La Maison Sainte-Victoire accueille jusqu’au 5 mai 2024 une exposition sur l’histoire et les secrets des grands ouvrages hydrauliques de Provence. Tout en regorgeant d’anecdotes, elle aide à mieux comprendre les enjeux de l’eau en Provence.
L’histoire des canaux de Provence est intimement liée à la région. Déjà au XIXème siècle, l’approvisionnement en eau, surtout potable, était une problématique fondamentale. Le réchauffement climatique et la nécessité du partage des usages n’a évidemment rien arrangé. Il est intéressant de suivre l’évolution de ces constructions depuis plus de 150 ans.
L’exposition imaginée par la Société du Canal de Provence (SCP) et installé à la maison Sainte-Victoire en retrace l’histoire. De fait, plusieurs barrages se sont succédés dans la vallée de l’Infernet et de la Cause : l’aqueduc romain Saint Antonin. Celui de La Petite Mer, abandonné. Les Martelières qui alimentent au XIXe les douves du château du Tholonet. Ne subsistent que le barrage Zola, construit en 1854, et celui de Bimont en 1952. Ces deux-là sont gérés par la Société du Canal de Provence. Ils sont associés à trois canaux : celui de Marseille sur 84 km, du Verdon sur 82 km et Zola sur 7 km.
Dix ans de procédures
L’épopée du canal Zola a été rocambolesque et tragique. Outre la livraison d’eau à la ville d’Aix, le projet initial de l’ingénieur François Zola, qui n’était pas encore le père d’Émile, devait desservir près de 70 usines. Revu à la baisse pour des raisons financières et techniques, il n’en alimentera que quelques-unes. Elles ont néanmoins employé plus de 300 ouvriers au milieu du XIXe siècle.
Le canal Zola a surtout pourvu au besoin en eau de la ville pendant quinze ans, jusqu’à la mise en service du canal de Verdon lancé conjointement. Le barrage initial, prévu dès 1838 derrière le château du Tholonet, devait permettre de stocker près de 15 millions de m3. Il aurait également délivré à la ville 5 m3/seconde. Mais Zola se heurte aux prétentions financières excessives du châtelain, Alexandre de Gallifet. Il décide donc une construction plus en amont, les polémiques lui font cependant perdre du temps.
La société Zola est finalement créée en 1846. Elle vise à construire et exploiter le barrage. L’ingénieur par sa ténacité est parvenu à convaincre des investisseurs.
*Des RDV cette semaine : Vendredi 22 mars 2024 à 18h00 dans le cadre de la Journée Mondiale de l’eau, conférence sur les artisans de l’eau en Sainte Victoire : histoire des grands ouvrages hydrauliques.
*Et Journées portes ouvertes à la Société du Canal de Provence le dimanche 24 mars en collaboration avec l’Institut national de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE) pour découvrir les coulisses de la gestion de l’eau en Provence. 4 créneaux de visites guidées gratuites sur la journée et d’autres dates jusqu’à fin août. Inscriptions obligatoires sur canaldeprovence.com
Un enjeu de salubrité publique
Malgré une ordonnance royale déclarant l’urgence des travaux, le projet déclaré d’utilité publique en 1843 a pris du retard. Il faudra attendre dix ans de procédures pour voir les premiers coups de pioche en février 1847 dans le vallon d’Infernet. Mais Zola, épuisé, ne verra pas l’ouvrage. Il a pris froid sur le chantier et meurt en mars. Le journal de l’époque, Le Mémorial d’Aix, rend ainsi hommage à l’ingénieur civil : [il] travaillait à doter notre ville d’un canal qui doit porter la richesse dans notre territoire. Depuis 10 ans, il luttait contre l’adversité en poursuivant la réalisation de son projet au milieu de l’incrédulité publique et des obstacles contre lesquels il se heurtait à chaque pas ».
Les barrages étaient un véritable enjeu de salubrité publique pour Aix et Marseille après les épidémies de choléra entre 1832 et 1835. La fourniture d’eau potable était la principale condition pour stopper le fléau. Marseille construira son propre canal sans stockage. Quinze ans de travaux pharaoniques en partant de la Durance.
-
Relire aussi : AquaTech recycle les eaux usées
Une innovation technique
Le projet Zola, plus novateur, associait l’idée du barrage et du canal. Le premier barrage voûte de l’ère industrielle était une innovation technique de premier plan. C’était aussi l’un des premiers systèmes intégrés de production d’eau potable pour une ville. « La Ville d’Aix avait décidé de lancer de front les deux projets Zola et Verdon. Celui de Zola devant être le plus rapide à construire, et Verdon, ouvert en 1875, le plus sécurisé, raconte Myriam Boinard en charge de l’exposition. Le Verdon a rempli sa mission, mais rencontré de nombreux problèmes de fuites et d’insuffisance de la capacité de transport. Le barrage de Zola, inauguré en décembre 1854, a surtout servi ensuite à prendre le relais du premier quand il était en entretien un mois par an ».
Pour célébrer l’arrivée de l’eau, la ville d’Aix avait fait construire la grande fontaine de la Rotonde. Elle rebaptisera le canal du nom de Zola en 1871. Émile Zola demandera en 1868 à la municipalité de donner au boulevard conduisant au pont du canal le nom de son père. Le boulevard François Zola est devenu en 1938 le boulevard François et Émile Zola. Paul Cézanne, grand ami d’Émile, avait immortalisé le barrage dans un tableau éponyme vers 1879.
Des canaux à usages multiples
L’exploitation du barrage Zola a été transférée en 1963 à la SCP et arrêté en 1970. L’ouvrage nécessitait de trop lourds travaux de rénovation. Il reste pourtant utile de nos jours pour amortir les crues (1,2 million de m3 de capacité). Les travaux dont il a fait l’objet en 2015 permettent de l’utiliser comme bassin de rétention en complément du Barrage de Bimont. Celui-ci « sert de stockage pour écrêter les crues du grand bassin versant mais il a surtout vocation à alimenter le réseau en eau potable en période de sécheresse », précise Myriam Boinard. Il participe également à l’esthétique paysagère de la retenue avec un niveau d’eau minimum.
Les deux canaux du Verdon et Zola ont alimenté en eau la ville d’Aix jusqu’à la mise en service du canal de Provence dans les années 60. Ce dernier a intégré une partie des extensions du Verdon. À partir des années 50, le développement des ouvrages hydrauliques de l’EDF a permis de valoriser le potentiel de la Durance et du Var pour des usages énergétiques, urbains, agricoles et industriels. ♦
Maison Sainte-Victoire. Chemin départemental D17 – 13100 Saint-Antonin-du-Bayou. Ouvert du mardi au dimanche de 9h à 18h. Entrée libre et gratuite
* Le Groupe Constructa parraine la rubrique « Aménagement » et partage avec vous la lecture de cet article *
Bonus
[pour les abonnés] Le Canal de Provence en chiffres –
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous.