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Autonomie et souveraineté énergétique : douce utopie ou idéal accessible ?

Par Agathe Perrier, le 10 février 2023

Journaliste

Photo d'illustration © Pixabay

[causerie] Dans un monde où l’électricité se paye plus cher et ne retrouvera probablement jamais son prix d’avant, Marcelle s’est intéressée à celles et ceux qui, en Provence, proposent des solutions. Des innovations technologiques et de nouveaux usages, emprunts de solidarité, dont l’objectif est de tendre vers l’autonomie et la souveraineté énergétique. Mais est-ce vraiment possible ? 

 

Chez Mama Spice by Devaki ce lundi 6 février, il n’y aurait pas eu besoin de chauffage pour se sentir au chaud. L’équipe de Marcelle a investi cette taverne à épices du centre de Marseille le temps d’une soirée, avec ses lecteurs et partenaires. Le temps d’une « causerie », plus précisément, autour de l’énergie. Un sujet clairement d’actualité puisque le monde est en pleine crise énergétique. Les prix ont explosé en France depuis l’année 2021, exacerbés un an plus tard par la guerre en Ukraine. En janvier, ils ont encore affiché une hausse, de +16,3% sur un an d’après l’Insee.

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Marcelle a réuni lecteurs et partenaires autour d’un thème d’actualité très débattu © DR

 

Des électrons verts pour réduire la facture

Dans ce contexte, certains s’en sortent mieux. Notamment ceux qui se sont engagés dans la production d’énergie, à partir des renouvelables. À Cabriès-Calas est ainsi née la plus grande opération d’autoconsommation collective de France. Concrètement, des panneaux solaires ont été installés sur le toit d’un groupe scolaire. Ils couvrent ses besoins, mais aussi ceux des habitants et commerçants à proximité, réunis au sein d’une communauté. « En un an de fonctionnement, 287 mégawattheure (mWh) ont été produits, à un coût inférieur de 15% au tarif réglementé de l’électricité », révèle Donald François, président de SerenySun, l’entreprise qui se cache derrière l’émergence de ces communautés. De quoi couvrir en plus 44% des besoins en énergie des 72 participants (69 foyers et trois commerçants).

Pour Nicolas Jeuffrain, président de Tenergie*, producteur indépendant d’énergies renouvelables, ce « -15% c’est aujourd’hui et d’autant plus demain ». Grâce aux renouvelables, le prix du kilowattheure d’électricité pourra se limiter à 5 centimes dans les années à venir, estime-t-il. Il est actuellement autour de 20 centimes selon les tarifs réglementés d’EDF, dont la production vient majoritairement du nucléaire. « En misant sur un mix énergétique avec différentes sources de renouvelables, on peut offrir une énergie peu chère et décarbonée. Notre région est d’ailleurs particulièrement bien lotie pour », assure-t-il.

 

 

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Les cinq participants de cette causerie : Nicolas Pagnier (Massilia Sun System), Nicolas Jeuffrain (Tenergie), Franck Annameyer (Sonergia), Donald François (SerenySun) et Sophie Picard (Enercoop Paca) © DR

Une adhésion indispensable de la population

Installer des panneaux solaires sur les toits pour obtenir de l’électricité verte, c’est également ce que fait le collectif Massilia Sun System. En deux ans et demi, quatre centrales ont vu le jour sur des bâtiments marseillais. Et une autre est dans les cartons, grâce à des financements citoyens. « L’énergie produite est revendue et réinjectée dans le réseau électrique public », indique Nicolas Pagnier, représentant bénévole du collectif. Idem pour Enercoop Paca, à la différence que cette coopérative citoyenne d’électricité déploie ses panneaux solaires au sol. À l’origine seulement fournisseur d’électricité verte, elle se veut désormais aussi productrice afin de « distribuer de l’électricité totalement indépendante du prix du marché », dixit Sophie Picard. L’association porte divers projets de centrales solaires, dont un à Jausiers, dans la vallée de l’Ubaye (04).

Reste qu’un projet de production énergétique renouvelable ne doit pas se porter seul. « Il faut associer le territoire dès le départ avec une vraie concertation, où l’on demande l’avis des gens que l’on prend réellement en compte. Cela permet de mieux faire accepter les projets », souligne Sophie Picard. D’autant plus important à l’heure où les voix se lèvent contre certains programmes, particulièrement éoliens (bonus). Des oppositions individuelles qui, pour les experts réunis, ne doivent pas primer sur l’intérêt général. « Il faut continuer à déployer les solutions basées sur les énergies renouvelables si l’on veut arriver à la souveraineté. Sans faire n’importe quoi et en respectant le plus possible notre environnement et les paysages », résume Nicolas Jeuffrain.

 

 

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À l’origine seulement fournisseur d’électricité verte, Enercoop Paca se veut désormais aussi producteur afin de « distribuer de l’électricité totalement indépendante du prix du marché » © DR

L’enjeu des économies d’énergie

Parmi les critiques avancées contre le photovoltaïque : la facture environnementale de ses panneaux. Car, si la France était leader dans leur fabrication dans les années 1970, le pays n’en produit quasiment plus. La grande majorité provient de Chine, premier fabricant au niveau mondial. Si le bilan carbone de leur transport est indéniable, beaucoup pensent encore – à tort – qu’ils sont conçus avec des terres rares. « Il n’y en a aucune », garantit Sophie Picard, ajoutant que les panneaux se recyclent « à 98% ». D’après l’experte, la filière recyclage se met en plus en place en France, coïncidant avec la fin de vie des premiers spécimens installés.

« Le solaire et les renouvelables font souvent face à cette opposition de bilan carbone. Or, c’est la solution la moins pire aujourd’hui, notamment si l’on compare avec la construction d’une centrale nucléaire. Mais l’idéal pour la planète serait évidemment de réduire notre consommation pour ne pas avoir à développer de nouveaux moyens de production », reconnaît Donald François. Un appel à la sobriété que prône Sonergia. Cette PME marseillaise accompagne particuliers et entreprises dans l’obtention de financements pour leurs travaux d’économies d’énergie. Elle s’est récemment associée avec Cap au nord entreprendre, le réseau des entreprises du nord de Marseille, afin d’aider des ménages précaires à baisser leur consommation et donc leur facture. « Cela passe par rénover les logements mais aussi changer les usages. Les deux sont indispensables pour arriver à des résultats », expose Franck Annamayer, son président.

Plus de production verte et moins de consommation : là sont finalement les clés pour atteindre l’autonomie et la souveraineté énergétiques. ♦

 

* Tenergie est par ailleurs parrain de la rubrique « Environnement » de Marcelle. Plus d’infos sur ce rôle en cliquant ici.

 

Bonus

  • Des projets de centrales renouvelables ? Oui « mais surtout pas chez moi » C’est ce qu’on appelle le phénomène « NIMBY ». Un acronyme anglais – pour « Not in my back yard » – désignant l’attitude fréquente qui consiste à approuver un projet pourvu qu’il se fasse ailleurs, ou à refuser tout projet à proximité de son lieu de résidence. Attention néanmoins aux raccourcis : certaines protestations, notamment contre des projets de production énergétique renouvelable, s’appuient également sur des préoccupations d’ordre environnemental, économique et social et ne peuvent pas forcément être assimilées à du nimbysme, comme le souligne le site Géoconfluences.
  • La France en retard sur les renouvelables, dont le solaire – Selon le Baromètre annuel Observ’ER publié en janvier. Les énergies renouvelables ne représentent en effet actuellement que 19,3% de sa consommation énergétique finale. Contre un seuil censé être à 23%… depuis 2020. L’Hexagone est d’ailleurs le seul État membre de l’Union européenne à ne pas avoir atteint son objectif. Pour justement rattraper le retard dans l’installation d’infrastructures d’énergies renouvelables, le Parlement vient d’adopter définitivement un projet de loi ce mardi 7 février, qui vise à simplifier les procédures de lancement des chantiers. Pour rappel, Emmanuel Macron a pour ambition pour 2050 de multiplier par dix la capacité de production d’énergie solaire – pour dépasser les 100 gigawatts – et de déployer 50 parcs éoliens en mer, pour atteindre 40 GW.