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Temps de Trajet Responsable ou comment repenser travail et déplacement

Par Zoé Charef, le 3 juillet 2023

Journaliste

Connaissez-vous le TTR ? Le Temps de Trajet Responsable correspond à des journées de congé supplémentaires qui donnent l’occasion aux salariés de voyager de manière responsable. Entre bien-être au travail, flexibilité et engagement environnemental, cette initiative a été imaginée par les fondateurs d’Ubiq. Rencontre avec Margaux Beaunez, chargée de marketing et de communication de cette entreprise spécialisée dans les espaces de travail. 

 

Racontez-nous comment l’équipe d’Ubiq a eu l’idée du Temps de Trajet Responsable…

Margaux Beaunez : Ubiq est une plateforme d’accompagnement des entreprises dans leur recherche de bureaux. En fonction de leur ADN, de leurs conditions de travail, de leur croissance, on leur trouve un bureau qui leur correspond. Notre philosophie est d’éclairer, de questionner, de repenser le marché du travail, avec un grand T. On cherche à expérimenter le monde du travail de demain ! Comment bien et mieux le faire dans le futur, donc en tenant compte du bien-être des salariés et des collaborateurs. Quelles améliorations et avantages les entreprises pourraient leur apporter pour qu’ils évoluent mieux selon leurs besoins. 

TTR (Temps de Trajet Responsable) : comment repenser travail et déplacement ?
Margaux Beaunez, chargée de marketing et de communication chez Ubiq. ©Ubiq

On œuvre sur ces aspects pour les entreprises pour lesquelles on travaille, mais on réfléchit également à ce qu’on peut proposer, tester, expérimenter dans notre propre entreprise. En décembre 2022, autour d’un café avec Mehdi Dziri [le directeur général d’Ubiq], on a abordé l’impact environnemental de notre entreprise. On a réfléchi à ce que l’on pouvait faire à notre échelle pour réduire l’impact sur la planète, pour aller un peu plus loin que ce qu’on faisait déjà. On s’est dit : pourquoi ne pas offrir un ou deux jours de congé à nos collaborateurs pour leur éviter de prendre l’avion ? L’idée, dans notre entreprise, était donc de dire “si tu as un plan B plus respectueux pour ton voyage, on t’offre ce jour-là.

♦ Relire : Jean Viard : « Il faut construire une éducation au voyage »

 

Techniquement, comment rendre cela possible ? 

Au niveau administratif, ce n’est pas compliqué : c’est un avantage collaborateur comme un autre. On en a parlé avec notre responsable RH qui l’a ajouté aux jours de congé. L’entreprise offre donc deux jours de Temps de Trajet Responsable (TTR) par an, à six mois d’intervalle. Pourquoi deux jours ? Parce que c’est équitable… Ça revient à deux RTT en plus dans l’année. Un coût de l’ordre de 600 euros par personne, sachant que nous comptons 28 collaborateurs : cela semblait jouable pour Ubiq.

Cette initiative colle bien avec notre ADN hybride : un jour où le collaborateur peut allier temps de repos, de travail et de trajet vers sa destination. 

Quand tu es en TTR, tu ne garantis pas d’être disponible. Tu n’as pas à être présent aux réunions ou à être réactif. Mais si tu veux et peux être disponible, tu travailles. C’est ton choix. C’est un peu un jour de télétravail durant lequel on ne culpabilise pas. 

 

Chloé, plus obligée de « sacrifier » des jours pour le transport. La jeune femme a profité du TTR pour rendre visite à sa famille et relier Paris à Rodez en train. Un trajet de six heures de train pour lequel elle était auparavant « obligée de sacrifier des jours de week-end ou de poser des demi-journées pour le transport, explique-t-elle. Là, j’ai utilisé une journée de TTR scindée en deux demi-journées : départ de Paris Austerlitz à 14h20 le vendredi, arrivée à Rodez à 22h. Pareil pour le retour le lundi. J’ai travaillé sur une partie du trajet, tant que le WiFi le permettait ! Le réseau était plutôt bon entre Paris et Brives. » Et elle entend bien profiter de son second TTR de l’année pour voyager en Europe.

 

Comment cette initiative a-t-elle été reçue par vos collaborateurs ?

Elle a été hyper bien reçue ! Pour un collaborateur, c’est chouette d’avoir plus de temps pour aller où il veut, en respectant l’environnement, sans que ça n’empiète sur son week-end. Aussi, en termes de valeurs et de sentiment d’appartenance à l’entreprise, c’est important.  

Nous avons mis ce système en place dans notre entreprise parce que c’est comme ça que ça fonctionne pour nous. Ça ne rentre pas dans une case fixe de jour travaillé ou jour de repos. On est aussi très flexibles sur le télétravail, qui n’est pas imposé, mais peut être choisi. En fait, tout nous va tant que l’équipe est au courant. On travaille avec un logiciel et on décide d’où on veut bosser. On réussit à lier enjeux environnementaux, bien-être en entreprise et liberté de lieu. (voir témoignages en fin d’article) 

TTR (Temps de Trajet Responsable) : comment repenser travail et déplacement ? 4
Le TTR pour repenser le travail et le déplacement… ©Ubiq
L’initiative s’est-elle élargie à d’autres entreprises ?

Le concept a été développé pour notre entreprise mais on remarque bien qu’on a inspiré d’autres entreprises. 

La plateforme d’engagement citoyen des entreprises Vendredi ( Plateforme d’Engagement Citoyen des Entreprises | Vendredi ) est par exemple intéressée. Elle aide les entreprises à faire en sorte que leurs collaborateurs s’engagent associativement sur leur temps de travail. C’est typiquement le genre de boîte très à même de comprendre notre initiative. On a donc discuté avec elle pour expliquer comment la mettre en place techniquement. Décider si les collaborateurs travaillent ou non ce jour-là, comment l’organiser… On partage notre retour d’expérience, mais tout dépend par ailleurs de mille choses : le travail en lui-même, le nombre de salariés… Chaque entreprise est unique et aura un fonctionnement différent.

 

Lire aussi : Mobilité partagée pour les petits trajets ? Chiche !

 

Proposez-vous le TTR aux entreprises avec lesquelles Ubiq travaille ?

Non, cela relève de la culture d’entreprise et c’est un volet interne. Mais quand on accompagne une entreprise, on peut par exemple la mettre en relation avec des partenaires en fonction des problématiques de gestion des bureaux, de la mobilité (par exemple des vélos partagés), etc. Demain, on pourrait envisager de leur demander si elles ont pensé au TTR…

 

Paul, un aller-retour décarboné à Milan. C’est vers l’Italie que Paul s’est rendu grâce au Temps de Trajet Responsable. « Malgré des missions commerciales qui pourraient sembler incompatibles avec un voyage en train, j’ai presque pu assurer une journée de travail « normale », développe le commercial d’Ubiq. J’avais quand même prévu le coup et écarté les missions les plus bruyantes. L’objection « ça prend plus de temps et le trajet est trop long pour un simple week-end » ne tient plus.»
Il note que les paysages qui défilent l’ont « aidé à rester concentré pendant presque tout le trajet. Désormais, je suis profondément convaincu que le trajet fait partie intégrante du voyage. » Paul reconnaît que cette initiative renforce son implication et son sentiment d’appartenance à Ubiq. « Ce genre de mesures innovantes permet de se sentir fier des valeurs portées par son entreprise. Il faut les généraliser ! »

 

Quelle est la suite ?

Les députés Europe Écologie les Verts ont mentionné notre initiative dans un de leurs rapports. C’est bien parce que cela signifie que notre initiative peut parler à d’autres entreprises. Cela montre qu’on est inspirants, qu’on peut faire avancer les choses à notre échelle. On se dit que si toutes les entreprises de la planète agissent de la sorte, cela pourrait avoir un réel impact. Un peu utopiste, mais ce sont des démarches qui vont dans le bon sens. Pour que demain, ce soit à plus grande échelle !

 

Bonus
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Quelque part entre Paris et Rodez, en TTR… ©Ubiq
  • La campagne Climate Perks. Créée en 2019 au Royaume-Uni, elle encourage les entreprises à donner au moins deux jours de congé supplémentaires annuels pour les voyages personnels effectués avec des moyens de transport responsables. À ce jour, ce sont presque 80 entreprises anglaises qui se sont engagées.
    En France, Ubiq est la première entreprise à promouvoir un tel dispositif.