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Sentiers à vélo : une solution pour développer le tourisme ?

Par Virginie Menvielle, le 18 juillet 2023

Pour tous ceux qui souhaitent voyager moins loin pour réduire les coûts et limiter leur impact écologique, le slow-tourisme apparaît comme la solution. Et, de fait, les parcours type Eurovélo permettant de circuler sur des sentiers balisés, à pied ou à vélo, attirent de plus en plus. Dans l’Aisne, l’EuroVélo 3, dite La Scandibérique, permet même au département de développer son potentiel touristique.

 

En 2015, 1,18 milliard de touristes internationaux ont parcouru le monde. Leur nombre a doublé en seulement quinze ans. Les raisons : l’essor de la mondialisation et des progrès technologiques. Le tout en causant cependant un impact considérable sur la planète. 95% des touristes se concentrent en effet sur 5% de la planète. Aussi le tourisme est responsable denviron 8% du total des émissions de gaz à effet de serre de lhumanité, dont les trois quarts pour les seuls transports.

 

76% des Français intéressés par le tourisme durable en 2019

Mais tout ça, c’était avant. Avant qu’une crise sanitaire mondiale en 2020 nous fasse changer durablement notre façon de voyager. En 2019 déjà, 76% des Français se disaient intéressés par le tourisme durable. La longue période de limitation, voire dinterruption des déplacements, liée à la pandémie, a amené de nombreux touristes à sauter le pas et à opter pour le slow tourisme. Loin des spots surfréquentés, le slow tourisme (bonus) promeut les voyages à pied, vélo, ou en transports en commun, avec un intérêt pour les lieux méconnus. Dans ce contexte, l’EuroVélo, un réseau de sentiers de randonnées cyclables et pédestres balisés, présente de nombreux atouts. L’EuroVélo 3 ou Scandibérique en est un bon exemple. 

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À Chauny, la signalétique permet aux visiteurs de s’imprégner de l’histoire du territoire. ©AisneTourisme

16% de touristes en plus sur la Scandibérique

La Scandibérique a tout de la route mythique. Par sa longueur notamment, 5300 km entre Trondheim (Norvège) et Saint-Jacques-de-Compostelle. Le nombre de pays qu’elle traverse : sept dont vingt départements français. Mais aussi par les spots qu’elle met en avant. On pense immédiatement aux portions situées sur le chemin de Saint-Jacques. Mais elle contribue aussi à en faire connaître d’autres, plus confidentielles. L’EuroVélo 3 ou Scandibérique attire ainsi de plus en plus d’amateurs de cyclisme et/ou de randonnée sur l’ensemble de son parcours « Sa fréquentation a augmenté de 16% entre 2021 et 2022 », rappelle Mathieu Baudoux, chargé d’étude et communication pour Aisne Tourisme.

« La proximité avec la Belgique, les Pays Bas et l’Allemagne est une grosse opportunité pour nous »

Dans l’Aisne, les 107 km de la Scandibérique pourraient permettre d’accroître le potentiel touristique de la région. Lise Pollet, chargée de relations presse à l’Agence Aisne Tourisme, explique que « l’EuroVélo se popularise. Sur la portion axonaise, notre clientèle est composée de Franciliens, de locaux et d’Allemands. » L’Aisne est le plus proche territoire cyclable de l’Allemagne, ce qui permet aux cyclistes allemands de facilement le découvrir, et de l’apprécier.

« La proximité avec la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne, est une grosse opportunité pour nous », confirme Lise Pollet. Et pour cause, le rapport Interreg (France-Belgique) sur le tourisme à vélo montre que 39% des cyclistes étrangers circulent sur les tronçons frontaliers, bien plus qu’au niveau national où ils ne sont que 20%. 

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Les Accueils à vélo permettent de découvrir le patrimoine sous toutes ses formes comme ici avec la dégustation de fromages à Quierzy. ©AisneTourisme

Stevenson comme atout touristique

De son côté, l’Observatoire d’Aisne Tourisme met en avant la proportion de touristes à vélo (qui passent une nuit loin de leur domicile, ndlr) en augmentation sur le tronçon : 16% sur lEV3. Un chiffre honorable quand on sait qu’ils sont 18% sur la ViaRhôna qui traverse des paysages bien plus fréquentés (du lac Léman aux plages de Camargue, ndlr).

Pour l’Aisne, il s’agit désormais d’augmenter le pourcentage de cyclistes, pour contribuer à développer le tourisme. Aussi, depuis quatre ans, l’agence Aisne Tourisme met en avant une histoire totalement inconnue du grand public pour attirer de nouveaux randonneurs et cyclistes. « L’Eurovéloroute est présente dans le livre de l’écrivain Stevenson, En canoë, sur les rives du Nord », raconte Lise Pollet. L’agence a donc installé toute une signalétique sur les lieux concernés, permettant de comparer la description dans le livre au paysage environnant. Depuis 2020, à côté de l’église de Maquigny, on peut ainsi lire un extrait de l’ouvrage de Robert Louis Stevenson présentant l’église en 1875.

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À Saint-Michel, les cyclistes ne résistent pas à l’envie de découvrir l’abbaye. ©AisneTourisme

Transformer les maisons éclusières en accueil vélo, oui mais …

Le rapport Interreg (bonus) sur le tourisme à vélo montre aussi que la principale source d’insatisfaction des touristes sur la Scandibérique est son manque d’équipements : toilettes ou points d’eau situés à proximité. L’un des leviers pour y pallier, selon l’agence Aisne Tourisme, est le développement des « Accueils à vélo ». L’Aisne en compte déjà une quinzaine, qui recensent les hébergements, lieux de restauration, loueurs/réparateurs de cycles, offices de tourisme à 5km de l’EuroVélo3. Pour ce faire, le Département, les communautés de communes et les villages thiérachiens (du nord de l’Aisne) comptent sur la réhabilitation des maisons éclusières. En effet, la Scandibérique est majoritairement située le long du canal de la Sambre à l’Oise. Ainsi, dans la communauté de communes de Thiérache Sambre et Oise a déboursé 179 900 euros pour racheter l’ensemble des maisons éclusières de son territoire et doper le tourisme.

 

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Le Familistère Godin à Guise, l’un des lieux les plus emblématiques de la région qui permet d’attirer les touristes.

Pas facile de trouver des gérants

À Tupigny (300 habitants) par exemple, le maire Jean-Luc Egret a racheté une des anciennes maisons éclusières pour en faire un lieu d’accueil multiservices : restaurant, bar, et chambres d’hôtes. Le village compte sur sa proximité avec le Familistère de Guise, lieu de la seule utopie sociale ayant fonctionné en France, et avec son château fort pour attirer de nouveaux touristes. 

Quasiment tous les villages du secteur situés le long de l’EuroVélo3 souhaitent en faire autant. Reste maintenant à trouver les perles rares qui géreront ces lieux. Qui permettront à l’Aisne de vraiment gagner en notoriété. Lise Pollet met en avant l’ambivalence de la situation : le Covid a permis de faire connaître le slow tourisme à un plus grand public, tout en mettant à mal les structures déjà existantes. Aussi, les gérants ne se bousculent pas au portillon pour reprendre une affaire dans des villages de 500, 1000 ou 2000 habitants. Aisne Tourisme estime qu’il faudra encore trois ou quatre ans pour voir toutes les maisons entrer en activité. Grâce à l’EuroVélo 3, le département a donc mis un pied dans le tourisme, mais pas encore le deuxième.

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La carte de l’Eurovélo ©DR

 

Bonus

Interreg.  Ce programme européen vise à promouvoir la coopération entre les régions européennes et le développement de solutions communes dans les domaines du développement urbain, rural et côtier, du développement économique et de la gestion de l’environnement. Il est financé par le FEDER à hauteur de 7,75 milliards d’euros. La gestion incombe à la Commission européenne auprès de la politique régionale, Inforegio.

L’actuel programme, Interreg VI, couvre la période 2021-2027 et concerne 23 programmes de coopération territoriale impliquant la France. Il est doté de 268 millions d’euros pour soutenir des projets répondant aux 5 thèmes de coopération. 

Recherche et innovation : Soutenir les entreprises, la croissance, la relance de l’activité économique via l’innovation et la recherche appliquée.

Climat et environnement : Renforcer la résilience et l’adaptation des territoires face aux risques liés au changement climatique.

Mobilité : Améliorer les schémas de mobilité (personnes et fret) transfrontaliers et promouvoir une mobilité urbaine et rurale, multimodale, durable, résiliente face au changement climatique.

Cohésion sociale : Soutenir la cohésion sanitaire, sociale, culturelle et touristique du territoire.

Gouvernance : Renforcer les capacités des autorités publiques dans le processus de prise de décision et d’organisation de la gouvernance et de la coopération territoriale.

 

♦ Lire aussi l’article : Tous en Biclou roule pour un tourisme plus vert

 

  • Le slow tourisme. Pratiquer le slow tourisme, c’est choisir de voyager en prenant son temps. En redécouvrant la diversité des paysages mais aussi son patrimoine local, historique, culturel et gastronomique. Prendre son temps, c’est aussi se déplacer autrement. À vélo, à pied, en transport fluvial ou encore en train. Le slow tourisme promeut donc la déconnexion. La redécouverte de territoires de proximité. La rencontre et le partage avec les populations locales. La pratique incite à des voyages plus écologiques, à faible émissions de CO², qui respectent le patrimoine et la biodiversité.

    En France, l’appel à projet visant à encourager un tourisme plus durable et de proximité a ainsi été doté de 4,7 millions d’euros. Et permis d’accompagner 73 projets sur le territoire (62 en France métropolitaine et 11 dans les Outre-mer).