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WC durables #2 : Exit le PQ avec BOKU

Par Marie Le Marois, le 3 mars 2023

Journaliste

BOKU est un accessoire qui s'adapte aux toilettes traditionnelles

[série] La fabrication de papier toilette consomme un nombre important de ressources naturelles. Des alternatives existent, comme l’eau pulvérisée. La marque BOKU a lancé en 2022 un accessoire adapté au siège d’aisance traditionnel. Davantage écologique, économique et hygiénique. Et pratique pour les personnes à mobilité réduite.

 

70% de la population mondiale utiliserait de l’eau, et non du papier, pour se laver le fessier après le passage au cabinet. La douchette au Moyen-Orient et en Afrique, le bidet en Amérique latine et dans le sud de l’Europe, les w.c lavant en Asie. « Pourquoi pas nous ? » se demande William Montagu en 2020, lors de la pénurie de PQ déclenchée par le confinement. Ses recherches sur le web lui servent de détonateur : la fabrication de papier toilette n’est pas anodine pour l’environnement. Elle implique l’abattage d’arbres et des litres d’eau. Un seul rouleau en nécessite environ 170 litres. Sachant qu’un Français en consomme autour de 105 par an, cela signifie que 17 850 litres partent… à l’eau. Sans parler du coût à l’achat.

De fil en aiguille, le jeune homme tout juste diplômé d’une école de design et marketing réalise que le papier est tout sauf hygiénique. Le feuillet disperse en effet les saletés plus qu’il ne les nettoie.

« Les Français pensent être les plus propres en utilisant du papier toilette, mais ils sont à côté de la plaque », résume le créateur de BOKU.

 

Toilettes japonaises simplifiées

William Montagu, fondateur de Boku
William Montagu, fondateur de BOKU @BOKU

Face à ces aberrations, ce Parisien qui veut sortir du produit à usage unique questionne ses grands-parents. Ils lui racontent qu’autrefois, en France, on se lavait tout simplement au bidet (bonus). Réintroduire ce meuble dans les salles de bain étant compliqué, William Montagu se tourne vers les ‘’toilettes japonaises’’. À la croisée du bidet et du w.c traditionnel, cet appareil sanitaire né en Suisse (bonus) et très répandu en Asie commence à faire des émules en France. Certains ont une lunette chauffante, d’autres massante, une fonction séchante, un éclairage de la cuvette, de l’eau tiède… Le dénominateur commun est la fonction lavante. Mais aussi son coût : autour de 1500 euros. 

L’ingénieux décide alors d’en créer une version simplifiée et accessible. Et se tourne vers les Asiatiques « qui ont développé un savoir-faire et des technologies que nous n’avons pas encore en France ». Il s’adresse à un bureau d’étude chinois intégré à une usine certifiée du label éthique SMETA. Il obtient un accessoire à 127 euros, doté de deux buses ciblées, qui s’installe en un tour de main sur la plupart des toilettes. Son mantra ? ‘’Transformez en moins de 10 minutes ses w.c en toilettes japonaises pour 10 fois moins cher’’.

 

Succès auprès des personnes à mobilité réduite

Exit le PQ avec Boku 2Ce touche-à-tout teste son bidet BOKU en lançant une campagne Ullule en début 2022. Le projet buzze et devient n°1 dans la catégorie ‘’santé & bien-être’’. 4000 kits sont précommandés. L’entrepreneur de 24 ans ne s’y attendait pas, mais parmi ses clients, il compte des EHPAD, des hôpitaux et des particuliers en situation de handicap qui ne peuvent pas s’essuyer seuls le postérieur. « Ce produit leur permet de retrouver une autonomie », se félicite William Montagu. 

Charles est l’un des premiers à avoir précommandé le produit. Il a même imploré la livraison immédiate, avant la fin de la campagne Ullule, pour sa mère malade. Une opération du cancer du sein ajoutée à un surpoids entravait la mobilité de ses gestes. BOKU lui a permis de retrouver une totale indépendance pour ses besoins les plus élémentaires.

Se laver à l’eau recèle en outre des vertus hygiéniques : elle nettoie les parties intimes après le passage aux w.c, facilite la toilette pendant les menstrues. Et évite d’aggraver certains maux, contrairement au papier toilette. 

 

BOKU nomade

Boku mini
BOKU mini @BOKU

Le seul problème avec le bidet BOKU, outre la bonne distance séparant les trous de fixation de la lunette, est la nécessité d’une arrivée d’eau proche. « C’est le cas pour 85% des w.c en France », affirme William Montagu. Mais pas pour les toilettes suspendues ou encastrées dans le mur. « Auquel cas il est toujours possible de le relier au lavabo ». Encore faut-il qu’il y en ait un et à moins de 180 cm. Un questionnaire en ligne est posé avant tout achat. Et il est possible de l’essayer 15 jours avant de l’acheter.

Pour ceux qui ne peuvent pas l’installer et surtout, se passer du jet d’eau – au boulot ou en voyage -, le malin vient de sortir le BOKU mini. Entièrement portable, il fonctionne sans électricité, ni piles. Il suffit de le remplir d’eau, de pomper et d’asperger ses parties intimes.

 

BOKU ou douchette ?

3 modes
@BOKU

Et pourquoi ne pas installer tout simplement une douchette classique ? « En plus d’être moderne et discret dans son design, BOKU est ergonomique », vante William Montagu. Il explique que l’utilisateur n’a plus besoin de manipuler « un pommeau tout entier qui passe (littéralement) de mains en mains (ce qui est très peu hygiénique) ». BOKU possède un bouton à molette qui réunit trois fonctions : lavage avant, lavage arrière (avec contrôle de la pression) et autolavage des buses. Elles sont dissimulées par un cache, ce qui leur évite d’être exposées aux diverses projections. « Elles ne se déploient qu’au moment de leur activation ». 

Alors oui, quand on lui pose la question de l’eau, le bidet BOKU en consomme. « Mais très peu, entre 0,3 et 0,6 litre ». Quant au papier toilette, il en faut bien pour se sécher, mais là encore « très peu puisque c’est juste pour se tamponner ». Il parle d’une réduction de 80% de PQ et se présente comme un solution complémentaire, et non concurrente, du papier recyclé type Popee. Mais il a mieux : des serviettes en bambou ultra douces pour se sécher. 

 

Plus de 20 000 utilisateurs

Poire
BOKU s’emploie à montrer des analogies pour expliquer son concept avec légèreté @Boku.

Visiblement les BOKU, vendus pour l’instant en ligne, comptent déjà quelque 20 000 aficionados. Il faut dire que le jeune homme a peaufiné le marketing. Et construit l’image de la marque en la saupoudrant d’humour et de termes imagés « pour dédramatiser les usages ». En effet, bien que tous les humains sur terre aillent aux toilettes, le sujet reste honteux. En parler peut vite basculer dans l’inconvenance. 

Celui qui vise une distribution chez Boulanger et Darty en 2023 parle de « demi-lune », « d’abricot », de « prunelle », « de fessier propre et heureux ». Utilise la poire et la pêche comme modèle. Et diffuse des vidéos décalées sur les réseaux sociaux pour les internautes qui veulent un « Bo Ku ». 

L’argument choc reste l’impact écologique. En 2022, les utilisateurs ont permis d’économiser « 316 00 000 litres d’eau dans la chaîne de production de papier toilette en réduisant en moyenne 80% de leur consommation ». Sans compter les milliers d’arbres qui échapperont à la tronçonneuse.♦

 

YouTube player

Bonus

Et aussi… La douchette reliée à une arrivée d’eau, le pommeau de douche de la salle de bain, le papier toilette lavable et les ‘’’plantes papier hygiénique’’ .

 

  • Les toilettes Japonaises sont d’origine suisse. Le premier modèle des toilettes lavantes a été inventé en 1957 par un Suisse, Hans Maurer. Il n’a pas rencontré le succès escompté et la société a fait faillite en 2007. En 1977, son brevet expirant, les Japonais se sont engouffrés sur le marché et lancé des modèles à destination du grand public dès les années 1980. En 2018, le w.c lavant atteignait 80% des ménages japonais. Ce système s’étend désormais sur tous les continents (détails ici)

 

  • Pourquoi la suprématie du papier toilette en France ? Se laver le postérieur à l’eau reste une pratique minoritaire en France. Pourtant, tous les indicateurs montrent qu’elle est plus hygiénique et économique. Une des raisons est notre héritage culturel, selon le spécialiste du Japon Jean-François Sabouret, sur Slate. « En Italie et en France, la noblesse se mettait du parfum sur le corps, quelque chose qui cache la misère olfactive. Louis XIV était frotté avec un linge, même s’il était le seul à posséder une salle de bains et des toilettes personnelles.

Les 3 000 courtisans à Versailles ne disposaient que de deux toilettes dans ce qui est décrit pourtant comme le sommet du raffinement et de la beauté culturelle occidentale. On faisait sous un escalier ou dans un seau derrière un paravent. Alors qu’au Japon, il y avait la tradition du “sentō”, des bains publics qui remontent à l’époque de Nara, au VIIIe siècle. La noblesse se lavait, mais les pauvres aussi une fois par semaine ».

 

(Re)lire Une jeune pousse marseillaise future leader de l’hygiène hospitalière ?

 

  • Bidet
    La Toilette intime ou la Rose effeuillée, peinture de Louis-Léopold Boilly (1761–1845), année et lieu inconnus. Wikimedia Commons

    Disparition du bidet. Le verbe « bider » signifiant « trotter ». L’idée repose sur une analogie. On « monte » un bidet, appareil sanitaire dont la cuvette sert aux ablutions intimes. De la même façon qu’on « monte » un poney. Le bidet a été inventé en France au début du XVIIIe siècle. La célèbre favorite de Louis XV, Madame de Pompadour, en possédait un. Mais à l’époque, l’utilisation du bidet était mal vue car on pensait que l’eau était à l’origine d’épidémie telle que la peste. Au départ, c’était un meuble en bois nomade installé dans les chambres. Il a ensuite migré dans les salles de bains aux alentours de 1900 lorsque celles-ci se sont répandues dans les foyers (plus de détails ici). 

Si, dans le sud de l’Europe, son installation est systématique, il disparaît presque complètement en France dans les années 1970. Par souci d’économie et de place (de 95% de salles de bains équipées, ce pourcentage est tombé en 1993 à 42%). Toutefois, on constate son retour dans les hôtel de luxe pour satisfaire la clientèle du Moyen-Orient et chez les particuliers soucieux de l’environnement.  Dix millions d’arbres seraient abattus chaque année pour satisfaire la demande mondiale de papier hygiénique.

 

  • Un risque de dispersion des bactéries ? Les détracteurs des w.c lavants affirment que les gouttelettes d’eau, projetées par les buses, favorisent la dispersion dans l’air des bactéries contenues dans l’urine et la matière fécale (ce qui est le cas quand on tire la chasse d’eau, selon une récente étude). Selon William Montagu, les soi-disant potentiels risques sanitaires causés par l’utilisation de ce genre de système ne sont que spéculations. Et ne s’appuient sur aucune étude ni rapport clinique. En outre, cet avis est minime alors que le lavage à l’eau des parties intimes est plébiscité par de nombreux spécialistes. 

En revanche, poursuit l’entrepreneur, comme tout matériel sanitaire, le bidet BOKU doit être entretenu tous les mois (rythme auquel on devrait tous nettoyer nos w.c). Et à ce titre, le design se veut simple avec un minimum de rebords et de recoins pour un nettoyage facile sans complications.