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Une école de design au service de l’Agence de la transition écologique

Par Philippe Lesaffre, le 7 septembre 2023

Journaliste

L'idée de l'Ademe : impliquer certains élèves afin qu'ils trouvent des idées inspirantes visant à améliorer la désirabilité des énergies renouvelables. En particulier l'éolien et le photovoltaïque. © Nicholas Doherty Unsplash

Comment rendre plus désirables les énergies renouvelables en France ? L’an dernier, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a fait appel à des étudiants de l’école de Condé Nice pour l’aider à mieux sensibiliser le grand public aux sujets liés à l’énergie du vent, en particulier. Loin du « langage d’ingénieurs » classique.

 

L’école de Condé Nice, spécialisée dans le design, les arts graphiques, la photographie et les métiers d’art, a lancé l’an dernier un partenariat tant inédit qu’instructif avec l’Ademe (ex Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). L’idée a été d’impliquer certains élèves afin que ces derniers trouvent des idées inspirantes visant à améliorer la désirabilité des énergies renouvelables. En particulier l’éolien et le photovoltaïque, qui ont le vent en poupe ces derniers temps.

En effet, les panneaux solaires et les éoliennes terrestres se multiplient sur le territoire français depuis plusieurs années. Résultat : fin 2022, on l’a déjà vu ici, les installations de ce type étaient à l’origine de 12% de la production d’électricité en France, contre 5% en 2015, selon les chiffres du think tank Ember. Or, indique la directrice de l’école de Condé Nice, Amandine Brincat-Zuretti, « force est de constater qu’il y a une opposition aux énergies renouvelables et qu’il faut pouvoir rassurer et sensibiliser le public ».

Apporter de l’information claire semble capital, d’autant qu’il s’agit d’un sujet complexe à appréhender. Et qu’« il est parfois difficile, notamment, de comprendre comment et où a été produite l’électricité que chacun.e consomme au quotidien », note Amandine Volard, ingénieure éolien & énergies marines à l’Ademe, partenaire du projet.

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L’école de design de Condé Nice ©DR

 

« Apporter du regard neuf »

Qui est au final arrivé à pic. Il s’est déroulé en deux temps. Durant une première phase, les élèves du Mastère Design en recherche, innovation & développement ainsi que ceux du Mastère Direction artistique en design graphique, répartis en plusieurs groupes, ont imaginé, entre novembre 2022 et mars 2023, des idées d’actions et de projets de communication adaptés en fonction du degré de connaissance et d’opposition aux énergies renouvelables des uns et des autres. Et à laquelle l’Adème, en principe, « ne sait pas toujours répondre avec ses messages d’ingénieurs classiques », comme l’analyse Amandine Volard. Ravie, donc, que les étudiants et les designers en herbe, avec qui elle a pu échanger au cours de cette année scolaire, aient pu « apporter un regard aussi neuf qu’intéressant », précise-t-elle.

L’Ademe en est convaincue, il est crucial de soigner la forme des messages que l’on souhaite transmettre. « La transition écologique est un réel enjeu. Il faut néanmoins trouver les bons mots afin de convaincre les uns et les autres », confirme Amandine Brincat-Zuretti, la directrice de l’établissement secondaire.

 

 

« Simplifier le message »

« Sur l’éolien en l’occurrence, on peut parvenir à faire passer des messages peut-être avec un peu moins de termes techniques (on en a toutes et tous) et un langage un peu plus… poétique », estime Lola Jalabert, étudiante ayant participé aux travaux de réflexion pour l’Agence de la transition écologique. Afin d’illustrer son propos, celle-ci cite volontiers une formule du journaliste et chroniqueur marocain Najib Refaif (dans un article paru en 2015 sur le site du média La vie éco) : « C’est dans l’art des mots que le réel se met à signifier »… En d’autres termes, il faut se mettre à la place des autres pour parvenir à « avoir de l’impact ».

Jeux de plateforme, applications mobiles, vidéos, visuels à partager sur les réseaux sociaux… « Certains, précise la directrice de l’école, ont réfléchi à des idées de campagnes de communication. Notamment en cherchant à simplifier le message et à rendre l’ensemble peut-être parfois un peu plus ludique », détaille Amandine Brincat-Zuretti.

 

Comment répondre aux anti-éoliens ?

Des éléments pédagogiques qui ont été transmis à l’Ademe au printemps dernier… et qui a au final pu servir de base à Lola Jalabert, l’une des étudiants impliqués. En master « Matériaux innovants et design durable » à l’école de Condé, celle-ci a démarré dans la foulée – en avril dernier – un stage auprès d’Amandine Volard. Dans le but de « poursuivre le travail », comme elle dit. C’est ce qui a constitué la deuxième étape du partenariat entre l’agence et l’école.

Plus exactement, Lola, durant son stage (qui se poursuit jusqu’à fin septembre), a d’abord cherché à comprendre ce qui peut pousser certains à s’opposer aux énergies renouvelables. En tout cas à des projets de constructions éoliennes sur le territoire. De nombreuses raisons sont avancées en général. À commencer par la destruction (avérée) de la faune, notamment les populations d’oiseaux heurtant les constructions. Souvent, sur ce sujet-là, la Ligue pour la protection des oiseaux est mobilisée pour réaliser des études d’impact. De nombreux citoyens évoquent, en outre, l’incidence que les constructions éoliennes auraient… sur le prix de l’immobilier du territoire. Pour le coup, l’Ademe a d’ores et déjà montré que l’assertion n’était pas avérée.

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Comprendre ce qui peut pousser certains à s’opposer aux énergies renouvelables ©Thomas Reaubourg – Unsplash

 

But de l’opération : « favoriser le dialogue »

Mais toujours est-il que les préjugés ont la vie dure. Et qu’il faut les déconstruire. Essayer, en tout cas. Justement, à ce sujet, Amandine Volard en est persuadée : « Lier art et culture est une superbe solution pour batailler contre les idées reçues liées aux énergies renouvelables », assure-t-elle. L’ingénieure ajoute qu’il est souvent possible de « trouver des terrains d’entente entre les acteurs, par exemple entre les protecteurs de la biodiversité et ceux qui veulent plus d’énergies renouvelables ». Pour elle, « les discussions sont possibles », mais il faut juste les encourager, les favoriser.

« La question, ainsi, est de savoir comment le design peut répondre à ce besoin de créer un cadre d’échanges apaisés. » Lola Jalabert, depuis quelques semaines, y réfléchit justement. « Je vise à développer, dit-elle, un outil permettant d’instaurer et de favoriser un dialogue ».

Un échange utile entre partisans d’un projet éolien donné d’une part et les opposants, de l’autre, par exemple. « C’est important d’essayer de trouver des solutions pour qu’on arrive à débloquer des solutions, poursuit-elle, sans en dire beaucoup plus, confidentialité oblige. C’est important car, souvent, on campe sur ses positions. Or cela n’aboutit à rien de constructif. »  Le projet va voir le jour au début de l’automne. Affaire à suivre. ♦