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Audrey Belkhir, figure du goalball français, rêve des JO 2024

Par Agathe Perrier, le 3 novembre 2023

Journaliste

Audrey Belkhir fait appel à Paul Ettel, coach sportif, pour l'aider à parfaire sa technique en goalball © Agathe Perrier

Installée à Marseille depuis une dizaine d’années, Audrey Belkhir est l’une des meilleures joueuses françaises de goalball. Si ce sport, réservé aux personnes déficientes visuelles, est encore confidentiel dans l’Hexagone, ce n’est pas le cas dans le reste du monde. Ce sera d’ailleurs une discipline des prochains Jeux paralympiques de Paris et notre Marseillaise d’adoption espère y participer en décrochant sa place en équipe de France. Un défi non sans obstacles.

 

Parmi les 22 sports des Jeux paralympiques de 2024 figure le goalball. Il s’agit d’un match opposant deux équipes de trois personnes ayant un handicap visuel, dont l’objectif est de marquer des buts en lançant un ballon sonore (voir bonus). Une discipline aussi peu connue que pratiquée en France : elle compte 200 licenciés, selon la fédération française handisport (FFH).

L’une de ses meilleures joueuses vit à Marseille. Audrey Belkhir, 43 ans, a adopté le goalball en 2016, quand la FFH a commencé à le promouvoir afin d’avoir une équipe prête pour les Jeux, fraîchement attribués à la capitale. « J’ai depuis décroché plusieurs titres de championne de France avec mes différents clubs. Et participé à des championnats d’Europe et un championnat du monde avec l’équipe de France », énumère-t-elle non sans plaisir. Un palmarès qu’elle espère étoffer avec le Graal des compétitions internationales (bonus).

 

 

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Audrey Belkhir a remporté plusieurs titres de championnes de France et participé à des championnats d’Europe et un championnat du monde © DR

Programme carré

C’est pourquoi, depuis six mois, Audrey Belkhir se consacre pleinement à sa carrière sportive, accompagnée par un coach. Avec Paul Ettel, la joueuse s’entraîne deux fois par semaine sur l’aspect purement technique du goalball. Lui n’y connaissait pourtant rien il y a encore neuf mois. Il s’est donc formé pour aider au mieux sa protégée dans sa préparation. « On construit le programme ensemble. Je visionne en parallèle de nombreux matchs pour analyser la façon de jouer d’autres joueuses et s’en inspirer », explique-t-il. En un peu plus d’une demi-année à fonctionner de cette manière, Audrey Belkhir s’est déjà sentie progresser. « J’ai beaucoup amélioré ma précision de tir. Avant, je tirais fort sans vraiment me poser de questions. Maintenant, je vise plus et mieux », reconnaît-elle dans un sourire.

Si l’athlète peut aujourd’hui s’entraîner, cela reste néanmoins avec les moyens du bord. Dans une salle de squash, dont les dimensions ne sont pas celles d’une aire de goalball. Ou sur un terrain de volley en extérieur bitumé, ce qui ne lui permet pas de travailler la partie défense. Car à Marseille, il n’existe pas de club de goalball où elle pourrait parfaire sa pratique de façon encadrée. Le plus proche, où elle est d’ailleurs licenciée, se trouve à Lyon. « J’y vais régulièrement lorsqu’il y a des week-ends ou semaines d’entraînement. Mais je ne peux pas assister aux sessions hebdomadaires car c’est compliqué d’un point de vue logistique et financier », glisse-t-elle.

 

♦ Pour aider Audrey : la joueuse cherche un gymnase ou une salle (d’au moins 18x9m) pour ses entraînements. Tout soutien financier est également bienvenu. Pour la contacter : audreypierron1980@yahoo.fr

Difficile équilibre

Côté finances, justement, c’est grâce à une bourse qu’Audrey Belkhir peut s’offrir les services de son coach. Une enveloppe décrochée auprès de la Fédération des aveugles de France qui lui permet aussi de financer la salle de squash, son équipement, ses déplacements… Ajoutée à l’allocation adultes handicapés (AAH), cela permet à la joueuse de s’octroyer une année sabbatique sur le plan professionnel, en mettant en stand-by sa carrière de kinésithérapeute. En outre, cette pause nécessaire du point de vue du mental l’a aidée à trouver un équilibre entre vie professionnelle et personnelle.

Audrey Belkhir est cependant loin d’être inactive. Elle travaille en extra comme serveuse lors des « dîners dans le noir » (bonus) qu’organise le restaurant Le République*. De quoi lui permettre de garder une vie sociale sans trop alourdir son emploi du temps afin de pouvoir se focaliser sur le goalball.

 

 

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Audrey Belkhir a touché à de nombreux sports : gym, judo, basket, torball, cécifoot ou encore aviron. C’est au goalball qu’elle se consacre à 100% aujourd’hui © DR

Passion sport

Malgré son handicap de naissance, Audrey Belkhir a toujours fait du sport. Et, par manque d’informations ou de structures adaptées, dans les mêmes clubs que les personnes valides. Non sans difficulté. « J’ai galéré », en rit-elle aujourd’hui. C’est à l’âge de 20 ans qu’elle découvre le torball, un sport de ballon pour les déficients visuels, cousin du goalball. « Ça m’a fait du bien d’être, pour la première fois, la moins handicapée. Car je vois à un dixième, ce qui est peu pour les voyants mais beaucoup pour les non-voyants ». Elle a pratiqué également le cécifoot, la version handisport du football, et l’aviron. Une discipline dans laquelle elle a d’ailleurs brillé en remportant plusieurs titres de championne de rameur indoor.

C’est désormais pour le goalball qu’elle se donne corps et âme afin d’accéder à son rêve, les JO. À condition d’être sélectionnée en équipe de France. « Audrey a toutes les qualités requises : une bonne perception de son corps, la rapidité, l’explosivité et l’expérience nécessaire pour performer lors de cette compétition », estime son coach. D’ici là, la Marseillaise d’adoption – elle est née et a passé une grande partie de sa vie en région parisienne – s’astreint à une discipline de fer pour n’avoir « aucun regret ». La décision devrait être connue courant janvier. ♦

 

* Le République est le parrain de la rubrique « solidarité » de Marcelle. Cet article n’est toutefois pas une commande puisque ce rôle ne donne ni droit de regard, ni ingérence dans le choix des sujets et la ligne éditoriale de notre média. Plus d’informations en cliquant ici.

 

Bonus

[pour les abonnés] – Les règles du goalball – Une discipline paralympique féminine depuis 1984 – Les dîners dans le noir –

  • Les règles du goalball – La fédération Handisport les résume sur son site. « Le jeu consiste à lancer un ballon pour inscrire un but. Les joueurs adverses en position d’attente, debout ou à genoux sans qu’une partie supérieure du corps ne touche le sol, attendent le tir de l’attaquant pour pouvoir déclencher leur position de défense, très souvent caractérisée par un plongeon pour faire opposition à la balle. Une fois le ballon maîtrisé, l’équipe défensive devient attaquante et dispose de temps contraint pour relancer le ballon ».
  • Discipline paralympique depuis 1984 pour les femmes – Sport collectif spécialement pensé pour les malvoyants et non-voyants, le goalball a été inventé en 1946 pour les vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui avaient perdu la vue. Il a fait son entrée aux Jeux paralympiques 30 ans plus tard, pour les hommes uniquement. Il faudra attendre 1984 pour que les femmes prennent également part au tournoi. Lors des Jeux de Paris 2024, les épreuves de goalball se dérouleront du 29 août au 5 septembre à l’Arena Paris Sud. Plus d’infos en cliquant ici.
  • Des dîners dans le noir pour sensibiliser au handicap – Depuis le mois d’octobre, le restaurant solidaire le République propose le concept « Dans le noir ? ». Lors de ces repas, les clients sont plongés dans l’obscurité totale et donc totalement privés de leur vue. Ce qui est censé décupler aussi bien leur goût que leur odorat. Le but est aussi de sensibiliser aux handicaps visuels. C’est d’ailleurs une des raisons qui a incité Audrey Belkhir à se proposer comme serveuse en extra.

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