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Décarbonation : le logement social est à la pointe ! 

Par Olivier Martocq, le 11 juillet 2023

Journaliste

Installés à Chaucenne (25) en 2022, deux bâtiments préfabriqués en bois qui abriteront neuf nouveaux logements. ©Technologies et Habitats

En France, le bâtiment est le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (27% des émissions de CO2). Deux millions de logements bénéficient d’une étiquette Énergie A ou B soit 6,6% du total, avec une surprise de taille : le social fait mieux que le privé ! 10% des logements sociaux sont en effet classés dans ces catégories bas carbone, contre 6% dans le privé. Voilà pour la présentation à la Marcelle, c’est-à-dire positive, de ce dossier. Si on inverse le prisme, près de la moitié du parc locatif français se situe dans des indices énergétiques (E, F, G) qui doivent disparaître d’ici 2030. Au rythme de la trajectoire actuelle des mises en travaux, on en est loin ! Pour autant, les innovations se multiplient. Exemples tirés du congrès des ESH…

 

ESH, je ne connaissais pas l’acronyme. Du logement social, j’avais une vision très parcellaire liée aux trois lettres HLM, qui renvoyaient aux grandes cités et à un parc de logements financés par les collectivités publiques. Appelé à remplacer au pied levé un confrère pour animer un colloque organisé par la Fédération des Entreprises Sociales pour l’Habitat (ESH) autour de la décarbonation, j’ai découvert des acteurs mobilisés, actifs et particulièrement engagés sur les questions environnementales. Avec des réalisations très concrètes pour faire baisser l’empreinte carbone. Avant ce focus sur des expériences novatrices dans un parc immobilier de 2,5 millions de logements locatifs gérés par 180 entreprises, rappelons quelques éléments de contexte plus inquiétants.

 

Rénovation énergétique : la France en retard !

Une étude du cabinet Erese montre qu’au rythme actuel, la trajectoire gouvernementale en matière de rénovation énergétique de l’habitat ne sera pas respectée. Y compris par les ESH qui, pourtant, représentent les bailleurs les plus impliqués. Pour Charles Pertuiset, un des auteurs de l’étude, s’il veut respecter cette feuille de route, le secteur va devoir diminuer ses émissions de 49% d’ici 2030. Et viser la décarbonation complète en 2050. « Au rythme de baisse actuel, autour de 5%, l’objectif paraît intenable ».

Le coût moyen des travaux énergétiques à réaliser sur ce parc donne une idée de leur ampleur, puisqu’il se situe autour de 33 000 euros par appartement. Il faudrait donc passer du rythme annuel de 48 000 logements réhabilités à 145 000 jusqu’en 2030. « On sait faire et on peut y arriver. C’est une question de financement », analyse Francis Stephan. Et le président de la commission RSE de la Fédération des ESH de souligner une contrainte majeure : « Nous ne pouvons pas répercuter ces investissements parfois très lourds sur les loyers ». Deux cas de figure sont à distinguer dans cette équation. Le plus simple est la construction de nouveaux logements. La rénovation en partant de l’existant est beaucoup plus compliquée.

Décarbonation : le logement social est à la pointe ! 

 

Ancienneté, type d’énergie, facteurs déterminants des passoires thermiques 

Pour la mise aux normes, la première analyse porte sur l’ancienneté du bâti. L’étude d’Erese montre qu’un tiers du parc est antérieur à 1975, année des premières réglementations intégrant des notions de performance énergétique. Pour autant, cette dernière n’est pas directement liée à l’époque de construction puisque l’on retrouve quasiment autant de logements en étiquette A après et avant 2006. En revanche, sur le parc construit après 2000, quasiment plus aucun logement ne se retrouve en classe F ou G ; ce qui illustre la révolution industrielle réalisée par le secteur de la construction. Les « passoires thermiques » sont donc des bâtiments qui ont plus de 20 ans.

La seconde équation qui entre en ligne de compte est la nature de l’énergie utilisée pour les besoins de chauffage. Les énergies les moins carbonées restent le bois et l’électricité, cette dernière représentant 58% des logements classés A ou B. À l’opposé du spectre, le fioul alimente encore plus de 144 000 logements. Il se classe parmi les énergies les moins respectueuses de l’environnement.

 

 

Rénovation : du basique, mais du beau !

Décarbonation : le logement social est à la pointe !  1À Auch, capitale du Gers et ville de 23 000 habitants, Toit de Gascogne a rénové 18 logements d’une résidence construite en 1986. « Au-delà des améliorations techniques qui nous ont permis d’améliorer la qualité thermique des bâtiments, de mettre en place de panneaux photovoltaïques sur les places de parking etc. Nous avons fait appel à un architecte pour changer l’image de cette résidence et redonner aux habitants la fierté d’y habiter », commente Serge Campagnolle.

Pour le directeur général de ce bailleur social, transition énergétique et décarbonation doivent permettre de faire baisser les factures de chauffage. Mais ces travaux lourds doivent être aussi l’occasion d’améliorer le cadre de vie. « On a changé l’identité visuelle de ce lotissement. La création de terrasse donnant sur le jardin qui n’était pas considéré comme un lieu de vie mais un espace tampon ce qui n’est plus le cas ont changé la vie des habitants ».

 

 

Construction :  la foire aux idées 

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À Reichstett, les 36 appartements répartis sur deux bâtiments génèrent de l’énergie positive @Batigere

À Reichstett dans le Bas-Rhin, Batigère a livré, en 2022, 36 appartements répartis sur deux bâtiments qui génèrent de l’énergie… positive. « Au-delà de cette prouesse liée aux technologies modernes – la ventilation double flux, les toits couverts de panneaux photovoltaïques ou encore des enveloppes dotées de fenêtres triple vitrage et d’un béton particulièrement isolant, ce qui est intéressant, c’est que nous avons voulu réduire notre bilan carbone lors de la construction. Et effectué une sélection d’entreprises fondée sur un cahier des charges strict sur les critères environnementaux et de proximité », explique Yussef Rachedi, chargé de cette opération immobilière. Résultat très concret pour les habitants, cet hiver, avec des factures de 24 euros par mois pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire.

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Une fois assemblés, les différents modules forment des appartements ©Neolia

L’assemblage de modules a été l’option choisie par Néolia pour la construction de neuf logements répartis sur deux bâtiments à Chaucenne, dans le Doubs. « Il y avait une situation d’urgence pour le maire de cette commune, se souvient Chloé Jeanjacquot, responsable d’opérations immobilières chez ce bailleur social. La résidence a donc été livrée en treize mois ». Le promoteur, là aussi, a opté pour une démarche de décarbonation sur les matériaux utilisés, notamment le bois. Mais aussi un partenariat industriel dans l’écosystème local. Les modules ont été assemblés à proximité. Les travaux de tous types : vitrages, électricité, peintures, finitions ont été réalisés sur place. Dans le champ des possibles, en matière de rénovation et de construction de logements « un concours Lépine » est désormais ouvert. Les ESH viennent de lancer les premiers « Trophées de la sobriété », ce qui permettra de mettre en exergue les progrès accomplis. ♦

 

 

Bonus
  • Les Entreprises Sociales pour l’Habitat en chiffres

180 entreprises

2,5 millions de logements locatifs

10 milliards investis chaque année en construction et réhabilitation

34 000 salariés

5 millions de personnes logées

La carte par territoires

 

  • Quelques données parc locatif social public/privé

Le parc social est détenu et géré par des organismes spécialisés à but non lucratif. Des offices publics de HLM, des sociétés anonymes, les entreprises sociales pour l’habitat et, pour une plus faible part, des sociétés d’économie mixte. Leur activité et leur fonctionnement sont donc strictement encadrés par la loi. En particulier, la fixation des loyers est réglementée et soumise à des plafonds. Il est à noter qu’une partie du parc privé est soumise à des plafonds de loyers, notamment le parc conventionné.

70% de la population française puisse prétendre à un logement social,

37 millions de logements, 10% vacants, 30 millions sont des résidences principales dont 12 millions occupés par des locataires

Parc locatif social 5,1 millions parc locatif privé 7 millions

32% des locataires du parc privé sont sous le seuil de bas revenus

À l’échelle nationale, le revenu annuel médian des locataires du parc privé est 1,5 fois plus élevé que celui des locataires du parc social

Chiffres tirés de l’Observatoire des loyers 2021.