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Comment valoriser les vieux panneaux solaires ?

Par Philippe Lesaffre, le 4 juillet 2023

Journaliste

Depuis 2015, l’éco-organisme Soren se charge de la collecte des panneaux photovoltaïques usagés du territoire. Pour recycler ou réemployer leurs matériaux. Une autre de ses missions : batailler contre les idées reçues sur cette source d’énergie renouvelable à bas coût et en améliorer la désirabilité… Bien utile au vu de l’urgence écologique !

Le think tank indépendant Ember le rappelait en avril dernier : si 63% de la production d’électricité française a une origine nucléaire, les énergies renouvelables progressent, année après année. Le solaire, ainsi que l’éolien représentaient un peu plus de 12% de la production d’électricité en France métropolitaine en 2022, contre 5% en 2015. Dans le détail, comme le relève le think tank, le photovoltaïque – énergie la moins chère – progresse plus vite que l’énergie du vent ces dernières années (bonus). « Le marché est en forte expansion depuis une dizaine d’années », note Nicolas Defrenne, directeur général de Soren, éco-organisme qui collecte et recycle les panneaux photovoltaïques.

75 millions de panneaux photovoltaïques

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Nicolas Defrenne, directeur général de Soren ©DR

La puissance du parc solaire à la fin du premier trimestre 2023 a atteint 17 gigawatts, et ce grâce à plus de 75 millions de panneaux photovoltaïques, répartis sur le territoire. « Il s’agit d’un enjeu de transition important », poursuit Nicolas Defrenne, qui voit bien que la France a à rattraper ses voisins. Même des nations moins ensoleillées, à l’instar de la Belgique et de l’Allemagne en particulier, la devancent, selon les chiffres d’Ember. Dans le Plat Pays, on compte par exemple davantage d’installations par habitant qu’au sein de l’Hexagone.

Toujours est-il que « ces énergies renouvelables, expliquait Jérémy Simon, délégué général adjoint du syndicat des énergies renouvelables, interrogé sur Smart Impact en 2022, font partie du paysage ». Dans le détail, la plupart des installations se trouvent dans les régions hexagonales les plus chaudes, tant en Nouvelle-Aquitaine qu’en Occitanie. « 80% du gisement se situe au sud de la Loire », observe Nicolas Defrenne. Et, de manière générale, plutôt dans les zones rurales, pas dans les grandes villes.

Eco-organisme depuis 2015

Si 10% du parc appartient aux particuliers (406 000 possèdent au moins une installation), des panneaux solaires, de taille variable, ont été installés sur des exploitations agricoles, dans les centres commerciaux ou encore dans des zones industrielles. Et, encore une fois, pas uniquement dans les zones les plus ensoleillées. C’est une idée reçue, car en 2021 par exemple, le Grand Est a été l’une des régions dans laquelle le plus de panneaux photovoltaïques ont été raccordés.

Les premiers équipements ont été installés en France durant les années 2000, et tout s’est ensuite accéléré, surtout dès 2008-2009. Soren, éco-organisme agréé par les pouvoirs publics, a été chargé à partir de 2015 de la collecte des panneaux usagés, sans frais pour les détenteurs (à la mise sur le marché, le producteur a payé une écotaxe).

Durant la première année, 366 tonnes avaient été ainsi récupérées, 3 700 tonnes l’an dernier, que ce soit sur les sites de démantèlement ou dans les points d’apport volontaires (pour les petits volumes). En ce qui concerne 2022, d’abord dans les Hauts-de-France (754 tonnes), en Guadeloupe (692 tonnes), ainsi qu’en Aquitaine (440 tonnes). « Au vu de l’urgence écologique, de la forte progression du marché, il devrait y avoir près de 37 000 tonnes à collecter dans les dix ans à venir », estime Nicolas Defrenne, dont l’éco-organisme a annoncé, il y a peu, avoir accueilli, dans son capital, Néoen et Total Energies (bonus).

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3700 tonnes de panneaux solaires récupérés par Soren en 2023 ©Unsplash

Des panneaux recyclables et revalorisables…

Afin de les revaloriser, l’idée est de récupérer les machines, d’une durée de vie moyenne de 25 ans, et de les transporter dans des centres de regroupement. Ou dans les trois usines de traitement avec qui Soren collabore en France. La première dans les environs de Toulouse, à Portet-sur-Garonne, la deuxième dans le Nord, à Halluin, utilisant une technique de broyage des matières. La troisième a été inaugurée en septembre 2022 en Gironde, à Saint-Loubès, un lieu dans lequel 3000 tonnes pourront être dans un premier temps recyclées chaque année. Celle-ci utilise une technologie dite de « délamination ». « Il s’agit d’une première mondiale », souligne le directeur de Soren : la technique consiste à « scalper le verre à plat et à séparer cette couche du silicium et de l’argent ». Autant de matériaux très utiles et à forte valeur économique.

Deux voies peuvent, techniquement, s’offrir à Soren. D’abord, le recyclage en tant que tel. Concrètement, l’installation – la plupart du temps fabriquée avec des pièces d’origine étrangère – est constituée à 70% de verre, mais aussi à partir d’aluminium (10%), de plastique, de silicium et encore d’argent. Sachant qu’aucune terre rare (c’est-à-dire des métaux stratégiques) n’a été utilisée pour la fabrication, comme l’a rappelé l’Adème dans une note visant à batailler contre certaines idées reçues au sujet du solaire.

Ensuite, le réemploi ou la réutilisation des produits. Par exemple, explique Nicolas Defrenne, « sur du mobilier urbain, cela pourrait permettre, au niveau d’un abribus, d’éclairer les voyageurs ». Une solution qui pour l’heure n’est pas exploitée, mais pourrait intéresser les industriels dans un avenir proche, selon Soren.

Les Français en demandent

Toujours est-il que, selon l’éco-organisme, « le taux de valorisation pour un panneau usagé à base de silicium cristallin avec cadre en aluminium varie aujourd’hui entre 90% et 94% en moyenne ». Une information que Soren aime à rappeler, d’autant que, d’après une étude menée en mars dernier pour Soren (via OpinionWay), 71% des Français disent qu’« installer des panneaux photovoltaïques chez (eux) n’a de sens que si ceux-ci peuvent être recyclés ».

L’éco-organisme a donc tout intérêt à poursuivre le travail de sensibilisation. Il l’a constaté, beaucoup (83% des personnes questionnées) déclarent à l’occasion du sondage manquer d’informations concernant le retraitement des panneaux photovoltaïques. 43% des interrogés sont même d’avis que les installations ne se recyclent pas en France. Une idée erronée.

Le plan : lutter contre les préjugés, donc, et inciter les uns et les autres à se procurer ce type d’installations. Il y a de la marge. Pour l’heure, sur 20 millions de logements individuels, seulement 1% des citoyens, pour qui cela est possible, sont équipés en panneaux solaires. Or, un tiers des particuliers envisagent, toujours selon l’étude de Soren, de sauter le pas. L’Adème l’explique (bonus), il s’agit de l’une des énergies renouvelables les plus appréciées des Français. ♦

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Bonus

[pour les abonnés] – La puissance du parc solaire photovoltaïque – L’enquête annuelle sur la qualité de l’air et les énergies renouvelables de l’Adème – la gouvernance de Soren –

  • La puissance du parc solaire photovoltaïque. Elle atteint 15,2 GW à la fin du deuxième trimestre 2022. Au cours du premier semestre 2022, 1 098 MW supplémentaires ont été raccordés, contre 1 534 GW au cours de la même période en 2021. Ce ralentissement de la puissance nouvellement raccordée s’explique par une proportion plus élevée de raccordements de centrales de faibles puissances ce semestre. La production d’électricité d’origine solaire photovoltaïque s’élève à 9,6 TWh au cours du premier semestre 2022 en hausse de 32 % par rapport au premier semestre 2021. Elle représente 3,8 % de la consommation électrique française sur cette période.

À fin septembre 2022, selon l’Open Data d’Enedis, la France compte près de 600 000 installations photovoltaïques toutes puissances confondues, qui représentent au total une production solaire de plus de 13 GW. C’est presque 90 000 installations de plus que l’année dernière à la même période, soit une hausse de +20%.

Même tendance au niveau mondial. Le solaire est devenu la source d’électricité qui croît le plus vite depuis… 18 ans, rappelait France Inter. L’an dernier, cette source d’électricité a fait un bond de 24% en douze mois. Et d’ici les prochaines années, elle devrait dépasser l’hydraulique.

 

 

  • La gouvernance de Soren. Les associés actuels sont EDF Renouvelables Technologies, EDF ENR PWT, ENGIE, Urbasolar, PV CYCLE Association, le Syndicat des Energies Renouvelables et Voltec Solar. Le conseil d’administration est élu par l’assemblée générale. Constitué de sociétés représentatives de la diversité de ses membres.

À ce sujet, Nicolas Defrenne précisait en avril 2023, dans un communiqué de presse : « Le bon fonctionnement de la filière repose sur la gouvernance de celle-ci par les metteurs sur le marché. C’est le fondement de la responsabilité élargie du producteur. La participation de TotalEnergies et de Neoen aux organes de gouvernance va permettre d’ajuster au mieux les services fournis par Soren avec les besoins des acteurs du photovoltaïque. »

  • L’enquête annuelle sur la qualité de l’air et les énergies renouvelables de l’Adème. À la question de savoir quelle énergie renouvelable il fait développer en priorité, 37% de Français répondaient en 2022 l’énergie solaire photovoltaïque (quand 24% citent l’énergie de la mer et 16% l’éolien par exemple). 51% des Français seraient prêts à soutenir financièrement le développement de projets d’énergies renouvelables dans leur région. Mais seules 26% des personnes interrogées ont le projet d’investir dans les 12 prochains mois dans une ENR pour leur domicile. Elles invoquent le coût trop élevé de l’investissement nécessaire.

Consulter la totalité de l’enquête en ligne.