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Une championne de javelot au côté des petits rats marseillais

Par Nathania Cahen, le 12 octobre 2021

Journaliste

@ENDM

Tout le monde n’a pas l’art et la manière de parler aux jeunes. L’envie d’accompagner et de transmettre. De ménager une place de choix pour les filles. La championne de javelot Twiggy Lejeune, si. Professeur agrégée à la fac de Toulon, elle est aussi depuis le printemps la présidente (bénévole) de l’École nationale de danse de Marseille.

 

@Pascal Delcey

Comment une prof agrégée d’EPS à l’UFR STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) de Toulon se retrouve à veiller sur la scolarité et le bien-être de petits rats ? « Depuis toujours, je me sers beaucoup de la danse dans mon travail, c’est un outil précieux. Il y a aussi ma passion pour la pédagogie et pour la construction de coopérations… J’ai été identifiée comme compatible avec le poste. On a donné mon nom, j’ai accepté », résume Twiggy Lejeune.

 

Aider les jeunes danseurs à s’épanouir

Twiggy Lejeune

Son rôle ? Soutenir et accompagner la dynamique de cette école dirigée par le danseur Omar Taiebi. Rencontrer les tutelles. Renforcer les liens avec le ballet. Éplucher toutes sortes de dossiers administratifs ou financiers. De son regard vert, elle suit avec bienveillance une classe de petits qui sort de répétition. Chignons serrés, dents de lait en déroute, et rires qui fusent. Quelques petits gars aussi. « Cela me plaît d’être au service des élèves. Accompagner leur projet. Faire en sorte qu’ils s’épanouissent dans leur passion, qu’ils puissent prétendre au plus haut, souligne-t-elle. C’est l’école de Roland Petit quand même ! »

L’École nationale supérieure de danse de Marseille (ENSDM), a en effet été créée par Roland Petit en 1992, fêtera bientôt ses 30 ans. Elle accueille une centaine d’élèves de 6 à 22 ans. « Ici il y a un double cursus classique et contemporain. Un excellent vivier, une bonne réputation donc un excellent recrutement auprès de grandes compagnies », assure sa nouvelle présidente.

 

Enseigner la mixité

La nouvelle présidente se félicite de la place grandissante occupée par les garçons dans les cours. « Ils y ont toute leur place ! Dans les cours, j’enjoins toujours mes étudiants futurs entraîneurs à privilégier une pratique mixte de leur discipline ».

Elle en connaît un rayon sur la mixité, Twiggy Lejeune. Pratiquer le javelot n’a pas toujours été une sinécure. « Sans doute comme pour les garçons qui pratiquent la danse, les gens sont toujours surpris quand je dis que je fais du javelot. Ils s’attendent à une personne moins féminine. Mais le javelot c’est force ou vitesse. Pour moi c’est la deuxième option ! », s’amuse-t-elle. Glissons au passage qu’elle a récemment raflé une 3e place aux championnats du monde (catégorie master), une 5e au championnat d’Europe et la plus haute marche du podium en France (toutes catégories). Elle avoue encore qu’elle a toujours adoré jouer au foot. Des appétits teintés d’hésitations – « Est-ce que j’y ai ma place ? » – somme toute vite balayées.

 

 

Allumer l’étincelle

@ENDM

Si l’aventure de l’école de danse l’a tentée, c’est parce que l’enseignement n’est pas un vain mot pour Twiggy Lejeune-Vazquez. Qu’elle en porte avec conviction les valeurs. Pendant 22 ans, cette fille du nord a en effet été prof d’EPS dans un lycée de Lorraine, en classe de première d’adaptation (passerelle entre un BEP et un bac technologique). Dans ses cours, elle a très tôt glissé de la danse (ou des arts du cirque, ou du langage des signes). Les grimaces de dépit des élèves n’ont jamais fait long feu. « C’est intéressant pour ceux qui sortent du cadre car ils trouvent là l’occasion d’être mis en valeur. Surtout, les résultats sont toujours incroyables ». Depuis 2017, notre lanceuse de javelot forme désormais de futurs entraîneurs et profs d’EPS. « Enseigner, transmettre, donner envie, allumer l’étincelle : j’adore ! ».

 

Valoriser le vivre ensemble

Elle appartient d’ailleurs au groupe ressource Coopér@ction, dont la conviction est que la fraternité et l’entraide sont des priorités éducatives qui conduisent à placer la coopération au centre des apprentissages. « Avec des collègues de la France entière, nous réfléchissons aux moyens de favoriser les apprentissages. De consolider des valeurs comme le vivre ensemble. D’outiller les enseignants », expose-t-elle.

La pédagogie est un domaine de savoir important, qui s’appuie sur le vivre ensemble. « En danse justement, on n’est jamais seul. Quand j’assiste à un cours, j’observe les regards échangés, la tendresse, l’empathie. Une affection énorme parfois », avoue Twiggy. Cette grande sensible ne cache pas sa fascination pour les danseurs et l’émotion qu’elle ressent lors des spectacles : « Je ressors toujours en pleurs, je fonds quand les applaudissements retentissent ».

Une fois par semaine, la directrice de l’ENDM fait ainsi le trajet depuis le Var (en voiture). Et se félicite à chaque fois d’avoir relevé ce nouveau défi. « Je n’ai aucune expérience administrative mais je me régale. Je me ressource, je repars toujours avec la banane ». ♦

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L’ENDM partage les mêmes locaux que le Ballet National de Marseille : une kasbah signée de l’architecte Roland Simounet @Marcelle