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Les bienfaits de l’alimentation bio prouvés par la science

Par Marie Le Marois, le 5 mai 2022

Journaliste

Plus les consommateurs mangent des produits bio, plus leur alimentation est végétale, plus ils préservent les ressources, le climat et leur santé. Ce constat a été démontré scientifiquement par BioNutriNet, la plus grande étude au monde sur les consommateurs d’aliments bio. Rencontre avec l’un des auteurs, Denis Lairon, Directeur de recherche émérite à l’INSERM, biochimiste et nutritionniste.

 

Denis Lairon
Denis Lairon @Bleu Tomate

Il s’intéresse à l’agriculture biologique depuis 45 ans. Depuis sa rencontre avec un agriculteur qui cultivait sans pesticides. Pour Denis Lairon, c’est la révélation. Il ne cesse depuis de s’intéresser à ce mode d’agriculture, avec le pressentiment qu’il est la solution à de nombreux maux. Cet habitant de Cucuron, village du Vaucluse, a écrit ‘’Manger sain et durable – de notre assiette à la planète’’, enchaîne les conférences, collabore à un programme de l’ONU sur les systèmes alimentaires durables. Et participe à BioNutriNet. Ce projet d’envergure, débuté en 2009, ne cesse d’explorer de nouvelles thématiques grâce à la participation de 170 000 volontaires (voir bonus).

Le chercheur nous présente les études déjà validées. Elles concernent l’impact de l’alimentation bio par rapport à l’alimentation conventionnelle (utilisant la chimie de synthèse). Sur la santé, l’environnement, la toxicologie et l’économie. Les résultats ont été publiés dans de nombreuses revues internationales, dont la revue American Journal of Clinical Nutrition.

Durant l’interview, Denis Lairon apparaît surpris par les différents chiffres. Et pour cause : « On s’attendait à trouver des différences entre le bio et le conventionnel, mais pas autant ». 

 

  • Le bio comprend un mode de production sans produits chimiques de synthèse ni OGM. Et un mode de transformation naturel (additifs restreints, zéro colorant, arôme chimique de synthèse et exhausteurs de goût). Son objectif : respect de lenvironnement, de la biodiversité et du bien-être animal. Seuls les produits qui en sont issus peuvent porter le logo bio européen et la marque AB. Plus d’infos sur Agence Bio.

 

L’agriculture intensive épuise les sols et pollue l’environnement

''Manger sain & durable
 »Manger sain & durable », de Denis Lairon

« Le mode d’agriculture moderne nuit à l’environnement. Il pollue les eaux, les sols et l’air à cause des intrants chimiques utilisés. Épuise les ressources naturelles : 70% de l’eau dans le monde est consacrée à l’agriculture, en particulier aux éleveurs. Diminue la fertilité des sols et la biodiversité. Enfin, participe au réchauffement climatique : 22% des émissions de gaz à effets de serre résultent de la production agricole et 33% de l’ensemble de la chaîne (transformation, stockage, consommation…) 

Par conséquent, en mangeant des produits de l’agriculture conventionnelle, les consommateurs ont un impact plus négatif que ceux qui mangent bio. C’était en tout cas notre hypothèse de départ lorsque nous avons décidé, en 2009, d’étudier les possibles avantages et les inconvénients du bio ».

 

  

Les mangeurs de bio ont un régime alimentaire plus végétal et varié

 légumineuses
Pois chiche et haricots/ légumineuses @Pixabay

« Pour connaître le régime alimentaire détaillé des consommateurs, nous avons travaillé sur trois ou cinq catégories de consommateurs, en fonction de leur niveau de consommation d’aliments bio (pas du tout, parfois, moitié du temps, très souvent, toujours ou presque). On y retrouve les forts mangeurs de produits animaux, les flexitariens, les bio occasionnels qui consomment de la viande et de l’alcool, et les écolos bio végétariens. 

Nous avons observé que les consommateurs réguliers de bio n’ont pas le même profil alimentaire que les autres car plus les consommateurs mangent des aliments bio, plus ils mangent de produits végétaux et moins de produits animaux (voir détail de leur alimentation dans bonus).

Leur alimentation apporte plus d’antioxydants et de vitamines, ainsi que certains minéraux, des acides gras polyinsaturés dont les fameux Oméga 3, et moins de nitrates. En fait, on peut calculer que, plus on mange végétal et moins raffiné, plus on améliore la qualité nutritionnelle de notre alimentation, jusqu’à 80% d’aliments végétaux dans le régime ! Cette étude combat les idées reçues, construites après-guerre, et les lobbys, qui martèlent qu’il faut manger beaucoup de viande pour l’apport en fer et de produits laitiers pour le calcium. »

 

 »Les produits végétaux qui apportent beaucoup de fer et de calcium sont les légumes secs, les fruits à coque et les céréales complètes ou semi-complètes ».

 

Les mangeurs de bio émettent moins de gaz à effet de serre (GES)

Panier de producteur
Paniers de producteur bio  »Seconde Nature »

« Nous avons pu établir cinq profils de consommateurs, allant de ceux qui ne mangent jamais bio à ceux qui mangent bio très régulièrement (en moyenne environ 60% de leurs aliments sont bio). Avec, pour chacun, le détail des produits consommés. Nous avons croisé nos résultats avec ceux de Solagro, auteur du scénario Afterres2050, qui a calculé les impacts dont les GES de chaque produit brut en sortie de ferme, puis converti en aliment consommé (du blé au pain, par exemple).

La différence entre ceux qui mangent très bio et pas bio est importante : l’alimentation plus végétale des mangeurs bio émet moins de GES (-37%), utilise moins de terres agricoles (-23%) et moins d’énergie pour être produite (-25%). Si, pour lutter contre le réchauffement climatique, l’objectif est de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, nous pourrons le faire en mangeant plus végétal et bio. »

 

  • Ces travaux ont donné lieu à la réalisation d’une WEB-BD par l’association Bioconsomacteurs 

 

L’exposition aux toxiques des mangeurs de bio est moins élevée

Engrais chimique
45% des aliments végétaux conventionnels contiennent des résidus de pesticides @Pixabay

« Environ 45% des aliments végétaux conventionnels sont contaminés par des résidus de pesticides de synthèse. Ils appartiennent aux organophosphorés et pyréthrinoïdes, grandes familles de molécules qui sont depuis quinze ans les plus utilisées et dont les effets toxiques sont démontrés sur l’environnement et l’homme. À contrario, les aliments bio sont nettement moins contaminés par les intrants chimiques (quelques % d’échantillons seulement), soit une réduction de 80 à 90% de l’exposition à ces toxiques apportés par l’alimentation.

Nous avons mesuré les résidus de pesticides dans les urines, en constituant des paires de consommateurs très comparables, à part de manger très bio ou pas du tout. Les consommateurs de bio (à 60 %) ont une exposition en moyenne 40% inférieure (car les contaminations ne viennent pas que de l’alimentation !). 

Nous avons calculé aussi que plus on mange végétal conventionnel, plus on est exposé à un mélange de pesticides de synthèse. Par conséquent, s’il est important de manger cinq fruits et légumes par jour, ils doivent être bio. »

 

  • (Re)lire : Maurice Audier, certifié bio avant l’heure

 

Une alimentation bio limiterait les risques de surpoids, de diabète et de cancer

surpoids
Consommer bio limite le surpoids @Pixabay

« Les consommateurs bio ont un mode de vie différent, fument moins, font plus d’activité physique… Si on élimine ces influences et qu’on ne garde que les effets du bio, il apparaît que les mangeurs de bio ont un IMC (indice de masse corporelle) moins élevé. Le risque du surpoids ou d’obésité est réduit de de 31%.

Même chiffre pour le risque diminué du syndrome métabolique (obésité, hypertension, glycémie et lipides sanguins élevés) qui touche 20% des adultes. Pour le diabète type 2, qui touche 5% de la population, la réduction est de 35%, particulièrement chez les femmes. 

Nous avons étudié également l’impact de la consommation bio sur 15 cancers. Là aussi, les résultats nous ont surpris : la réduction globale est de 25% pour ceux qui mangent régulièrement bio. La différence est significative particulièrement pour trois cancers. Une réduction de 80% pour les cancers du système lymphatique (lymphomes), un des cancers les plus liés à l’exposition aux pesticides et l’une des maladies professionnelles chez les agriculteurs (avec Parkinson et le cancer de la prostate). Enfin une réduction de 34% pour les cancers du sein chez les femmes après la ménopause.»

 

Le régime alimentaire bio est un régime alimentaire durable

Panier de producteurs
Panier de producteurs  »Seconde Nature »

« Une alimentation de qualité, diversifiée, végétale et bio est durable car elle a le minimum d’impact sur la santé des hommes et de la planète. Ce constat a été corroboré par d’autres études étrangères. Et rejoint les recommandations alimentaires de la FAO (organisation pour l’alimentation et l’agriculture de l’ONU) pour des régimes alimentaires durables (voir bonus).

Deuxième confirmation que l’alimentation bio est vertueuse : le Programme national nutrition santé, qui recommande depuis 2001 les bons aliments, sous les auspices du ministère de la Santé, souligne depuis janvier 2019 qu’il faut augmenter les fruits et légumes. Et, c’est nouveau, les céréales complètes et semi-complètes, les légumes secs et les fruits à coques et recommande de privilégier ceux produits en bio.

Il préconise également de diminuer les produits animaux, particulièrement le fromage et le lait. Et, changement, de réduire nettement la viande rouge, la charcuterie, les produits sucrés et le sel. 

En plus de privilégier les circuits courts et locaux, il est préférable de cuisiner chez soi des produits bruts et non des produits ultra-transformés. Ils provoquent plus de cancers et de maladies cardio-vasculaires). Il faut savoir que plus de la moitié des produits en France sont transformés, voire ultra-transformés. »

 

Les aliments peu transformés sont par exemple pain, fromage, conserve de poisson, charcuterie par salaison… Les ultra-transformés ont subi de nombreuses transformations via des procédés industriels et des additifs/ colorants. Céréales du petit déjeuner, biscuits industriels, bonbons, pizzas surgelées, boissons sucrées…

 

Le bio coûte moins cher que le conventionnel

Manger bio, une condition pour l’avenir 6
De tous les fruits à coque, les noix sont les plus riches en acides gras polyinsaturés et oméga 9 @Pixabay

« Une nouvelle étude a débuté en 2022 et prend le relais des autres. Elle porte sur l’élargissement de la durabilité de l’alimentation. Et notamment le coût d’achat qui reste le frein principal du consommateur. Effectivement, le bio est plus cher. Car il s’agit d’un mode de production nécessitant davantage de main-d’œuvre, tout en ayant des rendements plus faibles. 

Mais ce constat est biaisé. Une étude américaine a établi en juillet 2021 que le vrai coût de l’alimentation conventionnelle pour les citoyens doit être multiplié par trois. En effet, l’alimentation a un impact financier sur les maladies (autant que le coût d’achat) et l’environnement (autant que le coût d’achat). Au final payé par les citoyens.

Manger bio, une condition pour l’avenir 3
Alimentation bio végétale et variée @Coco Malet

Ces chiffres sont sous-estimés. Car ils ne comprennent pas les végétaux contaminés par les pesticides qui annihilent l’effet protecteur des végétaux également démontré. L’INSEE établit le coût de l’alimentation à 177 millions d’euros par an en France. Le vrai coût est donc trois fois plus.   

On ne peut changer de système alimentaire que si on prend vraiment en compte cette donnée. Et que les autorités adoptent des mesures pour soutenir la production biologique. Il existe des aides aux agriculteurs pour l’installation en bio mais plus au maintien. Elles doivent également favoriser la recherche pour améliorer les méthodes de production. Tout le monde doit avoir le droit de manger sain et durable ».

 

 

Bio, local et de saison, c’est encore mieux

« Le local ? Pour moi, il est exclu d’acheter du bio provenant du bout du monde. Sauf les produits tropicaux que l’on ne peut pas produire chez nous, à condition qu’ils soient bio. En effet, le produit importé de loin émet plus de CO2 et perd en nutriments.

Mais à l’inverse, privilégier le local sans vérifier qu’il soit de saison et bio, n’est pas une vraie solution. Acheter à trois kilomètres de chez soi des tomates en mars est absurde, car elles ont été cultivées sous serre chauffée. Idem pour la viande élevée à 10 kilomètres qui provient d’une usine à 1000 vaches. » ♦   

 

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Bonus

Les volontaires. NutriNet-santé? Les financements. Régime alimentaire des consommateurs réguliers de bio

  • Les volontaires : l’étude NutriNet-Santé est une étude de cohorte de plus de 170 000 adultes. Une étude de cohorte porte sur une grande population durant plusieurs années (ici, au moins 10 ans). Pour devenir volontaire à l’étude, c’est ici.

 

  • NutriNet-santé est la cohorte générale et les études sur alimentation, modes de vie et santé. BioNutrinet est un projet spécifique greffé sur la cohorte et ciblé sur les consommateurs bio, la santé et la durabilité.

 

  • Les financements. L’étude NutriNet-Santé s’appuie sur l’engagement financier de partenaires exclusivement institutionnels et publics. Ministère de la Santé : Direction Générale de la Santé (DGS). Institut de Veille Sanitaire (InVS). Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES). Et du personnel de l’Inserm, l’Inra, le Cnam et l’Université Paris 13. Elle bénéficie également de soutiens de fondations (Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), Association de Recherche sur le Cancer (ARC), Fondation Cœur et Artères (FCA). Et de la Région Île-de-France (CORDDIM).

L’Agence Nationale de la Recherche (appel d’offres ALID 2013) a assuré le financement pour le programme BioNutriNet.

 

 

  • Régime alimentaire des consommateurs réguliers de bio mangent environ trois fois plus de légumes secs. Deux fois plus de fruits à coque (amandes…). 60% de plus de fruits et légumes. Et nettement plus de céréales complètes ou semi-complètes. Mais aussi 50% de moins de viande rouge. 35% de moins de viande de volaille. 40% de moins de charcuteries et de produits laitiers. 30% de moins de ‘’fast foods’’.

 

  • Les recommandations alimentaires de la FAO (organisation pour l’alimentation et l’agriculture de l’ONU) pour des régimes alimentaires durables impliquent : faibles conséquences sur l’environnement, sécurité alimentaire et nutritionnelle, vie saine pour les générations actuelles et futures, respect de la biodiversité et des écosystèmes, économiquement équitables et accessibles.

 

  • Depuis les années 50, la France a perdu 90% d’exploitations agricoles. 100 000 entre les années 2010 et 2020, notamment par manque de terres. Parallèlement, les filières agricoles bio ne cessent de se développer en France : en 2020, elles entretiennent et génèrent plus de 200 000 emplois dans les territoires et permettent de répondre à la demande des consommateurs, in Agence Bio.