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Comment rendre l’escalade en salle plus écologique ?

Par Zoé Charef, le 7 février 2024

Journaliste

On estime à quelque sept millions les prises en fin de vie jetées chaque année en Europe - Illustration ©Unsplash
Chaque jour, environ 25 000 prises d’escalade sont produites en Europe. Chaque année, quelque sept millions de prises en fin de vie sont jetées, en Europe toujours, sans être réparées ou recyclées. Un chiffre en constante augmentation depuis la pandémie du Covid-19 du fait de l’engouement pour l’escalade, l’ouverture continuelle de nouvelles salles dédiées et la diminution de la durée de vie des prises. Dans un souci de rendre la pratique en salle plus résiliente, la jeune entreprise chambérienne Ghold a imaginé un matériau recyclé et recyclable. 
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[Dans le cadre de l’éducation aux médias, avec le soutien de la Région Sud, une version radio pour les lycéens]

Si, à l’origine, l’escalade est une activité pratiquée en extérieur sur des surfaces naturelles, elle est aujourd’hui davantage proposée en salle. Soit sur des parois en contreplaqué agrémentées de prises – presque toutes – en plastique. Ces dernières ont un impact environnemental indéniable : en plastique thermodurcissable (PU), une prise a un équivalent carbone de l’ordre de 50 à 100 km de trajet en voiture essence (un kilogramme de prise en polyuréthane représente environ 11,84 kg de Co2).

Comment rendre l’escalade en salle plus écologique ?
Une prise d’escalade fabriquée par Ghold pour Artline holds, avec le label apposé dessus. Cela permet aux ouvreurs et gérants des salles d’escalade de reconnaître les prises Ghold lors de leur tri, avant de les renvoyer à l’entreprise pour recyclage. ©Ghold

« Changer le matériau des prises d’escalade pour en faire un objet recyclé et recyclable. » Voici ce que Sébastien Leprivey, Hugo Pheulpin et Benoît Jacquot-Bertrand ont en tête depuis 2019. Féru d’escalade, le trio de jeunes amis a donc questionné le modèle économique de ce marché.

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Nouveaux matériau et modèle économique

Avec Ghold, Hugo Pheulpin, l’un des trois fondateurs, propose une solution : imaginer un matériau recyclé et recyclable pour fabriquer des prises d’escalade durables. « Faire des prises avec un logo ‘recyclable’ et les trier, c’est bien. Mais les centres de tri ne savent pas trop quoi faire des prises. Nos plastiques sont techniques et peu recyclés aujourd’hui. » L’entreprise pense plutôt un cercle vertueux : les prises recyclées sont utilisées pendant un certain temps (en moyenne deux ans et demi) par les grimpeurs indoor, avant de retourner à Ghold une fois usées. Elles y seront « nettoyées, triées par couleur et broyées pour obtenir des petits grains de plastique. » Ces grains de plastique sont ensuite incorporés au mélange de base de Ghold afin de fabriquer de nouvelles prises. Une alternative qui s’impose comme une solution intéressante dans le milieu de l’escalade.

Le processus mis en place par le trio peut être répété un grand nombre de fois. Et sans perdre en qualité de produit. Toutefois, le fondateur associé signale un bémol : « Aujourd’hui, la filière d’approvisionnement de plastique recyclé n’est pas assez importante. On s’est donc fixé un seuil de 30% de plastique recyclé [et le reste en plastique vierge, NDLR] pour la première fabrication de nos pièces. »

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Les grains de plastique qui donneront plus tard des prises d’escalade recyclées. ©Ghold
♦ L’escalade en France représente 650 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, 260 salles, + 6 % de croissance annuelle de chiffre d’affaires d’ici à 2025 et 2 millions de pratiquants.

Un produit plutôt qu’une marque

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L’un des fondateurs vérifie la fabrication des prises, lorsque le matériau est injecté dans les moules. ©Ghold

Après avoir abouti à ce mélange de thermoplastiques concluant et reçu des avis positifs de grimpeurs, Benoît Jacquot-Bertrand, Sébastien Leprivey et Hugo Pheulpin pensaient lancer leur marque de prises. Finalement, ils se sont rendu compte que limiter l’innovation à leur propre marque, « c’était dommage. L’objectif premier que nous souhaitions atteindre était de limiter l’impact de l’escalade sur l’environnement. On a donc préféré fabriquer pour les marques déjà existantes et proposer notre production à un maximum de personnes », résume Hugo Pheulpin. Un projet réalisé grâce à une levée de fonds et aux aides financières de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et du Réseau Entreprendre.

D’autres entreprises européennes font également avancer ce dossier. Pour utiliser moins de plastique dans la phase de production, on incorpore du bois et du chanvre au mélange de base. Ainsi, le fabricant français Ino’Holds fabrique ses prises d’escalade avec 25% de fibres de chanvre naturelles dans son mélange plastique GreenMix. Eco climb’in et RHolds se concentrent, elles, sur leur reconditionnement en les réparant et en retravaillant le grain de ces dernières. Ces méthodes permettent de remettre les prises d’escalade en état pour leur réutilisation. Le réemploi permettant en effet de ne produire que peu de déchets. Mais chez Ghold, on a opté pour du recyclage : « On ne réutilise pas la prise en tant qu’objet fini. On réutilise la matière qui est à l’intérieur pour en faire un nouvel objet », décrit l’entrepreneur.

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Une activité qui pollue trop… mais qui s’améliore

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Le schéma circulaire de la vie d’une prise d’escalade Ghold. ©Ghold

 

« L’impact carbone est réduit par deux dès le premier recyclage », défend également Hugo Pheulpin. « Mais surtout, nous sommes heureux d’avoir pu construire notre produit et cette économie circulaire qui va avec. La récupération des prises peut être un frein pour certaines salles. Parce que ça demande un travail de tri en plus. Mais elles savent qu’il faut faire des efforts pour l’environnement. » Pour faciliter leur retour et renforcer l’économie circulaire de l’escalade en salle, l’entreprise Ghold compte proposer un système de location. « Les salles vont louer une certaine quantité de prises à une marque qui fabrique chez nous. Puis, une fois la durée de vie écoulée, on les récupère (gratuitement) et on leur en envoie des nouvelles », présente le fondateur associé.

Les marques Artline holds, Entre-prises et Inspir ont cru en ce nouveau matériau hybride. Elles confient une partie de leur fabrication à Ghold et travaillent main dans la main à l’élaboration de ce nouveau modèle économique. Le trio fondateur estime pouvoir récupérer 90% de ses prises en circulation d’ici un an. Cela permettrait d’augmenter au fur et à mesure le pourcentage de plastique recyclé dans leur mélange. « On s’est vite rendu compte que pouvoir recycler les prises d’escalade était très attendu, se réjouit Hugo Pheulpin. Donc on sait qu’il y a du travail et de la motivation ! » ♦

 

 

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