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Une école écologique du savoir-faire et du savoir-être

Par Patricia Guipponi, le 13 février 2024

Journaliste

Noémie, 16 ans (à droite) découvre l’intérêt du métier manuel à l’école de la transition écologique de Lahage, première du genre en France © P. Guipponi
Sensibiliser et former les jeunes éloignés de l’emploi aux métiers de l’éco-construction, ou encore de l’économie circulaire, est la mission des écoles de la transition écologique (Être). La première a été lancée à Lahage en Haute-Garonne par l’association 3PA, en 2017. Depuis, dix-neuf départements français ont accueilli la leur, quand d’autres s’apprêtent à le faire.

La navette est partie ce matin de la gare ferroviaire de Muret, en Haute-Garonne. Elle achemine jusqu’au tiers lieu Bordanova, à Lahage, une équipe de jeunes gens qui rejoignent avec entrain leur école plutôt atypique. Car, entre ses murs, la part belle est faite à la pratique : on y sensibilise et forme aux métiers de la transition écologique.

Ce modèle économique et social entend apporter une solution durable aux grands enjeux environnementaux de notre siècle et aux menaces qui pèsent sur notre planète. Surtout, il doit permettre la création de plus d’un million d’emplois dans les trente prochaines années. Autant dire que pour ces jeunes éloignés du monde du travail, un avenir plus serein se dessine enfin.  

Parmi eux se trouve Noémie, 16 ans, déscolarisée depuis la troisième. Elle entame sa deuxième semaine dans les locaux de l’école de la transition écologique (Être) de la petite commune rurale, située à 45 minutes de Toulouse. Encadrée par Lydie, elle découvre le bois, matière fer-de-lance des trois degrés de formations proposés. Avec ses camarades, elle trace les mesures d’un futur tabouret. « Pour une fois, je me sens utile. J’ai le sentiment de faire quelque chose de bien », déclare-t-elle, tout sourire.

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La transition écologique va permettre la création de plus d’un million d’emplois dans les trente prochaines années © P. Guipponi

Une formation qui débouche sur le diplôme de menuisier-agenceur

L’école accueille des jeunes de 16 à 25 ans (jusqu’à 30 ans pour les personnes en situation de handicap). Elle s’articule autour de trois parcours gratuits pour leurs bénéficiaires. Noémie est en ‘’Remobilisation’’. « Chez nous, cette formation dure deux semaines et permet de découvrir l’univers du bois, de tester, de se mettre dans un rythme », explique Samuel Bothorel, conseiller d’insertion professionnelle. Aucune qualification n’est délivrée à l’issue des quinze jours qui se veulent avant tout une ouverture, une mise à l’étrier pour, pourquoi pas, suivre dans un second temps le parcours Préqualification, pour expérimenter un métier.

Le troisième et dernier parcours, dit Qualification, dure dix mois et débouche sur le diplôme professionnel de menuisier-agenceur spécialisé dans le réemploi du bois (palettes, déchets, matériels de construction de chantier…). « On y a accueilli des personnes en reconversion. Donc, la limite d’âge est plus large », souligne Samuel Bothorel qui précise que le diplôme est « reconnu par le ministère du Travail ».

Les stagiaires des parcours Préqualification et Qualification sont rémunérés par la Région Occitanie. « Et ils touchent le Revenu écologique jeune (lire bonus) », précise le conseiller d’insertion professionnelle. Les trois parcours sont communs à toutes les écoles Être. Seule la durée des formations, et le contenu lié aux métiers de la transition écologique spécifiques à chaque structure, changent.

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Samuel Bothorel, conseiller d’insertion professionnelle, est l’un des 21 salariés permanents de l’association 3PA à l’origine du développement des écoles © P. Guipponi

Autant de filles que de garçons se socialisent et découvrent une possible voie

La transition écologique n’est pas genrée. À Lahage, autant de filles que de garçons fréquentent en effet les formations. Candice est l’une des huit stagiaires qui composent le parcours Préqualification. Elle a 20 ans et elle a baroudé. A tenté plusieurs voies sans trouver son véritable chemin. Celui qui a du sens. « J’avais fait mon service civique durant huit mois ici. Après de la restauration et de l’animation, j’ai compris qu’il fallait que je revienne », témoigne-t-elle, le crayon papier affûté, prêt à suivre la règle pour tracer un trait sur le bois de palette.

La jeune femme est dans son élément. « C’est incroyable de faire quelque chose de ses mains, d’imaginer ce que l’on va pouvoir créer ». Avec ses camarades, elle travaille à la confection d’une cuisine en bois recyclé, commande d’un particulier. La conception va de la prise de mesures, aux plans, en passant pour la découpe et le montage, pour se terminer par la livraison du mobilier. Dans l’atelier où elle travaille, elle croise d’autres stagiaires, notamment de futurs menuisiers avec qui elle converse volontiers.

Car les trois parcours sont ouverts. Ainsi, tout le monde se côtoie sur le site du tiers lieu Bordanova, qui regroupe d’autres dispositifs et bénéficiaires. On discute autour d’un établi, d’un café, attablé à la cantine. Ou encore lors d’une journée « Jean-Michel no watt-day », quand aucune machine n’est volontairement actionnée pour favoriser l’échange.

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Candice est en Préqualification. Avec ses camarades, elle travaille sur la confection d’une cuisine avec du bois recyclé © P. Guipponi

Quelque 500 personnes formées dans les écoles Être de France

Depuis la création de l’école de Lahage, dix-neuf autres établissements ont vu le jour en France. Ils sont alors portés par une association existante ou une structure créée pour l’occasion. Une dizaine est ainsi sur le point d’être lancée. Sur les terres d’origine du dispositif, soutenu par l’association 3PA, pôle d’éducation au développement durable et à la sensibilisation écologique, on n’hésite pas à ouvrir ses portes et donner des conseils aux futurs porteurs d’écoles.

D’ailleurs, une fondation Être s’est constituée en 2020 pour aider à ce développement. « Et on accompagne d’autres actions et projets fédérateurs qui vont d’une cantine écolo, à une maison de la terre à Poucharramet, en passant par des chantiers d’insertion professionnelles », poursuit Samuel Bothorel.

Plus de 80 jeunes passent par l’école de Lahage tous les ans. 80% des élèves en Qualification obtiennent leur diplôme professionnel. Quelques 500 personnes ont été formées en 2022 dans les écoles de la transition écologique. Les trois-quarts trouvent un métier, une formation ou un stage qui leur sied. Certains assèneront que c’est peu face aux 100 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme chaque année. Mais, comme il est coutume de dire, les petits ruisseaux font les grandes rivières. Les écoles de la transition sont encore à l’orée de leur chemin, sources d’espoirs et de réalisations concrètes pas prêtes à se tarir. ♦

Bonus
  • Le Revenu Écologique Jeunes. La Région Occitanie expérimente depuis 2022 le Revenu Ecologique Jeunes pour 1500 jeunes dans les filières du BTP et de l’Agriculture, en lien avec le Pacte Vert pour l’Occitanie. L’objectif du REJ est de les inciter et les accompagner, en particulier les plus éloignés de l’emploi, dans la construction d’un projet professionnel favorisant la transition écologique et le développement durable en Occitanie. Et favorisant leurs perspectives d’emploi dans un métier d’avenir dit « vert ».

Pour les 18-20 ans, le montant mensuel du REJ alloué prend en compte les ressources du jeune bénéficiaire. Il est ainsi calculé pour constituer une aide complémentaire permettant d’atteindre 689€ mensuels. Et jusqu’à 850€ mensuels pour les 21-25 ans.

  • Des écoles Être dans toute la France. Depuis 2019, les écoles ETRE fleurissent sur le territoire français. Portées par des structures déjà existantes ou des associations créées pour le projet, elles partagent toutes les mêmes valeurs inscrites dans la Charte des principes fondateurs. Elles mutualisent leurs outils. Partagent leurs savoir-faire. Échangent sur leurs vécus. Travaillent ensemble à faire des écoles ETRE un modèle toujours en mouvement. Il en existe déjà 19, disséminées à travers l’hexagone. L’objectif étant de doter chaque département.

Une école écologique du savoir-faire et du savoir-être