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Grâce au cirque, des collégiens retrouvent confiance et plaisir

Par Agathe Perrier, le 10 avril 2024

Journaliste

Anissa et Zuhal ont choisi les assiettes chinoises parmi les différents arts du cirque © Agathe Perrier
Des élèves de 5e et 4e du collège Henri Barnier de Marseille profitent d’un dispositif particulier : la classe cirque. Deux fois par mois, ils en pratiquent différentes disciplines dans l’optique de préparer un spectacle. Derrière, l’idée n’est pas d’en faire des artistes professionnels, mais de travailler la confiance, le goût de l’effort, l’inclusion… Une manière de lutter contre le décrochage scolaire dans cet arrondissement qui, à l’image du nord de la ville, y est particulièrement confronté.

Quand les cours d’EPS se résument souvent à des sports standards – gymnastique, football ou encore natation –, au collège Henri Barnier (16e arrondissement de Marseille), les élèves de la 5eE et de la 4eE ont droit à une activité un peu singulière : le cirque. Une semaine sur deux, ils se rendent ainsi dans les locaux d’Archaos, compagnie de cirque contemporain labellisée Pôle national, à cinq kilomètres de leur établissement. Là, ils pratiquent, pendant deux heures, les disciplines de cet art pluridisciplinaire sous l’œil avisé et les conseils de trois intervenants professionnels. « Notre but est de leur faire découvrir les différents agrès et techniques. Puis, au fur et à mesure que les préférences émergent, on essaye de les faire progresser », explique Valérie Bordedebat, artiste référente. Jonglage, marche sur un fil ou une boule, trapèze, assiette chinoise… Il y en a pour tous les goûts.

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Yasser est le seul à avoir opté pour la corde lisse, l’un des agrès les plus difficiles © AP

Un prétexte pour développer des savoir-être

« L’objectif de ces séances est avant tout social », précise Tiphaine Souron, responsable de l’action culturelle chez Archaos. Et d’ajouter : « Par le biais du cirque, on lutte contre le décrochage scolaire, responsabilise les élèves, améliore l’esprit collectif, la solidarité, la confiance en soi… ». La pratique artistique n’est finalement qu’un prétexte pour développer ces savoir-être. « On travaille beaucoup sur la valorisation de chacun. Tout exercice réussi est un moyen de leur montrer qu’ils sont capables de réaliser des choses. Ce sont de petites victoires mais importantes, car les élèves les gardent dans un coin de leur tête », souligne Claire Dubuis, autre intervenante dont le trio est complété par Lucas Tissot.

Tous les adolescents se prêtent au jeu. À ce stade de l’année, ils se sont spécialisés. Mario, par exemple, a choisi le trapèze, séduit par le caractère acrobatique de cet agrès. Ce qui a aussi attiré Samir dans un premier temps, qui finalement s’est rabattu sur le jonglage de balles. « Parce que je suis meilleur ! J’ai appris avec trois balles et j’aimerais arriver avec cinq, comme ceux que je vois dans les spectacles », confie le garçon. Rafaela s’est, elle, tournée vers le fil tendu ; les assiettes chinoises ont convaincu Anissa, Sana, Zuhal ; et Yasser a opté pour la corde lisse. C’est d’ailleurs le seul tant cet agrèsse révèle difficile, surtout à cet âge. Ce qui n’a pas manqué d’épater les professionnels d’Archaos. « On espère que ça l’aidera et le motivera, lui comme les autres, à pour suivre la voie des études », souffle Valérie Bordedebat.

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L’équilibre est requis pour Rafaela sur le fil tendu © AP

Classe hétérogène

Le profil des élèves de la classe cirque est très hétérogène. On y trouve autant de bons éléments que d’autres en difficulté scolaire, avec des problèmes de comportement, ou encore orientés en ULIS (unités localisées d’inclusion scolaires – voir bonus). Quand la première promotion a vu le jour, en 2017, l’idée initiale était d’ailleurs de « construire un projet autour d’un petit noyau d’élèves en situation de handicap, intégré dans une classe ordinaire pour porter tout le monde vers le haut », expose Grégory Vuidot, coordonnateur ULIS du collège Henri Barnier.

Pour rejoindre cette classe particulière, il suffit d’en faire la demande en 6e. Certains élèves sont néanmoins « repérés » par les professeurs : il s’agit souvent de profils en difficulté, pour qui les enseignants estiment que le projet pourra être bénéfique. Le groupe reste identique en 4e, mais le contenu du programme évolue. « Ils doivent monter un spectacle dont ils écrivent le scénario. Ils le présenteront au mois de juin », indique Tiphaine Souron. Dispatchés en groupes et épaulés par Valérie Bordedebat, les adolescents ont choisi cette année de mettre en scène le métier de leurs rêves. L’intervenante a titillé leur imagination pour qu’en découlent différents tableaux, où chacun assure un petit numéro.

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Mario a choisi le trapèze séduit par le caractère acrobatique de cet agrès © AP

Des révélations individuelles plus qu’une cohésion de groupe

Par souci logistique, la pratique s’arrête en 3e. Mais les élèves ne sont pas obligés de raccrocher. Huit ont ainsi choisi les arts du cirque comme sujet pour l’oral du brevet et préparent cette épreuve avec les professeurs. Parmi eux, une jeune fille qui, pourtant, s’est montrée peu motivée au départ par cette discipline. « Ça a été dur, mais il n’empêche qu’elle est venue à toutes les séances. Et, dans quelques semaines, elle présentera son oral intitulé « Moi, artiste ». Chaque année, un petit nombre d’élèves se révèlent grâce à ce projet », sourit Grégory Vuidot.

Un sentiment partagé par les intervenants d’Archaos. « On observe des progrès individuels. Chez beaucoup, le comportement s’améliore, on a vu de belles transformations. Et grâce au spectacle, on arrive à avoir une cohésion de groupe, mais ça demande une bonne poigne », reconnaît Claire Dubuis. Un avis que ne partage pas totalement Valérie Bordedebat. « La solidarité de groupe s’est perdue depuis le Covid. Plus personne ne se touche, ne se mélange », regrette-t-elle. Avant d’ajouter : « On la retrouve néanmoins à certaines occasions ». Et de prendre en exemple la fois où les 5eE ont animé eux-mêmes deux séances pour enseigner le cirque aux enfants de l’école élémentaire voisine de La Cabucelle. Du côté des élèves, difficile de juger de la solidarité au sein de leur classe. Tous sont par contre unanimes sur un point : les sessions cirque, c’est bien mieux que les traditionnels cours d’EPS ! ♦

*La Criée, Théâtre national de Marseille, parraine la rubrique éducation et vous offre la lecture de cet article*
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Fin de séance en groupe pour les 5E avec Valérie Bordedebat qui leur fait travailler la jongle à une balle © AP
Bonus

[pour les abonnés] – Le décrochage scolaire, fléau des quartiers prioritaires – Les unités localisées pour l’inclusion scolaires (ULIS) –

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