Fermer

Réchauffement : repeupler les forêts du nord avec des arbres du sud

Par Paola Da Silva, le 29 mai 2023

Journaliste

Crédit photo : Paola Da Silva

Afin d’anticiper les effets du changement climatique sur la végétation des régions du nord de la France, l’Office National des Forêts (ONF) a décidé en 2020 de planter un « verger à graines » en Loire-Atlantique. Situé sur la commune de La Chapelle-Heulin, à 20 km au sud de Nantes, ce terrain de 8 hectares accueille 1 640 jeunes pins maritimes qui prennent le temps de pousser. L’objectif de ce projet : récupérer les graines de ces pins venus du sud, d’ici 6 à 10 ans, afin de replanter cette espèce bien adaptée aux évolutions climatiques partout où ce sera pertinent.

 

C’est l’un des dix départements les moins boisés de France. La Loire-Atlantique, terre de maraîchage et de vignes, accueille pourtant depuis 2020 sur l’une de ses communes un des « vergers à graines » créé par l’ONF. 1 640 jeunes pins maritimes y ont été plantés, sur un terrain de 8 hectares au milieu du vignoble nantais, sur la commune de La Chapelle-Heulin. Cette parcelle isolée a été choisie notamment pour l’absence d’autres pins à proximité qui pourraient apporter des maladies aux plants.

« Ce verger a un but purement reproductif, explique Jean-Christophe Helleisen, assistant recherche, développement et innovation au sein de l’ONF. Tous nos plants viennent d’arbres remarquables. Ces arbres sont des pins de plusieurs forêts du sud de la France que nous avons sélectionnés pour leurs caractéristiques intéressantes : leur vigueur, leur capacité à se reproduire, leur résistance à la sécheresse… Ils peuvent apporter une réponse génétique au changement climatique. Ainsi, si tout se passe bien, d’ici 6 à 10 ans environ, les plants, devenus adultes, produiront des graines de qualité en grande quantité qui nous permettront de replanter ailleurs ».

 

Le climat de Toulouse à Cholet dans 50 ans

Selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), d’ici 50 ans, la Région des Pays de la Loire devrait vivre sous le climat actuel du sud de la France. Les hêtres poussant sur le territoire commencent déjà à souffrir. L’idée de l’ONF en créant des vergers à graines est donc d’anticiper. Pour avoir la capacité de reboiser les forêts françaises si cela ne se faisait pas naturellement. « Notre verger est un pari sur l’avenir, détaille Jean-Christophe Helleisen. Une sécurité, au cas où la régénération se ferait de plus en plus mal ». Ce projet est porté par un consortium constitué de l’ONF et de deux pépinières : les pépinières Naudet et Le Plant Landais.

Les pins maritimes, qui mesureront entre 20 et 25 mètres à terme, ont donc été choisis pour leur résistance, mais aussi car ce sont des résineux, dont les graines sont plus rapides à obtenir. « Ils produiront des graines d’ici six ans au plus tôt. Une fois récoltées, elles iront dans notre sècherie dans le Jura puis seront commercialisées. Il y a déjà une très forte demande des pépinières privées et publiques, les graines sont déjà en partie réservées. Nous sommes sûrs de les vendre. »

 

Verger à graines : repeupler les forêts du nord grâce aux arbres du sud 2
Les premières récoltes de graines sont prévues dans 40 à 50 ans indique Jean-Christophe Helleisen, de l’ONF ©Paola Da Silva

 

♦ (re)lire : Des cryo-banques génétiques pour sauver la biodiversité

D’autres projets à plus long terme

En attendant, Jean-Christophe Helleisen et ses collègues veillent sur leurs jeunes pousses. Ils surveillent les arbres qui meurent, entretiennent le terrain, font des analyses de sol… « Nous passons assez régulièrement vérifier que tout va bien. Les plants sont bien partis, ils se débrouillent bien et sont costauds. Nous n’en avons perdu que 2 ou 3% lors de la sécheresse de l’été dernier. »

Bientôt, leur travail ne se limitera plus aux 8 hectares de La Chapelle-Heulin. D’autres projets sont en effet déjà prévus dans le département. Plus au nord, un « îlot d’avenir » verra bientôt le jour, avec des chênes des Canaries, très résistants à la sécheresse. « Nous allons voir s’ils peuvent s’adapter chez nous », précise Jean-Christophe Helleisen. Toujours à La Chapelle-Heulin, un verger à graines de chênes pubescents doit voir le jour en 2024-2025 « Mais là, souligne Jean-Christophe Helleisen, les premières récoltes de graines sont prévues dans 40 à 50 ans ! Nous sommes sur du très, très long terme. Nous travaillons pour nos petits-enfants. » ♦