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Stéphane et la chocolaterie… solidaire

Par Philippe Lesaffre, le 27 mars 2024

Journaliste

Chez Les Copains de Bastien, la motivation prime sur l'expertise ©DR
En 2021, la chocolaterie des Copains de Bastien, située au cœur de Paris, a ouvert ses portes avec l’engagement de favoriser la réinsertion de personnes éloignées de l’emploi, via la production et la vente de tablettes de chocolat. Une promesse de Stéphane Petillon, à l’origine de la démarche.

Un jour, Stéphane Petillon sort d’un supermarché avec son fils et croise un sans-abri (lire bonus). Assis, celui-ci demande quelques pièces, ce qui surprend son garçon, alors âgé de 6 ans. Bastien demande à son père pourquoi il ne donne pas de travail à « ses copains de la rue ». L’interrogation, un brin naïve, l’interpelle, lui qui dirige alors, depuis plusieurs années, une entreprise d’informatique, qui se porte plutôt bien. Les deux rentrent, et, peu de temps après, pandémie oblige, Stéphane se retrouve enfermé à domicile. La remarque de Bastien lui reste en mémoire.

Il raconte n’avoir pas vraiment su trouver les mots justes pour lui répondre, toujours est-il qu’il se met à imaginer un projet à visée sociale, amenée à satisfaire son enfant. Mais dans quel domaine ? Au plus fort de la crise sanitaire, Stéphane, souvent au fourneau, finit par penser au secteur « de la gourmandise », comme il dit. C’est que l’entrepreneur, sans expertise en matière culinaire, a rencontré Arnaud Normand, chef chocolatier et pâtissier, qui deviendra son associé.

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Un tremplin professionnel

Les deux ouvrent une chocolaterie solidaire, située à Paris. « J’ai pris conscience, souligne Stéphane, que le métier de la pâtisserie pouvait favoriser une montée en compétences des personnes que nous souhaitons accompagner. » Les Copains de Bastien, du nom de sa marque, vise en effet à favoriser la réinsertion de personnes éloignées de l’emploi, via la production et la vente de tablettes de chocolat. Et les deux hommes, à l’origine de l’entreprise, ont donc l’opportunité de donner du travail aux… « copains » de Bastien. En d’autres termes, de « leur offrir un tremplin ». L’idée est bien là : améliorer l’employabilité de femmes et d’hommes qui, à un moment, ont traversé une épreuve, ont « décroché », et qui, désormais, désirent (re)trouver la voie de la stabilité.

Stéphane indique travailler en collaboration avec l’association Entourage, dont l’objectif est de réintégrer des citoyens en situation de précarité. Un passage à la rue, une période de chômage, un exil qui a laissé des traces… « La structure nous met en relation, précise l’entrepreneur, avec des personnes ayant eu un parcours compliqué. » Certains sont suivis via un programme (LinkedOut) visant à leur mettre à disposition des coachs bénévoles afin de les aider à rédiger un CV, à les assister à des entretiens. En somme, « à leur redonner confiance ».

Un exil et des petits jobs

Stéphane et la chocolaterie... solidaire 2C’est ainsi qu’au printemps 2021, Stéphane et Arnaud ont fait la connaissance de Roza, une Arménienne d’une quarantaine d’années, arrivée en France peu avant le Covid-19. Elle avait après accumulé les petits jobs ici ou là, et donnait un coup de main à Emmaüs Défi pour trier les jouets d’occasion à revendre. En septembre 2021, elle finit par intégrer les Copains de Bastien, et rebondit. Roza qui travaillait dans un restaurant sur ses terres natales, apprend à fabriquer le chocolat, notamment le moulage des tablettes… Quelques mois plus tard, ses missions ont évolué, et elle a pris des responsabilités au sein de la boutique de chocolat. Dorénavant, Roza, qui a progressé en français, s’est focalisée sur la vente des produits et la préparation des commandes.

Elle a croisé la route de Danny, 31 ans et originaire de la République démocratique du Congo. Lui a débarqué en France au mauvais moment : il avait besoin d’une entreprise pour valider ses études en informatique, mais en pleine crise sanitaire il n’a pas su trouver d’alternance. Agent de sécurité, télémarketing… Sans diplôme, il s’est vu enchaîner les petits boulots en intérim pour pouvoir payer son loyer. Jusqu’à ce qu’il tombe sur la chocolaterie, qui lui a tendu la main pour qu’il obtienne son master. Après un passage de plusieurs mois chez les Copains de Bastien, au cours duquel il a travaillé sur les applications informatiques, Danny a repris son envol…

« Confort indéniable »

Même si l’aventure ne dure pas forcément ad vitam æternam, Stéphane et Bastien insistent pour que les recrues signent, après un stage inaugural de trois semaines de découverte des métiers, un contrat à durée indéterminée. « Cela leur assure de la stabilité et un confort indéniable, chacun peut alors travailler sereinement… » Seule la motivation compte. Ils et elles ne sont pas embauchés pour une expertise. En tous les cas, c’est une expérience enrichissante au cours de laquelle ces personnes croisent également la route d’alternants inscrits dans des établissements reconnus, à l’instar de Ferrandi, la célèbre école parisienne de gastronomie et de management hôtelier. Mais aussi des stagiaires, par exemple issus des bancs de l’École de la deuxième chance (lire bonus)…

Chocolat haut de gamme

Stéphane et la chocolaterie... solidaire 3La jeune entreprise, après une levée de fonds en 2023, s’est développée petit à petit. D’abord située à Gare de Nord, dans l’est de la capitale, elle a ensuite déménagé pour avoir plus grand. On retrouve dorénavant Les Copains de Bastien à l’ouest de la Seine, à proximité du grand magasin Bon Marché Rive Gauche. L’objectif de départ n’a, lui, pas évolué : produire et vendre « un chocolat haut de gamme, issu de fèves de cacao, produites de façon éthique ».

On demande une précision : « Des sourceurs, rétorque Stéphane, font le tour de la planète pour sélectionner les meilleurs producteurs. » C’est-à-dire celles et ceux qui prennent soin de la terre, qui mettent en place « des projets d’agroforesterie », par exemple. Et des paysans à qui la société achète le cacao « de six à huit fois plus cher que le cours de la bourse ». Avec cette idée d’empêcher les familles de tomber dans l’extrême précarité, de faire en sorte qu’elles vivent dignement. Car ce sont aussi des « copains » de Bastien… ♦

Bonus

[pour les abonnés] – 3500 SDF à Paris – Les chiffres-clés du chocolat en France – Les Suisses, plus gros consommateurs de chocolat – L’École de la deuxième chance, E2C –

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