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Face à la maladie, Caire facilite les démarches des travailleurs indépendants

Par Agathe Perrier, le 25 mars 2024

Journaliste

15% de la population active est touchée par une maladie chronique évolutive et plus de 400 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chaque année © Pixabay, photo d'illustration
Malgré l’évolution de la législation, les travailleurs indépendants sont encore très esseulés lorsqu’ils tombent malades. Derrière, c’est la survie de leur entreprise qui est en péril. Pour les aider à gérer à la fois leur traitement et leur structure, Caire les accompagne depuis dix ans dans les démarches administratives à mener. Une aide qui porte si bien ses fruits que l’équipe, composée de bénévoles, s’attaque désormais à la prévention. Reportage dans les Bouches-du-Rhône, berceau de cette association.

Être son propre patron séduit de plus en plus de Français, comme le montre le dernier Observatoire statistique des travailleurs indépendants, réalisé par l’Assurance maladie. Ainsi, 4,1 millions d’actifs exerçaient à leur compte, au 31 décembre 2021, en hausse de +8,6% sur un an. Mais derrière la souplesse et la liberté, se cache une réalité peu connue : la difficulté d’être seul et démuni en cas de maladie. S’il existe bien – et c’est récent – des aides publiques, elles nécessitent leur lot de paperasse, aux étapes compliquées et formules alambiquées. Des démarches que l’association Caire13 se propose de faciliter.

Depuis dix ans, son équipe de bénévoles – des chefs d’entreprise, avocats, experts-comptables, assureurs, experts en immobilier, DRH… – accompagne les indépendants des Bouches-du-Rhône et répond à leurs différentes interrogations. Ils sont mis en relation par Christine Patoux-Gavaudan, psychologue du travail et unique salariée de l’association. « Ma première action est de comprendre l’urgence du malade. Un huissier qui est passé, un stock dont on ne sait que faire, une déprime à cause du cancer… Parfois, ça touche plusieurs domaines en même temps. Mon but est de cibler les différents interlocuteurs nécessaires, le plus rapidement possible », expliquait-elle à Marcelle il y a cinq ans (notre reportage à retrouver ici). Si le fonctionnement n’a pas changé depuis, beaucoup de choses ont en revanche évolué.

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Depuis ses débuts en 2014, Caire13 a accompagné 700 travailleurs indépendants © Pixabay, photo d’illustration

Des indépendants mieux pris en compte

À commencer par le nombre de personnes accompagnées. 700 au total depuis les débuts de l’association, dont environ 200 sur la seule année 2023. Une augmentation constante qui résulte d’un gain de notoriété, mais pas seulement. « Nous nous adressons désormais à tous les indépendants ayant une maladie chronique évolutive (ndlr : cancer, diabète, sclérose en plaques, maladies cardio-vasculaires, maladies psychiques, etc – bonus) et plus uniquement à ceux atteints d’un cancer », indique Chantal Morvan, présidente bénévole depuis deux ans, elle-même cheffe d’entreprise.

Ce, du fait de l’évolution de la législation. Car lorsque Caire13 a démarré, seuls les indépendants ayant souscrit une prévoyance pouvaient prétendre à une prise en charge en cas de maladie. Ils sont mieux couverts depuis janvier 2020, tous étant désormais rattachés au régime général de l’Assurance maladie. Et des lois sont ensuite passées, comme celle du 2 août 2021 renforçant la prévention en santé au travail. « Les médecines du travail sont par exemple autorisées maintenant à accompagner les indépendants. Ce qui est une grande avancée », souligne Chantal Morvan. Au-delà de ces aides communes à l’ensemble des assurés, leur statut leur donne accès à d’autres dispositifs spécifiques. À l’image de l’aide financière exceptionnelle (AFE), les aides au répit ou un programme d’accompagnement au maintien dans l’activité. « La société s’organise et c’est une bonne chose. Nous n’avons pas l’exclusivité de l’accompagnement des indépendants », pointe-t-elle encore.

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Anne-Paule Tomasi, à la tête d’Agence Hulkette, a pu profiter des conseils de Caire13 notamment pour monter une demande de subvention © Hugues Charrier, DR

Caire13, un soutien malgré tout indispensable

Reste que, malgré ces évolutions positives, Caire13 a encore toute son utilité. Car il n’est pas facile de savoir par quel bout amorcer les démarches. C’est ce qu’a vécu Anne-Paule Tomasi lorsqu’on lui a diagnostiqué un cancer il y a tout juste trois ans. Alors à la tête d’Agence Hulkette, entreprise de communication qu’elle a créée dans les années 2000 à Marseille, elle contribue majoritairement aux ressources de son foyer. « Au niveau administratif, on ne sait pas quoi remplir. D’autant plus qu’on n’est pas en capacité de réfléchir, entre les effets du traitement et la fatigue », témoigne-t-elle.

Au gré de ses recherches d’aide sur Internet, elle est tombée sur l’association. Et a pu profiter des bons conseils et de l’expertise de Christine Patoux-Gavaudan pour monter une demande de subvention pour le maintien de son activité ou l’aménagement d’un poste de travail. « Elle m’a mâché le travail. Ça a été un vrai pilier, un accompagnement positif et un soutien », reconnaît-elle. Idem pour Véronique Gonzalez, qui a lancé Les Minettes en Goguette, sa marque de vêtements adaptés aux effets secondaires du cancer, après 25 ans de salariat avoir elle-même été touchée par la maladie. « Ça fait du bien de pouvoir compter sur un vrai support pour toute cette partie administrative qui n’est pas simple à gérer. C’est en passant de l’autre côté du miroir qu’on se rend compte à quel point on est seul lorsqu’on est indépendant », indique-t-elle.

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Véronique Gonzalez a créé Les Minettes en Goguette, sa marque de vêtements adaptés aux effets secondaires du cancer © Claude Almodovar, DR

Prévenir pour mieux guérir

Caire13 élargit par ailleurs son champ d’application au-delà de l’aide purement administrative. Son deuxième cheval de bataille est désormais la prévention. En d’autres termes, faire prendre conscience aux indépendants de la nécessité d’anticiper une éventuelle maladie. « On ne parle pas seulement de souscrire à une prévoyance. Mais de vraiment prévoir les choses, s’organiser, ne serait-ce que dire à un tiers où se trouvent les clés de l’entreprise… Car les difficultés peuvent s’enchaîner très vite dès l’annonce du diagnostic », souligne Chantal Morvan.

Reste qu’il n’est pas aisé de rendre ce discours audible lorsqu’une personne est en bonne santé et vit à cent à l’heure au quotidien. D’autant plus dans une société française où la maladie est un sujet encore tabou. C’est pourquoi, plutôt que de planifier des colloques sur la santé des dirigeants par exemple, l’association mise sur des moments « festifs ». À l’image du tournoi de golf organisé en septembre dernier. Un événement informel qui permet d’aborder différemment les indépendants et de leur faire passer des messages. Quand on sait que 15% de la population active est touchée par une maladie chronique évolutive et que plus de 400 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chaque année, prévenir n’est pas un luxe. ♦

  • L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article 

Bonus

[pour les abonnés] Recherche bénévoles – Les 7 antennes en France – Le Cancoon Festival – Les maladies chroniques évolutives ou MCE –

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