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Avec Carbon Blue, le plastique se recycle et se réutilise en local

Par Agathe Perrier, le 23 novembre 2023

Journaliste

Parmi les produits estampillés Carbon Blue, des chaises et des fauteuils © DR
L’entreprise Carbon Blue s’est spécialisée dans la transformation de déchets plastiques en mobilier. Particularité : la dimension locale. Les déchets récupérés sont sourcés dans un rayon de 50 km et les produits finis sont destinés à être revendus dans la région. Plutôt que de grossir son atelier de Gémenos, la société va revendre son concept pour aider à en créer d’autres ailleurs en France et dans le monde. 

 

Parmi les mille et une façons de recycler le plastique, Carbon Blue a choisi d’en faire du mobilier. Cette entreprise, créée en 2020 et installée à Gémenos, en récupère 30 000 kg chaque année. « Il en faut 10 pour fabriquer une chaise, 35 un fauteuil », explique Stéphane Testa, fondateur de cette structure et membre d’une famille de « recycleurs du plastique » (lire bonus). Ces tonnes de déchets proviennent d’entreprises, associations ou collectivités voisines, situées dans un rayon de 50 kilomètres. L’équipe s’occupe elle-même de les collecter, gratuitement.

 

 

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Les déchets plastiques sont d’abord broyés en copeaux puis chauffés afin d’obtenir des plaques aussi dures que du bois © DR

Broyer, cuire, refroidir

Sur les cinq employés que compte Carbon Blue, deux font tourner l’atelier de production. Stéphane Testa confectionne chaque pièce de A à Z, avec son salarié Julien Myja, à qui il apprend le métier depuis un peu plus d’un mois.

Première étape dans la transformation : la réduction les déchets. « Ils sont broyés de sorte à obtenir des copeaux de moins de six millimètres. Puis une machine les trie par couleur », détaille-t-il. Vient ensuite la cuisson pendant 30 minutes, non pas dans un four mais dans une presse chauffée à 200°C. Les débris sont étalés sur une plaque, fondent et ne forment alors plus qu’une grande tablette aussi dure et solide que du bois. Qu’il ne reste plus qu’à laisser refroidir, là encore sous une presse. « Le polyéthylène, que l’on travaille principalement, a besoin d’être compressé lors de cette phase pour éviter que la plaque ne se déforme », précise l’entrepreneur.

 

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Découpe, perçage, ponçage… Les « ébénistes plastique » de Carbon Blue travaillent les plaques de plastique comme les artisans du bois © DR

Les ébénistes du plastique

Ces plaques servent de matière première aux « ébénistes plastique » de Carbon Blue, qui les découpent pour obtenir les éléments des futurs meubles. Un terme revendiqué par Stéphane Testa en raison des similitudes entre la manipulation du bois et du plastique. « Comme un ébéniste, on fait un important travail autour de la matière. Lui sélectionne ses essences et les travaille en fonction de l’objet fini. Idem pour nous : on choisit les pièces de plastique selon l’aspect, le niveau de résistance, la finition dont on a besoin pour l’objet final. Puis on coupe, on perce, on ponce… C’est vraiment de l’artisanat », appuie-t-il.

Avec l’avantage, comparé aux professionnels du bois, qu’ils fabriquent eux-mêmes leur matière première. Ce qui leur permet de l’adapter de façon optimale au produit final. Et de réaliser des commandes sur mesure. Les clients sont majoritairement des entreprises mais Carbon Blue vend aussi ses créations à destination du grand public (bonus).

 

 

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Les déchets sont broyés de sorte à obtenir des copeaux de moins de six millimètres, puis triés par couleurs © DR

100% local

La dimension locale est l’un des maîtres-mots de Carbon Blue. C’est pourquoi, plutôt que d’augmenter le volume de production de son atelier de Gémenos, Stéphane Testa préfère le dupliquer. Une mini-usine a déjà été installée sur le chantier naval de La Ciotat, où l’entreprise récupère les bâches de protection de bateaux du groupe MB92, spécialisé dans le refit de grands yachts. Ici, la réutilisation du plastique se fait même directement sur place. « On transforme les bâches en plaques dont l’entreprise peut se servir comme système de protection de bateau », indique Stéphane Testa. Rien ne se perd, tout se réemploie.

Cette façon de fonctionner est le but ultime de l’entrepreneur. En cas de surplus de déchets, il a d’ailleurs pensé à tout. Il compte démarcher les communes et collectivités alentour pour les inciter à acheter ses pièces de mobilier urbain. La législation actuelle lui donne un argument de poids : ces dernières doivent, depuis janvier 2021, acheter des biens « issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées », conformément à la loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire). Ce qu’assure Carbon Blue, la proximité en plus.

 

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Stéphane Testa veut répliquer son atelier Carbon Blue dans d’autres villes, en France et dans le monde © DR

Des ateliers clés en main

Des répliques pourraient aussi voir le jour au-delà des frontières provençales. L’entreprise est en discussion bien avancée avec des entrepreneurs de Bordeaux et Nice, et à un stade plus précoce à La Rochelle, Lille et Grenoble. L’idée est de leur fournir un modèle d’atelier clé en main. « On avait initialement pensé à développer un concept de franchise, mais cela nécessite d’être cadré. Or, le but est d’adapter chaque projet aux déchets présents, aux matières premières obtenues et aux possibilités de produits finis. La vente d’atelier est donc plus adaptée », expose le fondateur. Côté tarif, le coût est de l’ordre de 150 000 euros, matériel compris, sachant que 250 m² d’espace suffisent et que le lieu peut s’ériger en cinq mois.

Stéphane Testa a également des pistes d’essaimage au Tchad, pour traiter les bouteilles plastiques, et en Arabie Saoudite, afin de s’attaquer aux tuyaux en polyéthylène servant dans l’agriculture. La mise en service des premières répliques est en tout cas attendue pour l’année 2024. ♦

 

Bonus

  • Des produits vendus directement aux particuliers – Carbon Blue fait de la vente directe aux consommateurs. Ses meubles et quelques articles de décoration, tous en plastique recyclé, sont en vente sur le site en ligne Etsy. Il est aussi possible de contacter l’entreprise pour visiter son atelier de Gémenos et acheter sur place ses articles. Les infos sont à retrouver sur son site internet en cliquant ici.
  • Chez les Testa, le recyclage du plastique est une affaire de famille – Le frère de Stéphane Testa, Christophe Testa, est à la tête de MP Industries. Elle-même est une filiale de E.P.I- groupe Testa, créé à Marseille en 1939. Plasturgiste dans les années 1950, ce dernier a décidé de se consacrer à la conception et la fabrication d’écoproduits plastiques à l’orée de l’an 2000. C’est ainsi que MP Industries est né, en 1998. Elle est spécialisée depuis ses débuts dans la fabrication d’articles à base de recyclène (matière issue de déchets plastiques recyclés). Et notamment du mobilier urbain sous la marque « Mix Urbain » (notre reportage à retrouver ici).
  • Les déchets plastiques, une source loin d’être tarie – La production plastique a en effet plus que doublé entre 2000 et 2019. Elle s’établit ainsi à 353 millions de tonnes, d’après un rapport de l’OCDE publié en 2022. La majorité sont mis en décharge, incinérés ou rejetés dans l’environnement. Seuls 9% sont recyclés. « Les mesures prises pour réduire les rejets de plastiques dans l’environnement ne sont pas à la hauteur tandis que la croissance de la population et des revenus se traduit par une hausse ininterrompue de la quantité de matières plastiques utilisées et jetées », alerte l’organisation.

Miki Nectoux, un Écotrouvetout du design