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Financement citoyen pour production solaire sur la Côte d’Opale

Par Régis Verley, le 17 février 2021

Journaliste

En 2017, le Parc naturel des caps et marais d’Opale a lancé un appel à proposition auprès des citoyens désireux de participer au développement des énergies propres et non polluantes. Avec la création d’une coopérative de production solaire, le bien commun a pris le pas sur les intérêts à court terme.

C’est bien connu. Tout bulletin météo qui se respecte doit comporter, pour être crédible, un soupçon de nuages quelque part en haut de la carte de France. Bienvenue chez les Chtis au pays de la pluie perpétuelle.

 

10 millions de m2 de surfaces disponibles
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Les granges, les étables, les églises, les salles de sport… @SAS ECO

Les images sont tenaces, mais la réalité est différente. « Certes, reconnaît Willy Flour, le potentiel en énergie solaire est moindre que dans le sud. Mais la rentabilité des installations est comparable ». De fait, 8m2 de toiture produisent autant d’énergie à Boulogne qu’à Paris ou Lyon. Le chargé de mission au Parc naturel régional des caps et marais d’Opale souligne encore : « Les panneaux solaires perdent en capacité lorsque la chaleur est trop élevée. Ce qui n’est pas le cas ici. Le coût des panneaux a fortement baissé. En outre, il suffit d’accroître de 10 ou 20% leur surface pour atteindre des rendements comparables à ceux du Midi ».

Le Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale, compte environ 200 000 habitants, principalement dans le département du Pas-de-Calais, sur une surface de 136 500 hectares. Il regroupe plus de 150 communes autour de Boulogne-sur-Mer. Préserver la nature et développer les sources d’énergie nouvelle figure parmi ses responsabilités. Le solaire parmi toutes les autres. Or ici, le long de la façade nord de la France, les toitures ne manquent pas. Le PNR estime ainsi à 10 millions de mètres carrés les surfaces disponibles sur les granges, les étables, les églises, les salles de sport et les bâtiments en tout genre, nombreux dans cette région dense et très habitée.

 

 

Appel à citoyens

Mais développer le solaire implique de mobiliser une multitude d’initiatives. Certes, la région des Hauts-de-France a pu accueillir quelques fermes solaires et des parcs de grande ampleur. Le dernier en date, près de Valenciennes, sur les 25 hectares d’un aéroport pour 27 000 mégawatts par an. D’autres encore sur des friches industrielles désertées. Mais pour l’essentiel, il s’agit d’une multitude d’initiatives, toutes disséminées à l’intérieur du territoire. Pour seulement quelques dizaines de milliers de kilowatts par an.

C’est ainsi que le Parc a lancé en 2017 un appel à proposition auprès des citoyens désireux de participer au développement des énergies propres et non polluantes. Il proposait d’accompagner la création d’une coopérative de production solaire. Et appelait les riverains à contribuer à la création de la société en en devenant actionnaires. Ou en mettant à disposition leur toiture.

 

36 000 euros de capital

financer-projet-solaire-citoyenÀ Wimille, à deux pas du fameux Cap Gris-Nez et de la traversée de la Manche, une cinquantaine de citoyens ont répondu à l’invitation. Plusieurs réunions organisées par le Parc ont présenté les dispositifs et les contraintes d’une installation solaire. Le cadre juridique est complexe. Car développer une installation suppose des investissements de long terme.

Un bureau d’études a donc été mandaté, qui a présenté les éléments techniques et juridiques. Ses conclusions ont largement validé les impressions des citoyens : le potentiel est suffisant pour justifier des investissements dans des centrales solaires de petite dimension. Encore faut-il les favoriser.

Et c’est là que la citoyenneté a pris le pas sur les intérêts à court terme. « Même si nous ne sommes pas des militants, note François Mulet, l’un des initiateurs, nous sommes convaincus. Et pour la plupart d’entre nous, nous sommes engagés pour la défense du climat ». À long terme, le développement de cette électricité propre correspond aux besoins d’une région grosse consommatrice d’énergie pour ses industries, ses commerces et ses habitants.

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La toiture d’un pépiniériste, 300 m2
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La SAS investit et gère les installations. Puis se rembourse sur le prix de revente de l’électricité @SAS ECO

Encore faut-il financer ces installations. C’est là qu’intervient le financement solidaire. La SAS ECO (pour Énergie Citoyenne d’Opale) a été constituée. Chaque actionnaire y possède au moins une action de 100 euros. Cela permet à la société de disposer d’un capital, à ce jour et en attendant mieux, de 36 000 euros. « Il ne s’agit pas de mise à fond perdu. Même si au départ nous ne sommes pas intéressés par la rentabilité, mais plutôt par l’utilité ».

Il n’empêche. Le capital investi va permettre de développer plusieurs centrales locales. Cinq projets ont déjà été repérés par la SAS ECO : un pépiniériste qui dispose d’une toiture de près de 300 m2, quelques bâtiments industriels. Et aussi de locaux municipaux, par exemple les vestiaires du stade de Wimille.

Le schéma de chaque projet est le même. La société investit et gère les installations. Puis elle se rembourse sur le prix de revente de l’électricité. Une ressource garantie par la loi qui a fixé un prix de rachat assuré aux producteurs d’énergie solaire. Au bout de 20 ans, les emprunts remboursés, la société sera rentrée dans ses fonds. Surtout, l’installation sera cédée au propriétaire de la toiture, auquel un modeste loyer aura été versé.

 

 

Rentabilité à 20 ans et autoconsommation
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Chaque actionnaire possède au moins une action de 100 euros @SAS ECO

Certes, les rendements financiers ne sont pas très élevés. La rentabilité sera toutefois acquise, sans doute avant les 20 ans du contrat. « Nous avons facilement, note François Mulet, obtenu l’appui d’une banque elle-même désireuse de participer au développement du territoire ».

Construire et gérer une mini-centrale solaire est une gageure malgré tout. L’aide du Parc qui a financé les charges de fonctionnement de la structure a été utile. « C’est encore un parcours du combattant, pointe François Mulet. Les règles en France sont extrêmement contraignantes ».

Par ailleurs, l’idée d’une « autoconsommation » n’est pas écartée. « Nous verrons, car le prix de rachat de l’électricité est moindre lorsque la puissance des centrales dépasse un certain seuil. En outre, nous ne pourrons sans doute pas utiliser toutes les surfaces qui nous sont proposées. Certains propriétaires de toitures pourraient donc envisager d’installer eux-mêmes un complément de panneaux pour leur usage personnel. C’est une idée intéressante ». ♦

 

Bonus
  • Le Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale – Il est né en mars 2000 du regroupement des Parcs du Boulonnais et de l’Audomarois. Le plus septentrional des PNR français se niche au nord du Pas-de-Calais, entre la Manche et la Mer du Nord, entre la Flandre et l’Artois. Il se distingue par une façade maritime de grande qualité paysagère avec notamment le Grand Site des Deux-Caps. À l’intérieur des terres, les secteurs bocagers alternent avec les vallées bordées de coteaux calcaires. Jusqu’à un chapelet de zones humides dont le marais audomarois, désigné Réserve de biosphère par l’Unesco.

 

  • Territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) – En 2015, le PNR des Caps et Marais d’Opale a été désigné TEPCV par la Ministre de l’environnement. Les TEPCV s’engagent à devenir des « territoires autonomes en énergie » à l’horizon 2030. Cela nécessite tout d’abord de réduire un maximum les consommations. Puis de développer la production locale d’énergies renouvelables. Partout sur le territoire du Parc naturel régional, de nombreux projets sont expérimentés : éoliennes sur des mâts en bois, maisons passives, centrale photovoltaïque…

Le Syndicat Mixte du Parc a établi un schéma de développement des énergies renouvelables et de récupération. Il s’intéresse à toutes les ressources énergétiques du territoire : solaire, éolien, hydroélectricité, méthanisation, bois-énergie, géothermie, énergies fatales et de récupération, biomasse etc… La stratégie prend en compte les enjeux paysagers, le cadre de vie et les milieux naturels remarquables du territoire.

 

  • Dans le Lot, l’expérience Céléwatt – La société coopérative s’inspire de plusieurs expériences, notamment dans le Gard et l’Aude. CéléWatt propose ainsi de créer progressivement une grappe de parcs solaires le long de la vallée du Célé et sur les Causses du Quercy environnants. En construisant un premier parc à Brengues (inauguré en juin 2018), la coopérative a acquis le savoir-faire. De quoi essaimer ensuite tout en bénéficiant d’économies d’échelle. Le cofinancement par la Région Occitanie sera dès lors valorisé sur toute la grappe de parcs.

En 2021, la société coopérative mettra en production son 2e parc à Carayac. Elle passera le cap des 1 000 000 kWh produits et fêtera ses 500 sociétaires.