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Les ours en peluche aux petits soins…

Par Patricia Guipponi, le 18 septembre 2023

Journaliste

Quatre membres de l’équipe de chercheurs qui ont étudié l’ours en peluche ©DR

Une équipe de chercheurs basés entre Marseille, Montpellier et La Réunion, s’est penchée sur l’emblématique peluche. Leur travail, très sérieux, a révélé bien des choses sur l’attachement voué à l’ourson et ouvre des pistes intéressantes sur le plan médical comme thérapeutique.

 

Quand six chercheurs des universités d’Aix-Marseille et de Montpellier, de l’IRD, du CNRS ou encore de la FRB (Fondation pour la recherche sur la biodiversité) se rencontrent, c’est pour se raconter des histoires d’oursons. De nounours, plus précisément. Si, si. Ce n’est pas de la baliverne. C’est une étude des plus sérieuses qui réunit les expertises de Nathalie Blanc, Anne-Sophie Tribot, Thierry Brassac, Nicolas Casajus, François Guilhaumon et Nicolas Mouquet.

Au centre donc de leurs observations, la peluche ours, mignonnerie ronde et douce qui nous berce dès le biberon et que l’on trimballe d’un déménagement à l’autre, liés à elle à jamais, même si elle se défraîchit au fil des années.

Et pourquoi l’ours en peluche ? Parce que c’est, répond Anne-Sophie Tribot, post-doctorante de l’université de Marseille-Aix, « un objet transitionnel ». Entendre par là que l’on projette sur lui ses émotions. Un peu partout sur cette planète. C’est un confident, un soutien sans faille. Et parce qu’il est doté d’un « grand pouvoir de médiation ». Pour simplifier, grâce à lui, on parle, on échange. Sur lui notamment. Il crée en effet de la connexion.

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Le nounours est un objet sur lequel nous projetons nos émotions et qui crée de la connexion ©P. Guipponi

 

Une étude sur plus d’un millier de personnes de 3 à 72 ans

Pour mieux comprendre ce lien affectif à la fois unique et partagé par tout un chacun, l’équipe « arctophile » (qui aime et/ou collectionne les ours en peluche- NDLR) a organisé une grande étude participative lors de la Nuit des chercheurs en 2019. Plus d’un millier de volontaires âgés de 3 à 72 ans, répartis sur treize villes de France, s’y sont rendus. Tous étaient, bien sûr, accompagnés de leurs doudous aux traits du mammifère ursidé. Pas peu fiers de les montrer au tout venant.

« Nous avons mesuré toutes les caractéristiques de ces peluches, la morphologie, la taille des membres… posé des questions sur le ressenti face aux nounours, organisé des matches entre eux. Et c’était toujours, pour le participant, sa peluche qui remportait ses suffrages même lorsqu’elle était confrontée à des oursons plus récents ou craquants », résume Anne-Sophie Tribot.

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Une frimousse, une rondeur et une douceur qui nous apaisent et nous réconfortent © P. Guipponi

L’attachement entre la peluche et son propriétaire est donc immuable, forte. « C’est un objet enrobant, apaisant, réconfortant d’autant plus quand c’est le sien ». L’étude a démontré que ces sensations résistaient à l’épreuve du temps, à l’apparence, mais aussi que nous avons tous tendance, quels que soient notre âge et notre genre, face à un panel proposé, à préférer les grands et jolis nounours, faciles à manipuler, doux au toucher et agréables à l’odorat. Ils sont plus adaptés à nos bras et nous adeptes de leur corps confortable et câlineur.

 

 

Un atelier de médiation sur la peluche fin octobre à Montpellier

Une fois posés ces constats, et d’autres encore, que dire ? Que ces recherches aussi légères qu’elles puissent paraître, par le sujet qu’elles mettent à l’honneur, offrent de sérieuses données à exploiter sur le plan médical et thérapeutique. Et cela pour les patients jeunes comme plus âgés. Avoir un objet rassurant auprès de soi, d’autant plus quand il est porteur de souvenirs, de secrets qu’on lui a confiés, peut faciliter par exemple une prise en charge hospitalière, permettre de mieux appréhender des traitements curatifs ou thérapeutiques.

« L’intérêt de l’étude est qu’elle ouvre des perspectives. L’ourson en peluche peut être un outil intéressant dans l’ouverture du dialogue psychologique ou sociologique », souligne la chercheuse de l’université d’Aix-Marseille. Entre autres. D’autant plus que nos bienveillants nounours n’ont pas tout livré de ce qu’ils cachent sous leur épaisse et tendre toison de poils. Loin de là.

L’étude est toujours ouverte. « Nous avons chacun nos professions respectives qui nous occupent. Nous y consacrons notre temps quand nous le pouvons et elle perdurera tant que la cellule de peluchologie fonctionnera ». Du 27 et 29 octobre prochains justement, à Montpellier, dans le cadre du Festival des sciences participatives, un atelier de médiation sera d’ailleurs proposé autour de la peluche par l’équipe pluridisciplinaire. De quoi continuer à alimenter la question. ♦

 

Bonus
  • Il était une fois, l’ours en peluche

L’ours en peluche a des origines anglo-saxonnes. On le doit au président des États-Unis, Théodore Roosevelt. Au siècle dernier, ce dernier participait à une chasse dans le Mississippi. Malchanceux, il s’est vu offrir un ourson piégé par ses assistants. Mais il n’a pu se résoudre à l’abattre. Les journaux se sont emparés de l’histoire à la gloire de leur président. Ce qui a donné l’idée à un fabricant de peluches d’en créer une à l’effigie d’un ourson. Elle sera baptisée Teddy Bear… Teddy étant le petit surnom de Roosevelt.

Cependant, les Allemands revendiquent la paternité de l’ourson en peluche. Un peu avant l’histoire de Teddy Bear, en effet, une courtière nommée Margarete Steiff s’est illustrée dans le pays d’Europe de l’Ouest avec ses coussins à aiguilles de formes animalières. D’abord élaborés à l’image de l’éléphant, ils ont ensuite pris les traits d’autres animaux, dont l’ours qui plaisait surtout aux enfants. L’idée est alors venue d’en faire un jouet, bourré à l’époque de copeaux de bois.

Les décennies passant, l’ourson en peluche a délaissé ses traits animaliers pour une allure plus esthétique, attrayante, adoucie et une stature proche de l’humain. Les matières qui le composent sont devenues plus soyeuses. Il est toujours la peluche préférée des plus petits et des grands, bien qu’à présent, la diversité soit de mise. La journée internationale de l’ours en peluche a lieu tous les 9 septembre. Qu’on se le dise.