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Il faut La Niaque pour retravailler après un cancer !

Par Nathania Cahen, le 21 septembre 2023

Journaliste

La Niaque met sa méthodologie, ses outils et ses réseaux à la disposition des candidats © La Niaque

Comment renouer avec le monde du travail après un cancer (ou une longue maladie) et la fatigue qui va avec ? Comment réintégrer son poste ou rebondir ailleurs et différemment ? Depuis 2016, La Niaque l’Asso accompagne au mieux ceux et surtout celles qui s’y confrontent. À Paris, Lyon, Rouen et, plus récemment, Marseille.

 

Aurore a 42 ans quand son cancer du sein est diagnostiqué. Elle est alors directrice marketing et communication d’une start up lyonnaise. À l’issue d’un traitement lourd et d’un arrêt de travail d’un an, elle choisit de quitter son entreprise. « Je ne me voyais pas revenir, l’entreprise avait tourné sans moi, j’avais besoin de prendre du recul, de faire autre chose. De trouver une nouvelle activité avec un engagement ». D’abord accompagnée par un cabinet spécialisé, mais elle ressent un décalage avec ses aspirations. « Physiquement, j’avais réussi à reprendre le dessus. En revanche, professionnellement je n’étais pas à l’aise, j’avais perdu confiance en moi ». Elle l’évoque sur un groupe Facebook regroupant des femmes ayant sa pathologie ; une réponse lui conseille de se tourner vers l’association La Niaque.

 

La Niaque ?

Cette association née à Lyon en 2016 accompagne le retour à l’emploi de personnes ayant subi une rupture professionnelle après un cancer (ou une longue maladie). C’est Sophie Caruso, son initiatrice et fondatrice, qui en a l’idée. À Lyon, elle dirige une entreprise dont le retour à l’emploi est justement le cœur de métier.

L’accompagnement est gratuit, ouvert à tous ceux qui sollicitent l’aide de l’équipe pour retourner dans son entreprise dans de bonnes conditions. Ou se réinventer. « Dès lors que la motivation et la capacité à s’engager sont là, deux critères importants », pointe Mathilde Buhot, une ancienne de l’équipe lyonnaise, aujourd’hui chef de projet sud-est.

Une méthodologie désormais éprouvée est proposée aux candidats. Elle repose sur différents outils : bilan professionnel, intelligence collective, stratégie adaptée aux objectifs, étude de faisabilité des projets, rencontres et immersion en entreprise, utilisation des réseaux… Assortis d’ateliers thématiques complémentaires. Avec aussi les conseils d’experts du droit du travail comme d’une assistante sociale. Et la participation d’acteurs associatifs locaux, parties prenantes du parcours, car l’ancrage territorial reste primordial.

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La Niaque met sa méthodologie, ses outils et ses réseaux à la disposition de ses membres © La Niaque

 

 

Tester un projet grandeur nature

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Quelle que soit l’activité, le fil rouge reste toujours le lien avec le monde de l’entreprise © La Niaque

Celles qui le désirent (on recense en effet 99% de niaqueuses pour 1% de niaqueurs) peuvent même tester un projet ou une expérience grandeur nature. « J’ai testé un atelier 2 tonnes auprès de mon groupe, témoigne Aurore. C’est rassurant de s’entraîner auprès d’un auditoire bienveillant. Et d’aider les autres dans leurs tâtonnements, en partageant nos compétences respectives ».  Elle souligne encore une sororité précieuse, la diversité du groupe qui fait sa richesse.

« Une autre niaqueuse a proposé une rando santé sur les chemins de Compostelle, complète Mathilde Buhot. Mais le fil rouge reste toujours le lien avec le monde de l’entreprise ». En huit ans, près de 300 personnes ont ainsi pu être soutenues dans l’épreuve du retour à l’emploi. À l’instar d’Adeline qui s’est vue diagnostiquer un cancer à l’âge de 34 ans.

 

Un CDD dans un nouveau domaine pour Adeline

Pour la jeune femme, la violence de la maladie s’inscrit dans un contexte doublement tendu : un burnout au travail et le confinement lié à la pandémie de Covid. Une opération, plusieurs séances de chimiothérapie et une rupture conventionnelle plus tard, Adeline est orientée vers La Niaque. « J’avais envie de changer de travail, de rebondir, de trouver une voie ayant plus de sens. J’avais besoin d’une page blanche, analyse Adeline. L’après-cancer, c’est long, avec une grande fatigue, des troubles cognitifs… »

Accompagnée par l’équipe de l’association, elle reprend alors pied : bilan de compétences, entretiens réseau, immersion en entreprise… Et le suivi, sur une année au moins, qui combine individuel et collectif. Adeline a envisagé plusieurs reconversions, dont l’enseignement, avant d’opter pour l’économie sociale et solidaire. Où elle a décroché au printemps un CDI à 90%. « La Niaque m’a aidée à reprendre confiance en moi et à m’orienter ».

 

♦ Les besoins de l’antenne marseillaise : Du buzz, de la visibilité, un local, des donateurs, du mécénat de compétence de la part des entreprises du cru. 
Le budget, de l’ordre de 150 000 euros, n’est pas tout à fait bouclé. À bon entendeur… Contact : mathilde.buhot@laniaquelasso.org

La Niaque essaime à Marseille

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J’ai rencontré Mathilde Buhot à Marseille, autour d’un Perrier © Marcelle

Parmi les membres de La Niaque, Mathilde Buhot qui après 20 ans dans une PME lyonnaise est retournée sur les bancs de la fac en 2007 pour un Mastère d’économie sociale et solidaire. Elle crée alors dans la foulée sa petite entreprise indépendante pour coacher et accompagner dans leurs projets professionnels des personnes au RSA éloignées de l’emploi, dont la création d’activité. Et intègre rapidement l’équipe de La Niaque. Puis, voilà un an, elle a mis le cap sur Marseille pour mettre une antenne en ordre de marche et lancer la première promo.

Grâce aux financements de l’ARS PACA et de la Ville de Marseille, un parcours démarrera en octobre à Marseille. Le groupe est en cours de constitution et des accompagnements individuels ont démarré. Un parcours démarrera également à Avignon dès cet automne.

Mathilde Buhot est agréablement surprise par le bon accueil rencontré un peu partout. Par les contacts ou partenariats aisément noués avec l’Agence Régionale de Santé, la ville de Marseille, Pôle Emploi et la DREETS (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités). Mais aussi les antennes locales de la Ligue contre le Cancer, SOS Cancer du Sein, Onco-Partage ainsi que les hôpitaux et services concernés. « La dynamique associative est exceptionnelle ici, se réjouit-elle. Il n’y a pas de concurrence entre les différents acteurs et tant mieux car il y a tellement à faire ! » ♦

* L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus

[pour les abonnés] – Pourquoi Sophie Caruso a créé La Niaque – À lire, « Retravailler après un cancer » – Le baromètre Cancer et Travail –

  • Pourquoi Sophie Caruso a créé La Niaque

« Parce que l’injustice me révolte,

Parce que l’égalité est une valeur primordiale à mes yeux,

Parce que je pense qu’on se réalise dans sa vie par son œuvre, qu’elle soit sociale, artistique, économique, humanitaire… sous quelle que forme que ce soit (salariat, entrepreneuriat, bénévolat…),

Parce que le droit au travail participe de la dignité de l’être humain selon la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage,

Parce que ma carrière est dédiée à l’aide au retour au travail,

Parce que La Niaque l’Asso m’est apparue comme un puissant levier pour aider celles et ceux qui, après un coup dur (accident de la vie, maladie, cancer…) ont besoin d’un accompagnement adapté pour se retrouver et trouver leur juste place, afin de retourner au travail ou se réinventer, mais dans tous les cas pour oser aller vers un avenir professionnel choisi et épanouissant ».

 

♦ Lire aussi l’article : Droit à l’oubli, une double peine allégée

 

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  • À lire, « Retravailler après un cancer ». Ce livret coédité par l’ARC et Rose Magazine propose des clés pour faciliter le retour à la vie professionnelle après l’épreuve de la maladie. Et fait le point sur les dispositifs et aides qui existent. Il a notamment bénéficié de l’expertise de Gwenn Menvielle, docteure en santé publique-épidémiologie au sein de l’équipe de recherche en épidémiologie sociale (ERES-IPLESP, Paris) ; Géraldine de Blasi, psychologue au CHU de Rouen et co-fondatrice du site My Cancer Network avec Mathieu Tanquerel ; Dr Nathalie Nourry, médecin du travail dans le service de pathologie professionnelle et médecine du travail du CHRU de Strasbourg ; Danièle Aubanel, présidente de la Fédération CAIRE ; Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH ; Emmanuelle Monteil et Catherine Beaupigny Bongiraud, assistantes de service social à l’Assurance Maladie/CARSAT Aquitaine ; Dr Ines Vaz-Luis, oncologue médicale à Gustave Roussy et responsable du programme CANTO.

On peut le télécharger ici.

 

(re)lire : Caire13 épaule les indépendants touchés par le cancer

 

  • Le baromètre Cancer et Travail, par Cancer@Work et Malakoff Humanis, par Opinion Way. Les résultats du sondage 2021 mettent en lumière une libération de la parole sur le sujet ainsi qu’une meilleure prise en compte de la problématique par les entreprises. Ainsi, la moitié des personnes concernées ose aujourd’hui parler de sa maladie au travail, contre 20% en 2013. L’étude révèle également que 88% des actifs ayant eu un cancer ont repris le travail. Il reste cependant une marge de progression puisque 20% d’entre eux n’ont pas le sentiment d’avoir retrouvé leur place.Lors de l’annonce du diagnostic, 90% des personnes touchées par un cancer étaient en emploi. Les RH sont ainsi de plus en plus impliquées dans l’information, l’accompagnement et le maintien du lien avec les malades. Si 45% des malades se disent bien informés sur les aides et les possibilités qui s’offrent à eux, leurs attentes restent fortes. 56% des personnes interrogées pensent que l’entreprise devrait davantage accompagner les salariés touchés par un cancer.

 

 

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