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Le premier centre de consultation dédié à l’endométriose est à Marseille

Par Lorraine Duval, le 10 janvier 2024

Journaliste

L’endométriose est une maladie gynécologique inflammatoire chronique qui touche une femme sur dix © Unsplash
Inédit en France, un centre de consultation pilote consacré à l’endométriose a ouvert à Marseille au début du printemps dernier. C’est une nouvelle étape d’un projet au long cours mené depuis six ans par un pool de médecins et de soignants, amorcé avec l’application permettant de se tester, Luna for Health. Celles dont le score est préoccupant peuvent aujourd’hui approfondir le dépistage et, le cas échéant, envisager des solutions dans des délais raisonnables. Sans que cela s’apparente à un parcours du combattant…

« En quelques clics, les femmes peuvent prendre un rendez-vous physique ou en téléconsultation avec la sage-femme formée à cet effet. Elles y trouvent une offre de premier recours, l’opportunité de parler de leur cycle et d’envisager des solutions appropriées. Mais aussi de programmer dans les sept jours des échographies de bonne qualité en cas d’anomalie ou d’incertitude, voire une IRM si nécessaire », explique le Dr Jean-Philippe Estrade, gynécologue-obstétricien, spécialiste de l’endométriose au centre EndoMarseille Provence.

Un parcours de soins coordonné, dans des délais acceptables

Cette consultation est installée dans l’enceinte de la clinique Bouchard, à Marseille. Et elle fait le plein depuis sa création, à raison de deux à trois jours d’ouverture hebdomadaire. Il faut compter environ deux semaines pour obtenir un rendez-vous, physique ou en visio. « Je vois une vingtaine de femmes par semaine. Elles me sont adressées par d’autres sages-femmes ou via l’application Luna – et sont alors déjà nanties de leur endo-score », explique Carole Zakarian. Cette sage-femme, par ailleurs directrice de l’École universitaire de maïeutique Aix-Marseille Université, assure les consultations (facturées 25 euros dont 17,50 pris en charge).

« Mon métier est taillé pour la coordination, estime-t-elle. Je sais s’il faut mener d’autres examens, consulter un chirurgien ou plutôt un gynécologue. Et orienter les femmes qui téléconsultent vers un centre référent dans leur région ». Les avantages sont considérables à bien des égards : c’est une plus-value pour les patientes qui se sentent écoutées et comprises, un gain de temps pour tous et la création d’un vrai lien permettant un parcours de soin coordonné.

« La majorité des femmes qui consultent ont plus de 30 ans et traînent depuis des années des douleurs dont elles essaient de s’accommoder. Souvent elles n’ont pas encore rencontré le bon interlocuteur et connaissent mal leur maladie. Il y en a aussi de plus jeunes, qui ont fait le test via l’appli Luna. Elles veulent s’assurer que tout va bien, vérifier si certaines douleurs ou gênes sont normales ou non », dépeint la sage-femme. « On ne révolutionne rien, admet le Dr Estrade, mais on fait plus vite et mieux, en s’efforçant de lever les barrières ».

Une meilleure prise en charge de l’endométriose

La start-up Luna est cofondée en 2018 par le Pr Charles Chapron, chef du service gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction à l’hôpital Cochin Port-Royal, et le Dr Jean-Philippe Estrade. Tous deux sont conscients que la prise en charge de l’endométriose est loin d’être satisfaisante. Leur idée est de développer un test d’aide au diagnostic accessible à toutes les femmes : le LunaEndoScore® (labellisé Dispositif médical CE et certifié CE). L’application Luna for Health (bonus) permet un dépistage en quelques minutes, grâce à un questionnaire débouchant sur un score de risque. Depuis sa mise sur le marché en 2021, plus de 40 000 femmes se sont testées par ce biais.

L’application est une première interface. Mais que proposer aux femmes dont le score est élevé ? Très vite s’impose la nécessité d’aller au-delà du pré-diagnostic. « Et de casser des délais médicaux inacceptables, insiste le Dr Jean-Philippe Estrade. Il faut en moyenne sept à dix ans et cinq médecins consultés pour poser un diagnostic. Puis deux autres années pour trouver la solution ».

Derrière ces chiffres (issus d’une enquête IPSOS réalisée en janvier 2020 auprès de 1557 femmes atteintes d’endométriose), il déplore beaucoup de souffrance et de détresse : « Je rencontre souvent des patientes avec un très lourd passé. À qui on a dit que tout était dans la tête. Qui n’ont pas été prises au sérieux. Ont supporté des douleurs pendant des années. Sont infertiles et ont le sentiment d’être passées à côté de leur vie ».

Marseille accueille le premier centre de consultation dédié à l’endométriose 1
L’appli LunaEndoScore®

Armer les femmes et déployer cette consultation

Aujourd’hui, l’équipe souhaite aussi pratiquer « l’éducation thérapeutique » et coacher les femmes concernées par cette pathologie. Pour en faire des expertes de leur maladie, car il est important qu’elles disposent des connaissances et outils pour choisir leur traitement (hormonal, chirurgical, FIV…).

L’inscription dans le réseau « DMP » (dossier médical partagé) est également à l’ordre du jour. Surtout, cette start-up médicale de la FrenchTech, soutenue par Bpi France, entend consolider son modèle pour le pérenniser puis le déployer progressivement à travers tout le territoire national. Un second centre va ainsi ouvrir ses portes d’ici quelques semaines, sur le site de l’hôpital privé de Provence.

 

Bonus
  • L’appli Luna for Health. Une jeune femme, Inès Ben Amor (son portrait dans ce podcast), est depuis 2022 la directrice générale de la start-up Luna. Elle s’occuper notamment du développement de l’entreprise et de l’application. Cette dernière accueille régulièrement de nouvelles fonctionnalités. La nouvelle mise à jour permet par exemple de suivre son calendrier menstruel, de télécharger les ordonnances ou de suivre en temps réel l’évolution de sa santé. La nouvelle version optimisée est disponible sur Apple Store et Play Store.
  • Des chiffres. Selon le ministère de la Solidarité et de la Santé, l’endométriose concernerait environ 10% des femmes dans le monde, et 1,5 million de personnes en France.Autre chiffre impressionnant : le retard diagnostique lié à la maladie serait de 7 ans. L’Inserm précise que 40% des femmes qui présentent des douleurs pelviennes chroniques seraient en réalité atteintes d’endométriose.
  • Le premier centre de consultation dédié à l’endométriose est à MarseilleUne stratégie nationale de lutte contre l’endométriose. Officialisé en 2022, ce plan entend mieux agir face à cette maladie qui touche aujourd’hui une femme sur dix :
    • Placer la France aux avant-postes de la recherche et de l’innovation sur l’endométriose, en investissant notamment dans un programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) doté de plus de 20 millions d’euros sur cinq ans ;
    • Garantir un diagnostic rapide et l’accès à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire en s’appuyant sur tous les acteurs susceptibles de détecter l’endométriose ;
    • Communiquer, former et informer l’ensemble de la société sur l’endométriose: le grand public, les patientes et leurs familles, les professionnels…