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Des étals paysans dans d’anciens kiosques à journaux

Par Philippe Lesaffre, le 25 septembre 2023

Journaliste

La Clayette a permis de rouvrir certains kiosques, parfois inutilisés depuis plusieurs années, pour en faire des points de vente dédiés aux produits frais © La Clayette

Implantée dans six villes de la banlieue parisienne, la jeune pousse La Clayette propose à la vente des produits de la ferme en libre-service. Manière de renouer le dialogue entre agriculteurs et urbains.

 

On les croise dans de nombreuses cités de l’Hexagone, les kiosques au design haussmannien. Médiakiosk, la filiale de JCDécaux, en gère 780 en France. Parmi eux, 647 sont dédiés aux marchands de journaux. Les autres proposent des services de proximité, conciergerie ou vente de produits en tout genre. On trouve par exemple des fleurs mais aussi… des produits de la ferme. En l’occurrence en région parisienne, et plus particulièrement du côté ouest de la capitale, dans quelques villes de banlieue.

 

Développer le circuit court au plus près des bureaux et logements

Au lendemain des confinements en 2021, le jeune éleveur et maraîcher Nicolas Drique a lancé La Clayette pour rouvrir certains kiosques, parfois inutilisés depuis plusieurs années. Depuis le départ, son intention est de « favoriser et développer le circuit court et la vente directe de fruits et de légumes en ville ». Cela, au plus près des logements et des bureaux, dans des zones, souligne-t-il, « stratégiques » et très fréquentées.

Concrètement, via un partenariat avec JCDécaux, son entreprise s’est installée dans six villes différentes à quelques encablures de Paris (Meudon, Issy-les-Moulineaux, Massy-Palaiseau, Chaville et Puteaux). À l’intérieur des kiosques, elle remplit des clayettes de légumes, de fruits en vrac, mais aussi de compotes, de jus de pommes, de soupes, de chips artisanales, ou encore de miel et d’œufs. Autant de denrées variées issues d’une quinzaine d’exploitations des départements environnants. Elles proviennent d’Eure-et-Loir, du Loiret, de la Somme, du Val-d’Oise, en particulier.

Mais La Clayette a aussi noué un partenariat avec des producteurs d’agrumes de Corse. Et Nicolas Drique met lui-même à disposition par exemple des kiwis, qu’il cultive entre Valognes et Cherbourg, dans la Manche, aux côtés de ses vaches Hereford, une race de bovins à viande.

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Légumes, fruits en vrac, mais aussi compotes, jus de pommes, soupes et chips artisanales© La Clayette

« Notre boulot de paysan »

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Inauguration du kiosque de Puteaux © La Clayette

«  L’intérêt c’est que ce soit pratique pour les gens », indique l’agriculteur âgé de 25 ans. La Clayette ouvre ses distributeurs en libre-service de 6 heures du matin à 22h30, histoire que chaque utilisateur puisse remplir ses paniers quand bon lui semble. Et cela, à un prix « accessible », dit-il. « Si le tarif était délirant, cela ne pourrait pas marcher, lâche le fondateur. On n’abuse pas, on fait notre boulot de paysan. »

Une mission fondamentale (en cette période d’inflation galopante) qui a vite trouvé son public. En seulement quelques jours, nous précise-t-il, le premier kiosque à Meudon, dans les Hauts-de-Seine, a attiré par exemple près de 900 curieux il y a deux ans. Et depuis le début de l’aventure, dans les différents points de vente, des « milliers de personnes », selon Nicolas, ont adhéré au concept de vente directe de fruits et de légumes.

 

Renouer le dialogue

Les exploitants viennent montrer leur visage lorsqu’ils rechargent les clayettes (1) ou lors d’animations spéciales. Une démarche fondamentale permettant de renouer le dialogue entre agriculteurs et « consommateurs », comme on dit. Car, les paysans partenaires de La Clayette l’ont bien remarqué, « beaucoup de citoyens se sont déconnectés de la nature, de la terre ». Peu visitent les fermes il est vrai, car ils n’en ont pas la possibilité. « Le besoin d’éducation est crucial, confirme Nicolas. Et on est aussi là pour sensibiliser… » En particulier au sujet de la saisonnalité des fruits et des légumes, et à propos des calibrages.

 « Certains ne comprennent pas toujours que l’on vende des produits parfois tachetés. Ils ont été habitués à voir dans les supermarchés des produits très esthétiques, presque brillants, des produits d’une certaine taille, assez fermes, pas toujours très mûrs, qui ont été cueillis encore assez verts, dit-il. Alors il peut y avoir des personnes surprises de voir des fruits bien mûrs, par exemple des tomates un peu molles (mais goûteuses)... » Ainsi, c’est aussi une manière, pour les paysans, de lutter contre le fléau du gaspillage alimentaire, dont un tiers – encore – survient au moment de la consommation, d’après les données de l’Adème.

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Le concept veut permettre de renouer le dialogue entre agriculteurs et « consommateurs » renouer le dialogue entre agriculteurs et « consommateurs » © La Clayette

 

 

Parler du métier d’agriculteur

Ces échanges sont également utiles pour que ces femmes et ces hommes qui mettent la main à la terre, qui nous nourrissent, se dévoilent et racontent leur métier. « On gère une entreprise, on cherche à s’adapter au climat, on analyse le sol pour cueillir et vendre des produits de bonne qualité », développe-t-il. Ce sont pour lui des tâches tant intéressantes que difficiles. Car il est vrai que la situation n’est pas idyllique, loin de là. De nombreux exploitants peinent à vivre de leur travail… « C’est une réalité. Des entreprises sont en difficulté, il ne faut pas le nier… »

Sujet délicat. Nicolas Drique revient sur les prix pratiqués par certains magasins, qui le révoltent. « Parfois, on voit dans de grandes surfaces des promotions honteuses », souffle Nicolas, avant de poursuivre : « Par exemple, comment peut-on vendre des cerises à 2,50 euros le kilo ou des fraises à 4 euros le kilo ? Dans ce cas-là, on vit comment ? Vous avez déjà cueilli un kilo de fraises ? » On le sent un brin irrité, mais c’est qu’il veut sensibiliser, encore et toujours ! Et puis ouvrir de nouveaux points de vente pour toucher toujours plus de monde. Justement, le dernier kiosque en date, le sixième de la jeune pousse, a été inauguré le 20 septembre dernier à Puteaux, situé non loin du quartier d’affaires La Défense. À quand le prochain ? ♦

 

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Une manière, pour les paysans, de lutter contre le fléau du gaspillage alimentaire © La Clayette

 

(1) Sur l’appli de La Clayette, on peut connaître l’état des stocks en temps réel. Les distributeurs sont rechargés de deux à trois fois par semaine environ.