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Le travail avant 18 ans, c’est possible et précieux pour les entreprises

Par Marie Le Marois, le 14 septembre 2023

Journaliste

Des centaines de mineurs ont pu travailler cet été grâce à Youngs Job, une plateforme qui propose aussi des alternances. @Marcelle

Contrairement aux idées reçues, il est possible de travailler dès 16 ans. Encore faut-il tomber sur un employeur informé et des offres adaptées. Pour y remédier, Maxence Lamhaut a créé en avril 2023 Youngs Job, premier site d’emploi pour les 16-18 ans dans toute la France. Grâce à ce Parisien même pas majeur, des centaines de jeunes ont pu travailler cet été et des employeurs pallier au personnel manquant. Depuis septembre, le site met également en ligne des alternances. 

 

Tout est parti d’une recherche de job d’été au printemps 2022. Maxence veut gagner des sous pour pouvoir partir avec ses « potes » en vacances. Il prospecte les boutiques, répond aux annonces affichées sur les vitrines, mais essuie à chaque fois un refus lorsqu’il donne son âge : 16 ans. Pourtant, le Parisien a la tête bien faite et n’appréhende ni horaires à rallonge ni pénibilité. Lorsqu’il découvre le soir même aux infos qu’il manque 200 000 saisonniers pour l’été, le lycéen ne comprend pas. « C’était un truc de fou, on voulait travailler avec mes potes et on ne trouvait rien », se souvient le jeune homme installé à la terrasse d’un café place Trocadéro, à Paris, en jean, tee-shirt blanc et baskets. 

 

Des emplois légaux

Maxence Lamhaut
Maxence Lamhaut est le créateur de Youngs Job, une plateforme web utile aux mineurs et aussi aux entreprises

Maxence se renseigne sur l’emploi des mineurs sur Internet, déchiffre les textes de loi grâce à ses bases en droit et entérine la légalité. « Il faut juste respecter les horaires (bonus) », précise celui qui effectue un bac STMG (Sciences et technologies du management et de la gestion). Avant d’ajouter : « Macron en arrivant au pouvoir a facilité l’emploi des jeunes en exigeant seulement une autorisation parentale », raconte-t-il, le verbe fluide avec une pointe de retenue.

Pragmatique, ce garçon d’une fratrie de trois s’attelle alors à une solution pour remédier au problème de l’emploi des mineurs. Ce sera une plateforme internet avec une mise en relation entre jeunes et employeurs. 

 

Un site web simple

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Youngs Job ne propose pas que des jobs dans la restauration. @vann_sau

Il n’a cependant aucune formation pour créer un site Internet qu’il souhaite simple et efficace. Loin de se démonter et soutenu par ses parents – père médecin, mère infirmière – il passe « trois bons mois sur YouTube à apprendre le codage sur des tutos ». Parallèlement, il démarche des employeurs pour leur expliquer que, oui, embaucher des mineurs est légal. Enfin, il sollicite les médias par un envoi massif de mails.

Sa persévérance paye. Il lance en avril 2023 son application Youngs Job. « Elle décolle tout de suite », prouvant qu’il y avait « vraiment un besoin ». Des interviews sur Le Parisien, TF1, France 2… ont également contribué à son succès. « Le fait de médiatiser a donné de la crédibilité au projet ». Sa première surprise est de constater que, contrairement à ce qu’il pensait, les offres ne se limitent pas à l’hôtellerie/restauration. « Il y a de tout » : ‘’Aide au portage de bagages’’, ‘’poseur d’isolation’’, ‘’aide chambre d’hôte’’… « En général, ce sont des jobs non qualifiés », résume Maxence qui répertorie les annonces par catégorie et régions.

 

Des employeurs soulagés

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C’est de cette chambre, dans le 15e à Paris, qu’est né le projet Youngs Job.

Les premiers mois, celui qui se définit comme « le premier maillon » de l’emploi des jeunes effectue toutes les tâches manuellement, notamment l’envoi de l’autorisation parentale au mineur par mail – « j’avais au moins quatre échanges avec le postulant ! » Des tâches énergivores qui ne l’ont pas empêché d’avoir son bac de français haut la main – « ça va, j’ai géré, 15 et 16 ». Mais qui ont quand même empiété sur ses vacances d’été. Jusqu’à six heures par jour, « surtout le vendredi : les employeurs paniquaient car ils n’avaient personne pour le lendemain ».

Le retour positif des uns et des autres lui a insufflé l’énergie nécessaire pour poursuivre. Sa solution est devenue indispensable à la plupart des employeurs. C’est cet hôtelier qui, s’il n’avait pas trouvé de salariés cet été, aurait fermé. Ou ce boulanger qui cherchait absolument quelqu’un entre 10 heures et 14 heures pour se reposer.

 

  • (Re)lire HighCo aide les jeunes entrepreneurs à se lancer

 

et des mineurs comblés

Yougs Job mineur
Alya travaille le week-end dans l’événementiel, notamment pour des mariages.

Même retour positif des postulants pour qui, souvent, c’est la première expérience professionnelle. Non seulement ils se confrontent à l’emploi, mais de surcroît enrichissent leur C.V. « à une époque où Parcoursup régit la vie des 16-18 ans ». Sans compter le salaire. Il respecte le taux horaire, souvent plus. « Les employeurs cherchent tellement qu’ils adaptent les horaires et la rémunération ». La plus importante que Maxence ait vu ? Aide estivale en pharmacie rémunérée 1700 euros le mois. 

Alya est ravie de son job. La jeune fille de 17 ans, qui a connu Yougs Job « aux infos », travaille depuis juin pour des particuliers qui organisent des événements dans leur château, « mariages, baptêmes, anniversaires… ». Polyvalente, elle accueille prestataires et invités, vérifie le matériel, et « plein d’autres tâches ». Cette habitante d’Épinay-sur-Seine a travaillé la semaine tout l’été, « mais depuis que j’ai repris le lycée, j’y vais le week-end et les après-midi où je n’ai pas cours. C’est à vingt minutes de chez moi, ça va ». C’est sa première expérience « et franchement, elle se déroule bien car à mon âge, on travaille plutôt dans la restauration rapide. Là c’est calme et intéressant. Je ne connaissais pas l’événementiel et ça m’a donné envie de poursuivre dans ce domaine après le bac ». Son contrat, qui se termine en octobre, lui a permis de partir en vacances fin août et d’ouvrir un livret A à la banque.

 

Plus de 200 jeunes connectés par jour

Youngs Job Hyper U de Guichen
L’Hyper U de Guichen (Ille-et-Vilaine) cherche dix postes

Yougs Job héberge actuellement plus de 150 annonces – 5-6 annonces par jour et autant de matching, « il y a donc beaucoup de turn-over », se réjouit Maxence d’un léger sourire. Impossible pour lui de savoir combien de jeunes se sont connectés en tout. Mais depuis qu’il a installé le service d’analyse d’audience Google Analytics, en septembre, il a constaté plus de 200 connexions de jeunes par jour. Des chiffres qui ne sont pas près de diminuer avec les offres à l’année. C’est par exemple le week-end installer les barres dans un centre équestre ou être valet/femme de chambre dans un hôtel. 

L’hyper U de Guichen (Ille-et-Vilaine) cherche par exemple  du personnel  étudiants pour différentes tâches (caisse, mise en rayon, préparation de commandes…).  Une dizaine de poste sont à pourvoir . L’annonce indique le week-end en période scolaire et en semaine et le week-end pendant les vacances. Le cabinet  Ambitio Emploi, en charge des recrutements du magasin  a expérimenté l’emploi des mineurs en 2022. Bilan ? « Une bonne expérience. Il faut néanmoins adapter les contrats pour respecter le cadre légal. « Ils n’ont pas le droit de commencer avant six heures et travailler plus de 8h par jour », précise la chargée de recrutement. « mais dans les faits, on se rend compte que des journées entre 5 et 6 heures maximum sont suffisantes, entre les cours et les activités ». Pour l’instant, les candidatures se font attendre. Rien d’étonnant pour cette professionnelle, « la plateforme est nationale et nous sommes en zone rurale ».

 

♦ Des besoins ? « Informer les entreprises de la solution Youngs Job ! »

 

Développer les DOM-TOM

Yours Job Valérie Pécresse
Maxence a rencontré en juin 2023 Valérie Pécresse pour nouer un partenariat avec la région Île-de-France.

Léo non plus n’a pas encore trouvé son bonheur sur le site. À Marseille, sa ville, il y avait éventuellement la mission ‘’Distribution de flyer devant des centres d’examens pour recruter des étudiants dans le domaine de la comptabilité’’, « mais elle est périmée, c’était en mai », confie le lycéen dépité. Maxence concède qu’il reste des mises à jour à effectuer. C’est à l’employeur de supprimer son annonce et si, au bout de deux relances, il ne le fait toujours pas, Yougs Job s’en charge. « Dans la nouvelle version, la relance aux employeurs du site sera automatique ».

L’argent généré par le site grâce aux annonces payantes – environ 300 euros par mois – ne permet pas à Maxence de gagner sa vie, mais assez pour entretenir le site. Et de faire des projets, tels que couvrir les DOM-TOM et développer les partenariats avec les régions. Action déjà entreprise avec Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, qu’il a rencontrée le 6 juin 2023. L’échange fut fructueux : la région s’engage à parler du site aux entreprises et de l’inscrire sur Oriane, son outil pour l’emploi. Yougs Job, lui, a rajouté en septembre un onglet ‘’alternance’’ pour les jeunes en bac professionnel

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 »Aider le plus possible les jeunes »

Maxence passe aujourd’hui moins de temps sur Yougs Job car les tâches sont désormais automatisées et il a une belle équipe derrière lui, dont un codeur et son père. Heureusement, car il passe son bac. L’été prochain, il reprendra un job pour partir à nouveau en vacances avec ses amis. De préférence un boulot avec eux. Une option tout à fait possible car certains employeurs recrutent pour plusieurs postes.

Le 17 septembre, Maxence fêtera ses 18 ans. La majorité ne changera rien, si ce n’est qu’on le prendra « peut-être un peu plus au sérieux » et qu’il deviendra responsable légal de son entreprise. Des objectifs ? Aucun. « Juste aider le plus possible les jeunes et qu’il n’y ait plus d’alternants sur le carreau ». ♦

 

À quoi peut ressembler une start-up sociale ? 5

*RushOnGame, parrain de la rubrique « Économie », vous offre la lecture de l’article dans son intégralité *

 

Bonus

[pour les abonnés] – le Droit du travail pour les mineurs – Youngs Job en pratique –

  • Droit du travail pour les mineur. Il est possible de travailler dès l’âge de 16 ans quel que soit le type de contrat (CDI, CDD, contrat temporaire). Sauf pour effectuer certains travaux interdits ou réglementés, notamment lorsqu’ils sont dangereux pour la santé (par exemple, les vibrations mécaniques) ou la sécurité du salarié (par exemple, le travail en hauteur). Tout mineur doit y être autorisé par son représentant légal, sauf s’il est émancipé. Toutefois, dans certains secteurs, il est possible de commencer à travailler avant 16 ans. 

La durée journalière du travail effectif ne peut excéder huit heures et la durée hebdomadaire, 35 heures. Aucune période de travail effectif ininterrompu ne peut dépasser quatre heures et demie. Au-delà, un temps de pause de 30 minutes consécutives est obligatoirement aménagé. Le repos quotidien est de douze heures consécutives et le repos hebdomadaire, deux jours consécutifs. Est totalement interdit le travail de nuit des jeunes travailleurs (y compris les apprentis) entre 22 h et 6 h. Pour toutes ces règles, il existe cependant des dérogations.

 

 

  • Youngs Job en pratique. Le postulant n’a pas besoin de déposer un CV, document que la plupart des jeunes n’ont pas encore/ne savent pas faire. « Ils ont juste à remplir un QCM qui les stresse moins et qui cartonne chez les employeurs car il répond aux questions qu’ils se posent. Il est en plus simple et rapide : les entreprises ne passent pas des heures à le déchiffrer comme pour un CV ». Il ne reste plus au jeune qu’à télécharger sa carte d’identité et faire signer à ses parents une autorisation parentale. L’employeur, quant à lui, doit juste rentrer son annonce en répondant à des critères bien précis : contenu du poste, date, lieu… Maxence retravaille souvent les annonces. Inscrire par exemple le salaire brut en chiffre, à la place de ‘’Smic’’, « car pour un jeune ça ne veut rien dire ».

Le jeune ne paye pas sa recherche – « à la différence de boîtes qui prennent un pourcentage sur le salaire ». L’entreprise, elle, a le choix de mettre en ligne gratuitement son annonce ou de payer 15 euros, ce que font 90% d’entre elles. Cette option « leur offre plus de remontées sur le site ». Les offres ne se limitent pas à 18 ans – « on va jusqu’à 27 ans, c’est la limite. On considère qu’à partir de cet âge, notre site a moins d’impact par rapport à d’autres structures ».