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Une appli GPS pour faciliter la vie des piétons avec un handicap

Par Agathe Perrier, le 4 octobre 2023

Journaliste

Streetco s’adresse aux personnes valides qui veulent rendre le monde plus accessible © DR

L’application Streetco invite tous les citoyens et citoyennes à cartographier les rues de leur ville et signaler si elles sont accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR) ou encombrées d’une poubelle par exemple. Des données précieuses pour faciliter les trajets piétons du quotidien à Angers, Charleville-Mézières, Brest, Tour, Laval et Paris…. pour l’instant.

 

Marseille est régulièrement pointée du doigt comme étant peu adaptée aux piétons. En témoignent notamment les deux éditions du Baromètre des villes marchables, où la cité phocéenne obtient la pire note – elle est malheureusement loin d’être la seule (voir bonus). Trottoirs trop étroits, encombrés par des poubelles ou des poteaux, empiétés par des escaliers… Les obstacles sont nombreux. Et s’ils gênent déjà les personnes valides, ils font carrément vivre un enfer aux personnes à mobilité réduite (PMR).

Pour faciliter leurs trajets, deux amis d’enfance – Arthur Alba et Cyril Koslowski – ont créé Streetco, une appli qui repose sur la solidarité. « Elle s’adresse aux personnes valides qui veulent rendre le monde plus accessible. Le but est qu’ils indiquent si les rues de leur ville permettent aux PMR de se déplacer. On englobe d’ailleurs dans ce terme toutes les formes de mobilité difficile : les personnes en situation de handicap, les femmes enceintes, les poussettes, les valises… », explique Lucie Carry, cheffe de projet communication et événementiel de la plateforme.

 

 

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Chaque utilisateur peut voir le nombre de rues et d’obstacles qu’il a signalés et, ainsi, le temps qu’il a fait gagner aux PMR © DR

Jeu solidaire

Concrètement, signaler qu’une rue est accessible ou non est un jeu d’enfant. À l’ouverture de l’application, une carte de sa ville s’affiche. Il suffit de cliquer sur la rue où l’on se trouve pour indiquer si elle est dégagée ou si un obstacle est présent. Dans ce deuxième cas, il faut le prendre en photo. « Une intelligence artificielle va alors détecter automatiquement de quel type d’obstacle il s’agit. Dans 70% des cas, ce sont des obstacles temporaires », précise Lucie Carry. D’où l’importance de revenir régulièrement sur la plateforme pour mettre à jour les signalements.

Pour que la connexion à l’application devienne justement un réflexe chez les utilisateurs, l’équipe de Streetco travaille à sa gamification. Elle cherche à y intégrer des mécanismes attachés d’ordinaire à l’univers des jeux vidéo afin de la rendre la plus ludique possible. Pour le moment, chaque usager peut voir le nombre de rues et d’obstacles qu’il a signalés et, ainsi, le temps qu’il a fait gagner aux PMR. « On veut pousser encore plus cet aspect de jeu solidaire en les invitant, par exemple, à réaliser des quêtes », glisse la cheffe de projet. Autrement dit, des missions qui généreront des récompenses, fictives ou pas.

 

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Streetco démarche les entreprises et associations en leur proposant de s’engager dans des challenges pour cartographier un maximum de rues © DR

Faire émerger des communautés

Pour augmenter sa force de frappe, l’équipe démarche les entreprises et associations. Elle leur propose de s’engager dans des challenges d’une ou deux semaines. Objectif : répartis en équipe, les salariés ou membres doivent cartographier un maximum de rues. « On essaye de créer des communautés de « Streeters ». Cela nous permet d’avoir des données les plus à jour possible », expose Lucie Carry.

En naviguant sur Streetco, force est en tout cas de constater que (quasiment) aucune rue de Marseille n’est répertoriée. L’équipe n’y a pas encore conclu de partenariat avec la mairie, contrairement à une dizaine de villes de la moitié nord de la France. À l’image d’Angers, Charleville-Mézières, Brest, Tour, Laval et certains arrondissements de Paris. « On leur fournit les données sur l’accessibilité de leur ville et des recommandations d’actions à mener en priorité. En contrepartie, les municipalités communiquent sur notre dispositif et mettent ces données à disposition de la population sur leur application ou site internet », indique-t-elle.

 

 

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Les 10 salariés de l’équipe de Streetco ont pour objectif de nouer des partenariats avec les 50 plus grandes villes de France © DR

À terme, une « super » appli de mobilité multimodale

L’équipe dispose d’ailleurs de sa propre application GPS. Baptisée Streetgo, elle ne propose que des itinéraires piétons accessibles aux PMR. Les deux plateformes ne formaient qu’une depuis la création de Streetco en 2017. Décision a été prise de les séparer en mai dernier, pour mettre le paquet sur la collecte de données. « On s’est aperçu que c’est vraiment le plus gros enjeu. Car sans collecte et mise à jour des données, les itinéraires deviennent vite obsolètes », souligne Lucie Carry. L’itinérance n’est donc plus la priorité, mais n’est cependant pas complètement abandonnée. « On travaille avec l’association Armob pour créer une « super » appli de mobilité multimodale. Les itinéraires accessibles suggérés ne seraient plus uniquement piétons mais engloberaient tout type de transport », confie-t-elle. Il faudra toutefois patienter, au moins jusqu’en 2030, pour que le projet se concrétise.

En attendant, les dix salariés de Streetco ont pour objectif de nouer des partenariats avec les 50 plus grandes villes de France. Afin que leur jeu solidaire prenne pleinement place dans le quotidien des valides, pour toujours plus améliorer celui des PMR. ♦

 

Bonus

  • Les financements de Streetco – L’entreprise se rémunère grâce aux partenariats. Elle a par ailleurs gagné une trentaine de concours depuis sa création, comme le programme Impact Data de la Croix-Rouge. Une première levée de fonds est en étude pour 2024-2025.
  • Les villes françaises peu favorables aux piétons – C’est ce qu’il ressort du Baromètre 2023 des villes et villages marchables. Un constat déjà dressé dans la précédente – et première – édition. Cette enquête se base sur le ressenti des Français. Ils se disent ainsi majoritairement insatisfaits de leurs conditions de déplacement. 66%, par exemple, se plaignent des empiètements (terrasses, étalages…) et des obstacles (poubelles, poteaux, voitures garées…) sur les trottoirs et espaces destinés aux piétons. Ils déplorent aussi le manque d’intérêt porté par les municipalités sur ce sujet. Au total, au niveau national, le ressenti est jugé « moyennement favorable » avec une note de 9,2/20, quelle que soit la taille des communes. Voire pire dans les plus de 200 000 habitants avec une note moyenne de 8,3/20. Tous les résultats sont à retrouver ici.
  • Marseille toujours en bas du tableau – En 2023, la deuxième ville de France porte le bonnet d’âne avec une note de ressenti de seulement 4,3/20. C’est d’ailleurs moins que lors de la précédente édition (5,9/20). Pour autant, les autres villes de plus de 200 000 habitants n’ont pas à fanfaronner avec des notes entre 6,5 et 10,65/20. Dans les Bouches-du-Rhône, c’est la commune de Berre-l’Étang qui enregistre la meilleure note (11,1/20). Mais seulement quatre villes du département ont été évaluées, faute de participation dans les autres.