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« Tâtez-vous » pour éviter un cancer des testicules 

Par Virginie Menvielle, le 11 décembre 2023

Le cancer des testicules, c'est chaque année 27 000 cas en France et 90 décès ©DR
Le service urologie du Centre hospitalier universitaire de Lille et l’entreprise textile Lemahieu se sont associés pour créer un boxer aux couleurs du club de foot lillois le Losc, baptisé « Je me tâte ». Cette opération de com’ a un objectif précis : sensibiliser sur le cancer des testicules.

« Il y a un vrai tabou autour du cancer des testicules. Personne n’ose en parler », confie Jonathan Olivier, urologue au CHU (Centre hospitalier universitaire) de Lille. On recense pourtant 27 000 cas en France et 90 décès par an. Autant de morts qui pourraient être évitées… Dans son service d’urologie lillois, on opère entre 35 et 40 patients atteints d’un cancer des testicules chaque année.

Les patients subissent alors une ablation du testicule malade. Puis, bien souvent ,de la chimiothérapie qui influe sur leur production de testostérone et leur fertilité. « Si le stade est avancé, le cancer a aussi des conséquences sur l’autre testicule, la testostérone devient basse, il faut donc la compenser, et pour toute la vie. Or, on parle de jeunes hommes, ils ont entre 16 et 25 ans, maximum 30 ans ! », insiste Jonathan Olivier. Il poursuit : « Un de mes derniers patients m’a raconté qu’il a eu l’impression que son testicule avait grossi un matin, alors qu’avant il n’avait rien. Mais il avait une masse de 5 cm dans le testicule. Pour moi, cela ne peut pas arriver d’un coup. Dès qu’un testicule grossit, qu’on sent une boule, il faut aller voir un médecin ». 

Cette campagne choc baptisée « Je me tâte » a pour but de sensibiliser aux gestes pour une palpation correcte des testicules.
Cette campagne choc baptisée « Je me tâte » a pour but de sensibiliser aux gestes pour une palpation correcte des testicules.

Éviter un cancer en se palpant les testicules

Dans l’immense majorité des cas, l’autopalpation aurait permis d’éviter les séances de chimio, les vomissements, les chutes de cheveux… Pour un cancer pris à temps, le traitement se limite à l’ablation d’un testicule et n’a pas autant de conséquences sur la vie sexuelle, sentimentale, familiale de ces jeunes hommes. Sauf qu’il faut arriver à en parler. Le service urologie du CHU de Lille a décidé de frapper fort avec une campagne choc. 

Le centre hospitalier s’est en effet associé à la manufacture lilloise Lemahieu (lire bonus) et au club de foot le Losc pour créer un boxer original. Nicolas Thebaud, responsable communication et commerce digital dans cette entreprise textile est très fier d’avoir contribué à ce projet. « Le cancer du sein est connu grâce à Octobre rose. Celui de la prostate commence à l’être grâce à Movember. Mais celui des testicules, on n’en parle pas alors que ça touche les jeunes. C’est pourtant un sujet de santé publique », souligne Nicolas Thebaud.

Le service d’urologie a commencé à organiser des évènements autour de Movember dès 2015 ce qui lui vaut, depuis récemment, une notoriété nouvelle. L’an dernier, Lemahieu et le Losc avaient déjà collaboré ensemble pendant Movember (lire bonus), pour faire connaître le cancer des testicules. « Un message de prévention avait été diffusé au grand stade avant un match, raconte le responsable communication de Lemahieu. Cette année, on a voulu aller plus loin ».

<yoastmark class=La recherche sur le cancer financée grâce au boxer

Pour Lemahieu, fabricant de vêtements et sous-vêtements, réaliser un boxer aux couleurs du Losc, club emblématique de la région, est vite apparu comme une évidence. Ensuite, a germé l’idée de le floquer avec une inscription suffisamment percutante pour marquer les esprits. Les équipes du service urologie, de Lemahieu et du Losc ont opté pour un message simple « Je me tâte », brodé sur le boxer. 

« On l’a accompagné d’un petit guide de l’autopalpation avec quatre petits dessins très simples et très clairs pour lever le tabou autour de la palpation des testicules », précise Jonathan Olivier. Écoresponsable et 100% made in France, ce boxer en coton bio a été entièrement conçu dans les ateliers de Lemahieu, à Saint-André-lez-Lille. « Du tricotage de la matière, au patron, confection, broderie… Toutes les étapes de fabrication ont été réalisées chez nous », indique avec fierté Nicolas Thebaud. 

Depuis deux ans, le club de foot le Losc accompagne le service urologie du CHU de Lille lors de Movember.
Depuis deux ans, le club de foot le Losc accompagne le service urologie du CHU de Lille lors de Movember.

Déjà 500 exemplaires du boxer vendus

Un argument de vente supplémentaire qui semble porter ses fruits : les 500 exemplaires du sous-vêtement sortis le 1er novembre ont d’ores et déjà été vendus. 200 pièces supplémentaires ont donc été fabriquées. « On ne gagne pas d’argent dessus, les fonds sont reversés à la recherche en urologie du CHU », précise encore le représentant de Lemahieu. Ils vont notamment servir à financer un projet international mené par le centre hospitalier lillois. 

« Nous sommes l’un des gros centres de recherche français, nous travaillons notamment sur les cancers masculins depuis 2013-2014, indique le Dr Olivier. La recherche clinique sur le sujet a été lancée en Australie et nous nous sommes associés ».

Le médecin reprend : « Nous présentons nos travaux dans les congrès européens et américains. Nous travaillons avec des andrologues (l’équivalent du gynécologue pour les hommes – Ndlr) et endocrinologues sur une approche expérimentale. Cette dernière permettrait, pour certains patients porteurs de petites tumeurs, d’enlever la masse et non l’ensemble du testicule comme nous le faisons actuellement ». Le CHU peut déjà compter sur la participation de Lemahieu pour promouvoir cette action. Le fabricant lillois s’est en effet engagé à soutenir les actions autour du cancer des testicules sur les cinq prochaines années.

*L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article *

Bonus 

[pour les abonnés] – Movember – L’entreprise Lemahieu – À propos du cancer des testicules –

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  • Movember.  C’est la principale association qui traite de la santé des hommes. Movember s’intéresse aussi bien au cancer de la prostate, qu’au cancer des testicules. Mais aussi la santé mentale et la prévention du suicide. Depuis 2003, Movember a financé plus de 1250 projets autour de la santé des hommes dans le monde. L’objectif : réduire de 25%, d’ici 2030, le nombre d’hommes qui décèdent prématurément.
  • L’entreprise Lemahieu. Elle a été créée en 1947 par Henry Lemahieu, à Saint-André-les-Lille. Il a 25 ans et achète ses premiers métiers à tricoter, ainsi que quelques machines de confection. De quoi lancer la fabrication de ses premiers sous-vêtements. Aujourd’hui, l’entreprise est l’une des seules industries françaises à encore fabriquer elle-même le tissu qu’elle utilise.
♦ Relire : Le rugby à 5, un allié contre le cancer du sein
  • À propos du cancer des testicules. Il représente 1 à 2% de tous les cancers, c’est pourquoi on le qualifie de rare. Il touche essentiellement l’homme jeune (à partir de 15 ans environ). Avec un pic autour de 30-34 ans et un âge médian au moment du diagnostic de 35 ans (la moitié des individus concernés sont plus jeunes et l’autre moitié plus âgés). Ce cancer est de très bon pronostic avec une survie de 97% à 5 ans qui varie peu avec l’âge au moment du diagnostic.

Pour les formes localisées, le taux de guérison est proche de 100%. Pour les stades métastatiques, il est supérieur à 70%. En France, pour l’année 2018, le nombre estimé de nouveaux cas de cancer du testicule était de 2 769. Le nombre estimé de décès par cancer du testicule de 86.
Depuis le milieu du 20e siècle, le nombre de cas a progressé dans tous les pays industrialisés. En France, l’incidence a augmenté régulièrement entre 1990 et 2018, passant de 4,3 cas pour 100 000 hommes en 1990 à 8,7 en 2018. En parallèle, la mortalité a diminué de moitié, passant d’un taux de 0,4 pour 100 000 au début des années 1990 à 0,2 en 2018.