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Les lunettes d’occasion, un marché prometteur

Par Agathe Perrier, le 5 mars 2024

Journaliste

Parmi les initiatives : Seecly, une marketplace qui propose aux particuliers d’acheter les montures inutilisées d’autres quidamsparticuliers © DR Seecly
100 millions de paires de lunettes inutilisées sommeilleraient chez nous, bien rangées. Les remettre en état et en circulation, c’est le créneau qu’ont investi plusieurs opticiens à travers la France. Chacun avec son concept, tous partageant la même ambition : réduire l’impact de leur activité tout en offrant à leurs clients la possibilité de s’équiper à moindre coût.

Quel porteur de lunettes n’a pas au moins un doublon délaissé au fond d’un tiroir ? Il y en aurait quelque 100 millions d’après un sondage (un peu ancien) mené par Opinion Way pour Atol les Opticiens (lire bonus). Alors que 23 millions ont été vendues en 2022 – 17 millions d’optiques et six de solaires. Un gâchis que veulent éviter certains opticiens.

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Seecly vérifie toutes les montures avant de les envoyer à l’acheteur © DR Seecly

Bonnes affaires entre particuliers

Et notamment l’équipe de Seecly, basée à Éguilles près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Cette marketplace propose aux particuliers d’acheter les montures inutilisées d’autres particuliers. « Leur prix représente en général entre 30% et 50% de leur équivalent en neuf, selon leur état. L’acheteur peut même demander à ce que les verres soient adaptés à sa vue », expose Jade Alessandra, responsable marketing de cette plateforme fondée par Pauline Marmoyet pendant la crise sanitaire.

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La start-up joue donc les intermédiaires : c’est elle qui reçoit toutes les lunettes, avant de les envoyer à leur futur propriétaire. Procéder de cette façon est gage de confiance pour les acheteurs. « On inspecte la monture et si elle n’est pas conforme à l’annonce, on la renvoie à l’expéditeur. Mais ça n’arrive pas souvent », assure la salariée.

Les lunettes sont par ailleurs complètement retapées par une opticienne de l’équipe. Elles passent d’abord dans un bac à ultrasons pour être nettoyées et désinfectées. Puis les éventuelles plaquettes nasales sont changées, ainsi que la visserie. Les montures sont polies pour retrouver toute leur superbe. Enfin vient l’ultime manipulation : le rhabillage, c’est-à-dire l’ajustement des diverses pièces.

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Lunettologie récupère les anciennes lunettes de ses clients et leur offre une remise de 20 euros en échange © DR Lunettologie

Des lunettes reconditionnées

Ces étapes sont peu ou prou identiques chez Zac, opticien ayant pignon sur rue installé à Lille (Nord). À la différence que cette tâche est déléguée à des structures embauchant des personnes en situation de handicap ou en réinsertion, sous la supervision d’un opticien. Les montures proviennent ici de dons. « On dispose de boîtes de collecte dans 850 lieux partout en France, chez des opticiens, des supermarchés, des écoles… Les personnes qui déposent leurs lunettes directement à notre boutique bénéficient de 5% de réduction sur leur équipement optique », explique Ophélie Vanbremeersch, fondatrice et présidente de cette structure.

Chez Lunettologie, la collecte se fait de façon plus confidentielle, principalement dans son magasin situé à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique). Mais aussi chez les clients, particuliers comme entreprises, l’équipe d’opticiens travaillant sur rendez-vous et de façon flexible. « On ne retape que les pépites, à savoir celles en très bon état et de bonnes marques. Soit environ 5% de ce que l’on récupère », indique Quentin Lazarus, l’un des cogérants. L’ancien propriétaire profite en échange de 20 euros de remise. Le tri est un peu moins drastique chez Zac, puisque 30% du total collecté – qui a atteint les 180 000 paires ces deux dernières années – est in fine restauré.

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Chez Lunettologie, 70 à 80 paires de « recyclettes » attendent dans les tiroirs de retrouver preneur © DR Lunettologie

Grande qualité mais petit prix

Les deux opticiens revendent leurs lunettes reconditionnées à des prix défiant toute concurrence : 39, 69 ou 99 euros – le tarif variant selon la marque et le temps passé dessus. Sachant que le coût médian d’une monture neuve est de 135 euros selon le ministère de la Santé, et qu’il s’envole littéralement lorsqu’elles sont de marque. « On veut montrer qu’il est possible de permettre à tout le monde de profiter de montures de qualité à des prix accessibles », souligne Ophélie Vanbremeersch. Outre dans sa boutique de Lille – et normalement dans une seconde à Amiens d’ici la fin de l’année – les lunettes Zac sont également disponibles chez 50 opticiens indépendants et 100 magasins de l’enseigne mutualiste Écouter Voir.

Si les montures de l’entreprise du Nord de la France sont éligibles au remboursement par les mutuelles, ce n’est pas le cas de celles vendues sur Seecly ou chez Lunettologie (bonus). Les clients doivent donc payer plein pot – les verres optiques ajoutés sont par contre, eux, bien pris en charge. C’est pourquoi Lunettologie propose plutôt ses « recyclettes » (nom donné à ses reconditionnées) comme deuxième paire à 1 euro ou pour les personnes étant peu remboursées. « Habituellement, dans ces deux cas, pour que l’opticien rentre dans ses frais, les clients repartent avec des lunettes fabriquées en série en Asie. C’est une éthique qui ne nous convient pas et dont on peut se passer grâce aux montures reconditionnées », apprécie Quentin Lazarus. L’opticien engagé dispose dans ses tiroirs de 70 à 80 paires prêtes à retrouver preneur. Et une petite centaine attend de connaître pareille remise à niveau dans son arrière-boutique.

Économique, écologique et social

En se séparant de leurs paires inutilisées, les porteurs de lunettes font donc tourner une économie vertueuse, d’un point de vue financier comme écologique. « De plus en plus de marketplaces autour de la seconde main s’ouvrent et des magasins physiques s’y mettent. C’est la preuve qu’il existe une vraie demande », souligne Jade Alessandra. « Heureusement que ça arrive dans l’optique », abonde Quentin Lazarus. Et Ophélie Vanbremeersch de mettre en garde : « Il faut par contre que les choses soient bien faites. C’est-à-dire qu’il y ait un vrai process de reconditionnement et que le prix soit juste », estime-t-elle.

La seconde main ne porterait d’ailleurs pas préjudice aux associations et ONG qui, jusqu’à récemment, étaient les seules à s’intéresser aux montures délaissées (bonus). Zac indique leur fournir 40% du total de sa collecte annuelle et même 90% pour Lunettologie. Vous savez ce qu’il vous reste à faire… ♦

Bonus
  • 100 millions de lunettes inutilisées, un vrai trésor – Ce sondage réalisé par Opinion Way pour Atol les Opticiens n’est pas récent puisque daté de 2015. Il en ressort toutefois que les porteurs réguliers (50 millions de Français) posséderaient chacun deux paires qu’ils ne portent plus. « N’en déduisez pas qu’ils collectionnent les lunettes. C’est simplement que les corrections évoluent avec l’âge et il faut réadapter les verres. Sans oublier que les montures aussi peuvent nous lasser, parce que nos goûts et les modes changent avec le temps… », souligne l’étude.
  • Remboursement des montures : des règles à respecter – Les fournissent ou fabricants commercialisant des montures sur le marché français doivent demander un code auprès du ministère de la Santé. Sans celui-ci, pas de remboursement possible. La réglementation étant très stricte, il est compliqué de l’obtenir pour les reconditionnées. Elle évoluera peut-être à l’avenir avec le développement de la seconde main.
  • Où donner ses lunettes à des associations – Si vous préférez donner vos paires inutilisées directement aux structures aidant les personnes en difficulté, en voici quelques-unes : Médico Lions Clubs de France, Lunettes sans frontière ou Les yeux des écoliers.