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Les collégiens d’Aubagne n’oublient pas leurs correspondants seniors

Par Agathe Perrier, le 4 mai 2020

Journaliste

Rose-Marie entourée de ses deux correspondants, Océane et Anthony © AP

[Au fait !] Les élèves de 5e du collège Lakanal, à Aubagne, ne laissent pas tomber leurs correspondants pendant le confinement. Comme il est impossible de les rencontrer pour le moment, ils leur préparent un carnet spécial pour raconter comment ils vivent cette période particulière.

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Les collégiens lors de la rencontre avec leur correspondant en janvier dernier © AP

Pour rappel, depuis le début de l’année scolaire, 26 élèves de 5e du collège Lakanal d’Aubagne entretiennent une correspondance. Non pas avec des collégiens de leur âge, mais des seniors ! (lire notre reportage en cliquant ici). Un projet intergénérationnel initié par leur professeure de français, en lien avec le CCAS (centre communal d’action sociale) de la ville. Son objectif est double : travailler l’orthographe des jeunes et rompre la solitude des personnes âgées. En plus des échanges de courrier, des rencontres physiques ont été organisées au cours du premier semestre.

 

Quand le confinement chamboule le projet

Les deux générations devaient se retrouver pour un événement festif au mois de mars. Les élèves d’une autre classe de 5e travaillaient depuis trois mois sur une représentation théâtrale – Le malade imaginaire de Molière – à laquelle les aïeuls étaient conviés. Tous l’attendaient avec impatience. Mais la crise du coronavirus et le confinement imposé ont coupé court à l’engouement. « Les élèves ont été très déçus », se désole Muriel Godin, l’enseignante à l’origine du projet. « Ils n’avaient pas vu leur correspondant depuis un mois et étaient très impatients de les retrouver. Un vrai lien s’est créé entre eux. Ils sont un peu comme des grands-parents et des petits-enfants adoptifs les uns pour les autres ». Impossible d’imaginer rompre le lien à cause du confinement. La professeure s’est donc chargée de le maintenir grâce à l’investissement de ses élèves.

 

Mon correspondant a 90 ans !
René, 93 ans, et son correspondant Marc, 13 ans © AP
Des liens maintenus malgré tout

Juste avant le confinement, les collégiens avaient confectionné des livrets à destination de leurs aînés sur le thème des chevaliers. Ils auraient dû leur remettre au mois de mars. La rencontre n’ayant pas eu lieu, madame Godin a transmis les précieux courriers à une intermédiaire qui les a ensuite distribués aux seniors. Et récupéré en retour quelques lettres des personnes âgées, qui devront attendre la rentrée pour être lues par les élèves.

D’ici le retour en classe, l’enseignante a demandé aux adolescents de tenir un journal de confinement. « Le but est qu’ils y écrivent quotidiennement une phrase expliquant ce que le confinement représente pour eux. Ainsi que ce que cela les empêche de faire et ce qu’ils auraient aimé faire, afin d’extérioriser un peu ». La professeure récupérera l’ensemble des livrets à la rentrée et, comme pour les courriers précédents, s’assurera de le faire passer aux papis et mamies. « Ça leur fera plaisir de voir que les petits ont pensé à eux pendant cette période », confie Muriel Godin. Certains binômes ont toutefois réussi à garder un lien plus étroit en s’échangeant des mails durant ces premières semaines de confinement.

 

Deux générations qui s’apportent mutuellement

Difficile d’anticiper une nouvelle rencontre entre collégiens et seniors d’ici la fin de l’année scolaire. Ce projet a néanmoins convaincu l’enseignante de la pertinence de créer du lien entre ces deux générations. « Les élèves ont l’habitude aujourd’hui de tout avoir immédiatement. Avec les lettres, au contraire, ils sont obligés d’attendre qu’elles arrivent. Cela crée de l’impatience et ils se sont rendu compte que cette attente est savoureuse. Une jeune fille m’a dit : « Une lettre c’est mieux qu’un SMS madame ! ». Un autre, qui a pourtant quitté l’établissement, tient son journal de confinement alors qu’il n’a plus aucune obligation. Il y a vraiment quelque chose à faire car les deux générations tirent des effets positifs de cette relation », considère Muriel Godin.

L’enseignante a vu le comportement de certains collégiens, d’ordinaire difficiles à motiver au travail, se métamorphoser dans le cadre du projet. « Ils se sont prêtés au jeu de la correspondance car ils savaient que derrière, il y avait quelqu’un qui attendait. Sans ce but, ils n’auraient pas forcément rendu leur devoir ». La professeure planche déjà sur un nouveau projet pour l’année prochaine, avec ses futurs élèves de 5e. Sans compter que dans la première promotion, certains manifesteront peut-être l’envie de faire perdurer le lien avec leur correspondant. La suite reste à écrire et promet d’être belle ♦

 

Bonus :
  • Vous voulez aider les seniors ? De nombreuses initiatives pour tenir compagnie aux personnes âgées pendant le confinement ont émergé : appels téléphoniques avec des seniors isolés, envois de lettres et dessins… Chacun peut contribuer en fonction de ses envies et de son temps disponible. Toutes les infos sont à retrouver dans notre article répertoriant les actions de solidarité, dans la rubrique « Pour les personnes âgées », en cliquant ici.

 

  • À (re)lire: notre précédent reportage sur projet intergénérationnel entre collégiens et seniors, en cliquant ici.

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