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Des Petits Bagages d’Amour pour celles qui n’ont plus rien

Par Virginie Menvielle, le 30 janvier 2024

« On essaye de fournir aux mamans en grande précarité tout ce dont elles peuvent avoir besoin pour pouvoir accueillir leur bébé dignement » - Illustration © Pixabay

Il y a quatre ans, Reira Goetz lançait l’antenne lilloise de l’association Un petit bagage d’amour. Depuis, elle distribue chaque année entre 500 et 600 kits maternités à des mamans en grande précarité. Son but : leur permettre d’accueillir leur futur bébé dignement. 

« Quand la maman a ouvert son pochon et découvert son cadeau, elle avait les yeux qui brillaient. Elle sest mise à sautiller comme une petite fille, c’était beau » , raconte Reira Gorez dune voix émue. Depuis quatre ans, avec l’association Un petit bagage d’amour, cette Lilloise ne ménage pas son temps pour venir en aide à celles qui n’ont plus rien.

Son quotidien : fournir des « petits bagages d’amour » réalisés avec les autres bénévoles de l’association. Elle offre des sacs à langer faciles à transporter partout et garnis par l’association. « Il y a du gel lavant, du sérum phy, des lingettes, un thermomètre, des couches, du lait pour les mamans non allaitantes, des coussinets pour celles qui allaitent, un anneau de dentition, un matelas à langer pliant. On leur donne aussi un porte-bébé, un couffin et/ou une nacelle pour faire dormir le petit ».

Redonner aux mamans le sentiment d’exister

Heureusement, Reira peut compter sur la générosité des habitants de la Métropole de Lille, comme ici À Roubaix où une collecte a été lancée il y a cinq mois par la maison de la justice.
Heureusement, Reira peut compter sur la générosité des habitants de la Métropole de Lille, comme ici À Roubaix où une collecte a été lancée il y a cinq mois par la maison de la justice.

« On essaye de leur fournir tout ce dont elles peuvent avoir besoin pour pouvoir accueillir leur bébé dignement », confie Reira. Le but : permettre à ces invisibles aux yeux de la société (parce qu’elles dorment dans la rue, errent de squat en squat après avoir fui un conjoint violent ou encore leur pays) d’avoir le sentiment « d’exister ». Ainsi, le 13 décembre dernier, Reira organisait avec la Maison des Femmes de Roubaix une journée de fête pour ces mamans qui n’ont rien. Plus de 200 jouets d’enfants ont été collectés.

Certains enfants ont reçu un cadeau de Noël pour la première fois. Et parce que la Lilloise au grand cœur estime que ces femmes s’oublient beaucoup trop, elle leur a offert un petit pochon en tissu contenant des produits cosmétiques. Pour prendre soin d’elles. « Elles arboraient de tels sourires, c’était difficile de savoir qui, d’elles ou de leurs enfants, étaient les plus contents », s’amuse Reira sans jamais quitter le sien de sourire, celui qui touche tant les mamans. Dans son local, à Fives, un quartier populaire lillois, elle reçoit des mères ou femmes enceintes envoyées par leur assistante sociale, pour récupérer du matériel, des vêtements, etc.

Les mamans à la rue de plus en plus nombreuses

Une maman sortant de l’association son petit bagage d’amour à l'épaule.
Une maman sortant de l’association son petit bagage d’amour à l’épaule.

Selon une étude de lAgence de développement et durbanisme Lille Métropole, quelque 212 mères isolées avec enfant(s) s’étaient signalées en 2020 comme vivant à la rue, en campement ou en squat. Soit 8% des personnes sans domicile fixe. Il n’existe pas de statistiques plus récentes, cependant les professionnels interrogés indiquent qu’elles sont aujourd’hui bien plus nombreuses. Face au manque de moyens et de places dans les structures d’accueil, les assistantes sociales, la PMI (protection maternelle infantile), les puéricultrices, et même quelques maternités en sont réduites à la débrouille.

Cest là que lassociation Un petit bagage damour, fondée en 2016, par Samra Seddik, à Paris, intervient. Une antenne lilloise, a ensuite été créée par Reira Goetz et Laura Hentati en 2020. Mais quatre ans plus tard, les besoins sont toujours là. « On les sollicite jusqu’à trois-quatre fois dans le mois », explique-t-on du côté du Samu Social. 

« J’ai tout perdu, d’une vie confortable, je me suis retrouvée dans la galère »

Chaque année depuis sa création, l’antenne lilloise distribue entre 500 et 600 kits naissances par an. Les fameux « petits bagages d’amour » sont remis aux mamans en grande précarité et/ou réfugiées de la Métropole de Lille. Et même au-delà. « On prépare aussi des colis pour des centres d’hébergement à Douai (Nord). On reçoit des dons du Pas-de-Calais, de la région parisienne. Si on intervient sur tous les Hauts-de-France, c’est parfois plus loin. La solidarité n’a pas de frontière », confie Reira. 

Il y a quelques mois, une jeune maman a poussé la porte de l’association pour la première fois, après avoir fui un conjoint violent. « J’ai tout perdu. Dune vie confortable, je me suis retrouvée dans la galère », explique‐t‐elle, la gorge serrée. Du jour au lendemain, elle a alors découvert un autre monde fait d’assistantes sociales, de rendez-vous CAF, de « chèques énergie ». Les larmes montent. Mais elle les retient. Puis Reira arrive avec un siège auto et trois sacs de vêtements pour son fils de 7 ans et ses jumeaux de 3 ans. Rapidement, la jeune femme s’éclipse pour ne pas craquer et lâche en partant : « Cest que du bonheur ».

 

Bonus
  • UPBDA. L’association a été créée à Paris en 2016 par Samra Seddik, sage-femme. Cela fait suite à une prise de conscience douloureuse : « J’ai été marquée lors de l’une de mes gardes, par cette patiente enceinte de jumeaux et partant pour la maternité avec 2 sacs plastiques contenant peu de choses… Pour un joyeux départ dans la vie, et que ce moment soit un plaisir, offrons-leur une valise avec tout le nécessaire dedans. De quoi bien materner, et bien prendre soin d’elle en même temps ! »
  • Relire l’article : Blues postpartum au sein d’une unité hospitalière
  • Reira a découvert le sort des mamans dans la précarité quand elle était infirmière à l’hôpital mère-enfant.
    Reira a découvert le sort des mamans dans la précarité quand elle était infirmière à l’hôpital mère-enfant.

    Qui est Reira ? Infirmière, Reira Goetz a découvert la précarité, à laquelle de plus en plus de femmes sont confrontées, à l’hôpital mère-enfant où elle travaillait. «Je recevais des mamans qui n’avaient rien, si ce n’est la paire de sandalettes qu’elles avaient aux pieds ». L’infirmière au grand coeur leur concoctait alors des trousseaux pour leur permettre d’accueillir leur nourrisson. Puis, après avoir vécu une grande partie de sa vie en région parisienne, Reira Goetz est revenue chez elle, à Lille, en 2016. Elle décide d’arrêter « d’aider dans son coin ». S’engage en montant une antenne d’Un petit bagage d’amour.

  • 10 antennes. À Paris, Lille, Bordeaux, Le Mans, Prades, Reims, Chartres, Strasbourg, Toulouse et Vence.