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Cohorte Marianne : des volontaires pour mieux cerner l’autisme et les troubles du neurodéveloppement

Par Patricia Guipponi, le 22 août 2023

Journaliste

L’équipe de Montpellier investie dans la cohorte Marianne. Crédit : Studio INUP

La cohorte Marianne est un programme de recherche scientifique pour lequel sont recrutées 1700 familles réparties sur le territoire français. Son objectif est de mieux cerner l’origine des troubles du neurodéveloppement, qui touchent entre 10 et 15% des enfants, et d’apporter des réponses adaptées et personnalisées.

 

Mars 2021. Le dossier du programme de recherche scientifique sur les troubles du neurodéveloppement (TND) chez l’enfant est bouclé. La professeure Amaria Baghdadli (1), responsable du Centre d’excellence sur l’autisme et les TDN du CHU de Montpellier, et son équipe y ont travaillé d’arrache-pied. Il ne manque plus qu’à trouver un nom incarné. Une appellation distinctive avant qu’un jury d’experts internationaux ne l’examine et décide de son bien-fondé.

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Pr Amaria Baghdadli ©DR

Derrière son écran d’ordinateur, le médecin rentre un tas de mots. Plusieurs acronymes sont proposés, dont un prénom qui s’impose d’office : Marianne. Ce sera celui que portera la cohorte du programme, lancé en avril dernier, qui satisfait aux principaux objectifs de la stratégie nationale autisme et TND de 2018-2022.

« Marianne renvoie à d’autres prénoms, ceux des petits sujets que nous allons suivre de leur naissance à leurs 6 ans », souligne la professeure. C’est aussi la figure symbolique de la République française. « Ça ne pouvait pas mieux tomber puisque ce projet est une commande de l’État qui souhaite disposer d’une base de données fiable et étendue pour répondre aux besoins de la recherche et de la population concernée ».

L’impact de la pollution et des pesticides sur les TDN analysé

En France, un enfant sur six est touché par un ou plusieurs troubles du neurodéveloppement. Entendre par là : le trouble du spectre de l’autisme (dont la prévalence est de 1,5% des naissances), les troubles de la communication, de la motricité ou des apprentissages (dysphasie, dyspraxie, dyslexie…), le trouble du développement intellectuel ou encore le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

Cette fréquence est importante et en hausse depuis deux décennies. « Ça interpelle forcément. Certes, le dépistage s’est amélioré et est à présent systématique, mais ce n’est pas la seule raison », indique le médecin. Le facteur génétique peut rentrer en compte. « Et on s’interroge aussi sur l’impact de la pollution, des pesticides ou encore des perturbateurs endocriniens sur la santé et le développement des enfants ».

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Un enfant sur six présente au moins un trouble du neurodéveloppement. Crédit : P.Guipponi

Financée par les fonds publics, la cohorte Marianne ambitionne d’identifier les causes multifactorielles des TDN. Et pour cela, suivre sur dix ans 1700 familles volontaires réparties sur le territoire français, soit entre 7 et 8000 personnes. La professeure Amaria Baghdadli et sa collègue la docteur Marie-Christine Picot sont les responsables scientifiques du dispositif piloté par le CHU de Montpellier.

D’autres centres hospitaliers y sont associés : Lille, Lyon, Rouen, Saint-Étienne et Toulouse. Une quarantaine de maternités publiques et privées y participent également. De nombreux partenaires scientifiques, associatifs et institutionnels soutiennent également le dispositif. « C’est un programme de santé publique, premier du genre en Europe. Il va permettre de recueillir une grande quantité de données cliniques, biologiques, physico-chimiques… Qui seront à la disposition de la communauté scientifique ».

 

♦ Relire l’article : Voir le monde autrement avec un enfant singulier

Le recrutement des familles volontaires court jusqu’en mai 2027

À ce jour, une trentaine de familles participe à l’étude. Et deux enfants sont nés depuis leur arrivée dans la cohorte. Un à Albi, l’autre à Montpellier. « Nous recrutons les foyers volontaires sur les territoires couverts par les divers CHU engagés et via notre site internet », observe la professeure Amaria Baghdadli.

Deux profils de familles intéressent les chercheurs : celles qui ont déjà un enfant touché par un trouble du neurodéveloppement et sont sur le point d’en avoir un autre. Et celles qui vont avoir un enfant et en ont déjà un sans trouble diagnostiqué. On peut candidater jusqu’en mai 2027.

Les familles recrutées passent un premier entretien, en présentiel ou en visio, avec l’équipe coordinatrice de Montpellier. Des infirmières situées sur la zone géographique du domicile des volontaires procèdent ensuite à des prélèvements : urine, cheveux, sang… À la naissance, l’enfant y sera à son tour soumis.

Tous les trois mois, l’évolution du petit sujet sera observée : motricité, sommeil, langage… « Tout cela sera analysé avec l’ensemble des variables qui entrent en jeu comme la santé des parents, l’environnement, l’alimentation, etc. ». La zone géographique de résidence, les conditions socio-économiques de la famille ou encore son accès aux soins sont des paramètres tout aussi importants.

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Une trentaine de familles participe déjà à l’étude. Crédit : Freepik

 

Anticiper les signes précoces et faciliter la vie des enfants concernés

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Le but de l’étude est d’identifier les signes précoces de troubles du neurodéveloppement. Crédit : P. Guipponi

Dans l’étude, l’âge de 3 ans est une étape importante. En effet, la recherche de diagnostic de certains troubles du neurodéveloppement peut alors être engagée. « On peut déceler le trouble du spectre de l’autisme ou un retard global », commente la professeure. À 6 ans, tous les autres diagnostics de TND peuvent être identifiés. « Exceptées la dyscalculie, la dyslexie et la dysorthographie car à cet âge, l’enfant est encore trop jeune pour savoir bien calculer, lire et écrire ».

Le but de l’étude n’est pas de corriger le neurodéveloppement de l’enfant, mais d’identifier les signes précoces des TDN et d’aider les sujets concernés à avoir les meilleures vie et adaptabilité possibles dans la société. « Notre objectif est d’élaborer des solutions pour anticiper les troubles et mieux accompagner ces enfants dans leur quotidien afin qu’ils trouvent sereinement leur place. Nous voulons aussi comprendre pourquoi il y a des écarts : certains sujets développent des formes sévères de TND tandis que d’autres ne seront pas touchés », poursuit la coordinatrice du programme.

Sans la compréhension des facteurs de risques, il est difficile de saisir les symptômes et de prévenir l’aggravation des TND, comme d’envisager des propositions de traitements personnalisés. Les données recueillies, recoupées et analysées vont donc être essentielles pour avancer dans la prise en charge et le parcours de vie – à la fois personnel, scolaire, professionnel et social – des enfants concernés et de leurs familles qui, elles aussi, sont touchées par ricochet. ♦

(1) La professeure Amaria Baghdadli est également cheffe du service de médecine psychologique pour enfants et adolescents du CHU de Montpellier.

 

Bonus
  • La stratégie nationale autisme et TND pour 2018-2022. Elle repose sur 5 points :

– Remettre la science au cœur de la politique publique de l’autisme grâce à une recherche d’excellence ;

Intervenir précocement auprès des enfants présentant des écarts inhabituels de développement ;

Rattraper notre retard en matière de scolarisation

Soutenir la pleine citoyenneté des adultes ;

Soutenir les familles et reconnaître leur expertise.

Davantage d’informations sur la page dédiée.

  • Quelques chiffres. Les troubles du neuro-développement touchent 5% de la population, soit environ 35 000 naissances par an, selon la Haute Autorité de santé.Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) représentent, eux, entre 0,9% et 1,2% des naissances, soit environ 7 500 bébés chaque année. La Haute Autorité de santé estime donc qu’environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans et près de 600 000 adultes sont autistes en France.