héraultaise qui avait travaillé dans la prestation de services a voulu donner un autre sens à sa vie. « J’avais envie de retrouver les valeurs qui me tenaient à cœur et d’œuvrer pour l’environnement en développant quelque chose de concret ».
Ses rencontres et sa perception des réalités la rapprochent du domaine de l’eau. « C’est une ressource indispensable qui touche nos émotions contrairement au feu qui fait peur et à l’air qui reste abstrait. L’eau, c’est le bleu, le jeu, la baignade… ». La directrice d’AquaTech Innovation saisit que la problématique de l’eau s’inscrit plus particulièrement chez les professionnels du tourisme. « On s’est axé sur les infrastructures portuaires et l’hôtellerie de plein air qu’on accompagne sur l’ensemble du cycle de l’eau ».
Les équipes de la start-up vont chercher les eaux usées où qu’elles se trouvent. « L’enjeu d’un port, par exemple, est que le plaisancier qui produit ses effluents à bord de son bateau les stocke dans une cuve. À nous de trouver une solution pour collecter ces effluents et les ramener au réseau de ville ».
Un outil digital donné aux exploitants pour piloter la gestion de l’eau
Autre mission d’AquaTech Innovation : le traitement des eaux usées. « Cela fait partie des obligations légales d’assainissement des établissements dans tous les milieux contraints. Cela peut se traduire par la mise en place d’une station de traitement flottante. On offre donc une réponse à un besoin in situ », explique Geneviève Marais. Puis vient la question du recyclage. « On va résoudre la pression hydrique uniquement avec des solutions de réutilisation de l’eau ».
Pour cela, AquaTech Innovation a développé des produits brevetés. Comme AquaPool, solution de recyclage pour les espaces aquatiques qui se trouvent souvent dans les campings. Les eaux de rinçage de filtres sont récupérées et, après traitement, réinjectées dans la piscine. « Avec l’AquaReUse, on va apporter des solutions de recyclage pour arroser les espaces verts, alimenter les chasses d’eau, nettoyer les surfaces… », poursuit Geneviève Marais.
Et d’ajouter : « Nous avons une unité de gestion électronique en interne qui s’adapte à chacun de nos produits. Nous avons en effet constaté que les ports comme les campings n’ont pas idée de leur consommation d’eau ». La solution digitale permet à l’exploitant d’avoir un outil, conçu par les experts de l’eau, pour piloter la gestion de cette ressource.
Une levée de fonds pour répondre aux sollicitations nombreuses
À peine sur les rails, AquaTech Innovation a été confrontée au Covid comme beaucoup de sociétés. « On a subi un arrêt sur image quand on a lancé notre déploiement commercial », se rappelle la cheffe d’entreprise. Donc, on ne peut parler d’un réel développement pour nous qu’à partir de fin 2022 ». La start-up a depuis enregistré une belle progression et une croissance à trois chiffres. « Ce qui nous a permis de lever deux millions d’euros début novembre 2023 ».
Cette levée de fonds lui permettra d’assoir ses activités, d’optimiser et de développer sa production et de doubler ses affectifs, actuellement de 15 personnes. « L’enjeu va être de suivre la demande conséquente ». Puis de devenir une référence dans le domaine du recyclage des eaux usées. La France accuse un certain retard en l’espèce. Seul 1% de ses flux est traité contre 9% en Espagne et 5% en moyenne dans l’Union européenne.
Régulièrement primée, en 2023 la start-up a été lauréate des Sett d’or de l’innovation en récompense de sa créativité technologique. ♦