L’Institut de formation La Cadenelle est ancré dans un solide héritage marseillais, incarné par Charlotte Grawitz, jeune femme visionnaire du début du 20e siècle. Ce lycée polyvalent privé sous contrat avec l’État a accompagné des milliers de jeunes vers la vie professionnelle, dans des domaines allant du tourisme au management, en passant par le sanitaire et le médico-social. À l’occasion des 80 ans de l’Institut, rencontre avec des pédagogues et des passeurs passionnés. Aux méthodes et résultats étonnants.
L’Institut de formation La Cadenelle est perché en haut d’une allée, dans un parc offrant une vue imprenable sur Marseille. En cette fin du mois d’août, il faut contourner pelleteuses et tranchées à cel ouvert pour gravir ce promontoire à l’abri du monde. Car les ouvriers travaillent dur pour offrir aux étudiants un site partiellement rénové. Dans ce lieu en transformation, Romain Birot, le directeur, et Anne-Pierre Timon-David, la directrice de la communication, nous reçoivent avec le sourire.
De solides fondations, un projet d’avenir
« Nous nous inscrivons dans l’histoire exceptionnelle de cet établissement et la vision de sa fondatrice. Tout en nous transformant pour répondre aux enjeux du monde d’aujourd’hui et de demain », explique Romain Birot. Ce proviseur, qui a fait tout son parcours dans des établissements privés catholiques, a la vocation chevillée au corps et porte un projet d’établissement tourné vers le monde de l’entreprise. L’accompagnement éducatif, professionnel, social et humain est au cœur de son projet.
Anne-Pierre Timon-David nous guide dans un dédale de locaux spacieux et lumineux. « Nous étions un peu à l’étroit. Nous gardons donc les espaces les plus modernes et remplaçons les plus vétustes par des bâtiments et des salles de cours aux normes 2030, se réjouit-elle. Et nous nous agrandissons, car les demandes affluent. » Ont ainsi surgi un patio où déjeuner face à la baie de Marseille, des cuisines de restaurant pour les métiers de bouche, des cuisines familiales pour les métiers du social, des salles de cours et un internat de jeunes filles.
Des formations de plus en plus diversifiées
Depuis la création du premier établissement dédié aux arts ménagers, les domaines d’enseignement se sont beaucoup diversifiés. Les jeunes peuvent suivre des formations en tourisme-hôtellerie-restauration, comptabilité-gestion-finance-audit, management-négociation-commerce international et sanitaire, social et médico-social du niveau seconde à bac+5. Plus de 1000 élèves ont ainsi fait leur rentrée 2023-2024. Ils seront accompagnés durant l’année par près de 200 enseignants et personnels administratifs. « Nos effectifs ont évolué, avec 66% de femmes et 33% d’hommes », souligne le directeur.
Charlotte Grawitz avait créé un référentiel en diététique, qui a servi de modèle au référentiel national validé par l’Éducation nationale pour le BTS. L’établissement s’inscrit dans cet héritage avec un programme pour des bac+2 en alimentation et nutrition lancé en septembre 2023. « Nous avons mis en place cette formation pilote cette année et espérons la faire valider au niveau national, car elle n’existe pas alors que les besoins sont importants », poursuit-il.
Une jeune héritière visionnaire et engagée
Charlotte Grawitz est née en 1903 au sein de la grande bourgeoise marseillaise. Elle est issue de familles de différentes origines : Polonaise protestante par son grand-père paternel et Marseillaise par son grand-père maternel. Ce dernier, Cyprien Fabre, fonda en 1881 la Compagnie française de navigation. Charlotte grandit dans une famille soudée et aimante, au cœur de la Cadenelle, un parc de 18 hectares sur les hauteurs de la Corniche. Qu’est-ce qui prédestinait cette petite fille à devenir la visionnaire que fut Charlotte ?
Un tempérament hors norme certainement, et des épreuves de vie. Suite au décès de ses parents alors qu’elle n’est âgée que de 27 ans, la jeune femme va accompagner son petit frère et ses deux jeunes sœurs. L’une d’entre elles, Madeleine, deviendra une éminente juriste et sociologue – l’une des premières femmes agrégées de droit public en France. Professeur émérite à l’Université de Paris 1 et à Sciences Po Paris, elle publiera des ouvrages faisant référence, dont « Méthodes en sciences sociales ».
Une vie d’engagement pour les jeunes femmes
La grande sœur attentionnée, dévouée à sa fratrie, ne va pas pour autant se replier uniquement sur la famille dont elle se trouve chargée. Après s’être formée à l’Institut familial ménager de la rue Monsieur à Paris, elle déploie de nombreuses initiatives et actions sociales. Dans le sillon de sa mère, qui avait été vice-présidente de la Croix-Rouge à Marseille. De fait, cette jeune femme visionnaire en matière d’éducation va permettre à des centaines de jeunes filles modestes d’acquérir les savoirs et les armes pour évoluer dans la vie.
Celle qui aurait pu profiter de la demeure familiale, au milieu de son parc ombragé, va s’engager pour des jeunes femmes pour lesquelles la formation est un sésame pour la liberté. Charlotte Grawitz vend les 15 hectares qui entourent le parc familial et ne conserve que la maison. Laquelle trône toujours, discrètement abritée par de hautes haies, au cœur de la résidence La Cadenelle. Grâce à ces fonds, elle va créer 90 établissements. Le premier, dédié aux arts ménagers, ouvrant boulevard de la Blancarde en 1930.
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Des projets au cœur de l’entreprise et de la société
« Nos spécificités sont la diversité des formations que nous proposons, des étudiants que nous accueillons, tant au niveau des matières et spécialités que des niveaux de diplômes, souligne Romain Birot. Nous avançons en lien étroit avec les entreprises, dont nous recueillons les besoins. Et avec lesquelles nous travaillons main dans la main. À la fois pour nos étudiants, pour être au plus près des demandes du tissu économique. Et, si elles n’existent pas, pour faire valider les formations correspondantes avec les institutions au niveau national. »
L’engagement de toute l’équipe, l’ancrage dans l’entreprise et la richesse du projet éducatif portent leurs fruits, avec des taux de réussite qui caracolent à près de 95% en moyenne. Une belle illustration est incarnée par le chef Thierry Marx, qui a créé le Bachelor chef « Chef d’entreprise » de l’Institut. Il est venu au sein de l’établissement rencontrer les élèves plusieurs journées d’affilée. En plus des conseils prodigués aux étudiants, il a recruté dans ses brigades de la Brasserie Madame à Paris une des diplômées de l’établissement.
Une vision sociale et solidaire de l’enseignement pour tous
Anne-Pierre Timon-David et Karine Argémi, la directrice adjointe de l’établissement participeront au prochain Rallye des Gazelles. Cette course d’orientation féminine aura lieu au Maroc du 12 au 27 avril 2024. Les fonds récoltés grâce au sponsoring seront reversés à l’association Cadenelle Solidaire, créée au sein de l’Institut en juin 2023. L’objectif est de venir en aide aux jeunes qui seraient en difficulté matérielle ou porteurs de projets, avec des besoins de financement. 80 ans sont passés et la devise « Ouvrons notre cœur aux autres » est plus vivante que jamais. ♦
