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La seconde vie des voitures thermiques passées à l’électrique

Par Agathe Perrier, le 13 décembre 2023

Journaliste

Qinomic vise le dernier trimestre 2024 pour commercialiser ses voitures © DR
L’entreprise Qinomic, près d’Aix-en-Provence, convertit les moteurs thermiques des véhicules utilitaires à l’électrique. Une façon de réduire l’impact carbone des flottes professionnelles. Et ce, à moindre coût, puisque transformer revient deux fois moins cher qu’acheter l’équivalent neuf.
[Dans le cadre de l’éducation aux médias, avec le soutien de la Région Sud, une version radio pour les lycéens]
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L’upcycling a le vent en poupe, y compris dans l’automobile. Preuve à l’appui avec Qinomic, start-up basée à Venelles (13) et spécialisée dans le rétrofit des véhicules utilitaires. Concrètement, elle transforme leurs moteurs thermiques en moteurs électriques. Un procédé bien plus compliqué qu’il n’y paraît. « Il existe des verrous technologiques assez lourds pour y parvenir. Mais nous avons réussi à les lever en recomposant la chaîne de traction des moteurs avec une architecture électronique. C’est notre plus-value », expose Frédéric Strady, qui a co-fondé cette jeune pousse en 2021 avec Jean-Pierre Labroue.

Trois ans après le démarrage de l’activité – l’idée de se lancer sur ce créneau précède d’un an la création officielle de l’entreprise – les premiers prototypes roulent déjà. Qinomic est actuellement dans une phase d’industrialisation de son processus de conversion et vise le dernier trimestre 2024 pour commercialiser ses voitures.

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Frédéric Strady a co-créé Qinomic en 2021 avec Jean-Pierre Labroue © DR

Presque comme neuf

Car, pour le moment, la transformation est encore réalisée manuellement. Et elle nécessite de passer 25 heures sur chaque véhicule. L’objectif est d’automatiser certaines tâches pour gagner du temps. Pour cela, Qinomic peut compter sur un partenaire de taille : le constructeur Stellantis (né de la fusion entre PSA Peugeot-Citroën et Fiat Chrysler).

Cette collaboration permet à la start-up d’utiliser les composants du groupe franco-italo-américain pour changer les pièces des moteurs. Elle est actuellement capable de convertir 70% du marché des utilitaires. Autrement dit : la plupart des moteurs des véhicules professionnels peuvent profiter d’une nouvelle jeunesse après passage dans son atelier, situé à Dieppe (Normandie). Qinomic ne s’arrête d’ailleurs pas seulement à la transformation des moteurs. « On peut upgrader les véhicules en leur donnant de nouvelles fonctionnalités comme l’aide à la conduite, de la connectivité… En prestation complémentaire, on proposera même de mettre à jour la carrosserie », glisse Frédéric Strady. De quoi les faire repartir pour de nombreuses années.

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Qinomic est capable de convertir 70% du marché des utilitaires © DR

Économique et écologique

Une conversion complète d’un utilitaire thermique vers l’électrique coûte entre 20 000 et 25 000 euros avec Qinomic. Quand il faut débourser au minimum le double pour s’offrir un équivalent neuf. « Or, les caractéristiques techniques sont presque les mêmes entre les deux. Notre prototype rétrofité, un Citroën Jumpy, existe déjà en version électrique neuve. Lorsque l’on compare les deux, il n’y a pas grand-chose qui diffère et il est deux fois moins cher », ajoute celui qui porte également la casquette de directeur général. Surtout quand des subventions et des primes à la conversion peuvent encore faire baisser le prix.

Quand la commercialisation sera lancée, la start-up ne va pas acheter des utilitaires, les transformer et les stocker en attendant de les vendre. Sa vocation est de partir de l’existant et compte convaincre les sociétés de leasing, les gestionnaires de grande flotte et les artisans détenteurs d’un utilitaire de faire appel à ses services. Seul inconvénient : toutes les étapes confondues – ce qui inclut la conversion mais aussi la logistique – un véhicule doit être immobilisé environ trois semaines pour subir sa transformation. Mais le jeu en vaut la chandelle : à la clé, un parc auto zéro carbone, réutilisant de l’existant plutôt que du neuf et sans se ruiner.

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Le rétrofit est un marché prometteur y compris pour les véhicules particuliers © DR

Marché d’avenir

Frédéric Strady s’affiche en tout cas confiant pour le futur. « On a pu tester l’appétence des grands comptes pour les véhicules rétrofités. On est très optimistes car les modèles présentés sont déjà très concluants », indique-t-il. Il faut dire que la réglementation joue en la faveur de l’entreprise. Avec le développement des zones à faibles émissions (ZFE), les véhicules les plus polluants sont progressivement bannis de nombreuses villes en France. C’est d’ailleurs le cas à Marseille pour une partie d’entre eux (bonus). Et le Parlement européen a acté il y a quelques mois la fin des ventes de véhicules à moteur thermique neuf en 2035, signant le glas progressif de ce type de motorisation.

Dans ce contexte, le rétrofit est un marché prometteur aux yeux du directeur général. Y compris pour les véhicules particuliers, même si la start-up a fait le choix de ne pas se positionner sur ce segment. « L’équation économique est plus compliquée avec ces voitures dont la valeur résiduelle est faible. Et puisqu’elles disposent de moins de place, c’est plus difficile d’y implanter une batterie », précise-t-il. Mais d’autres entreprises devraient se lancer assez rapidement sur ce créneau. « Puisque les prix des voitures neuves vont être de plus en plus élevés, moins de personnes pourront les acheter. Et avec le durcissement des normes environnementales, le rétrofit se posera en bonne alternative pour acquérir une voiture propre à moindre coût », présage-t-il. Le secteur automobile n’a pas fini d’évoluer. ♦

Bonus

  • Une deuxième levée de fonds dans les cartons – Après une première levée de fonds cet été, auprès du concessionnaire marseillais De Willermin, Qinomic prépare un deuxième tour de table pour début 2024. La start-up espère obtenir au total au moins six millions d’euros, comme l’indique le site d’informations Gomet.
  • Et bientôt le rétrofit hydrogène –Qinomic poursuit en parallèle la recherche et développement. À terme, la start-up souhaite aussi proposer la transformation de moteurs thermiques vers l’hydrogène. Une technologie qui, d’ailleurs, n’est pas en compétition avec l’électrique pour son directeur général. « Elle convient mieux à ceux qui ont besoin d’autonomie. Pour les trajets urbains, l’électrique est en revanche plus adaptée car moins chère », précise Frédéric Strady.
  • Les véhicules trop polluants bannis des centres-villes – Certaines villes ont mis en place une zone à faibles émissions (ZFE). Dans un périmètre précis, les véhicules les plus polluants ne sont plus autorisés à circuler. C’est le cas à Marseille depuis le 1er septembre 2022 pour les véhicules avec vignette Crit’Air 5 mais aussi pour les Crit’Air 4 depuis septembre 2023. Et les Crit’Air 3 vont à leur tour connaître le même sort à partir de septembre 2024. Plus d’infos en cliquant ici.