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« On y va en voiture ? » : la table ronde Marcelle au Climat Libé Tour

Par la rédaction, le 17 janvier 2024

 « On ne va pas se mentir, on ne va pas pouvoir s‘en passer. Mais réduire la voiture, en revanche c’est possible » - Photo @Pixabay
[bref] Le «Climat Libé Tour» avait réservé sa dernière étape de l’édition 2023 à Marseille. Le samedi 16 décembre à la Friche Belle de Mai s’est ainsi tenue une journée d’échanges et de débats consacrée aux pollutions. Un enjeu majeur pour la santé et l’environnement. Des thèmes chers à Marcelle, partenaire de cet événement, qui en explore régulièrement arcanes et solutions possibles, et dont la journaliste Raphaëlle Duchemin a animé la table ronde intitulée «On y va en voiture ?».

Le transport (voiture en tête) est l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France, et plus d’un quart à l’échelle de l’Union européenne. Notre façon de bouger se métamorphose-t-elle assez vite ? Comment changer les mentalités et enrayer notre « culture de la voiture » ? Une mobilité durable et socialement acceptable est-elle possible ? Éléments de réponse et pistes de réflexion avec les experts invités et « cuisinés » par Raphaëlle Duchemin.

  • Théodore Tallent, chercheur doctorant et enseignant en science politique à Sciences Po. Pour comprendre ce qui fait que la voiture est encore un objet du quotidien, Théodore Tallent a entamé un tour de France. Et ce qu’il constate dans les sondages de terrain qu’il mène en dehors des grandes villes, c’est qu’il y a autour de la voiture un vrai sujet d’acceptabilité. « Quand on a un budget serré que ce soit s’en passer tout court, ou troquer le thermique pour de l’électrique c’est compliqué. Et surtout, dit le chercheur, ils sont nés avec ! » Cela demande donc un changement radical d’habitudes.

À force de sillonner le pays il est catégorique : « On ne va pas se mentir, on ne va pas pouvoir s‘en passer. Mais la réduire, oui, en revanche c’est possible ». Toutefois, pour Théodore Tallent, si la solution est en partie « la multimodalité, baisser les coûts et aider les entreprises à faire des voitures moins chères, il va aussi falloir travailler en même temps sur l’éducation, indique-t-il, et faire changer l’imaginaire des gens. »

  • Alma Dufour, députée LFI, n’a pas la tâche facile. Écologiste dans l’âme elle est aussi élue de la banlieue rouennaise, siège historique des usines de Renault Cléon. La jeune élue trouve d’ailleurs que Marseille et sa ville normande se ressemblent avec leurs problématiques complexes de déplacement et le manque d’offres alternatives. Elle-même, quand elle est chez elle, reconnaît prendre le volant pour aller dans sa circonscription.

Pour Alma Dufour d’ailleurs, demander aujourd’hui à la population de se passer de la voiture n’est pas (encore) une option : « Il faut d’abord, dit-elle, que les constructeurs jouent le jeu. Acceptent de baisser leurs marges mais aussi en parallèle qu’on soit vigilant sur le prix de l’électricité ». Deux conditions qui ne doivent pas remplacer, mais bien compléter le développement indispensable des transports en commun.

♦ (re)lire l’article : Le vélo convient à bien des métiers !
  • Pierre Delareux, porte-parole du collectif marseillais MarsMob. À Marseille, un coup d‘œil sur le nombre de kilomètres de bouchons suffit à comprendre que la voiture est encore bien implantée ; et pourtant Mars mob qui réunit 16 associations travaille à développer d’autres mobilités dans la cité. Pierre Delareux explique : « Notre ambition est d’être un lieu de rassemblement des problèmes et donc aussi des solutions. Pour que Marseille soit une ville plus durable plus vivable ».

Et pour lui le retard est colossal : « on monte une marche alors qu’on a un escalier à grimper !». Et de prendre des exemples pour étayer son propos : « Oui la mairie a commencé à enlever des places de voiture à cheval sur les trottoirs. Mais parfois, pour un parent, 400 mètres avec une poussette c’est le parcours du combattant !

On avance doucement aussi sur les rues aux enfants. Deux écoles en test seulement sur 472… et que dire des onze gares à Marseille qui pourraient desservir la cité en intermodalité ? Au milieu du ping-pong politique, déplore-t-il encore, il y a toujours les Marseillais ».

  • Parler bagnole avec Laurent Perron c’est une évidence. Aujourd’hui chef de projet de la Fresque de la mobilité et du projet industrie automobile au Shift Project, l’ingénieur a une solide connaissance du secteur. 25 ans passés chez PSA et Volkswagen, autant dire qu’il sait de quoi il parle. Et il n’est pas toujours tendre avec le secteur, car pour lui, même si l’industrie a pris le tournant forcée par la réglementation, elle souhaite en fait continuer à faire du business « as usual ».

Et notre autobésité n’aide pas la filière à accélérer remarque-t-il : « Il faut donc changer notre imaginaire collectif, mais aussi passer à la vitesse supérieure pour déployer l’offre alternative ».

Marseille a notamment, selon lui, une expérience à son actif :  la navette Aix-Marseille qui est un exemple à prendre au niveau national. Il est d’ailleurs optimiste quand il constate que les investissements lourds sur les transports en commun et réseaux ferroviaires ou les services express se multiplient.

  • Pour Marc Mortureux, Directeur général chez PFA (La Plateforme Automobile) le changement est engagé et toute la filière est déjà dans les starting-blocks. Mais il est lucide : le passage du thermique à l’électrique ne va pas suffire. C’est aussi d’un changement d’usage qu’il parle : avec notamment les services de mobilités partagées. Un défi pour l’industrie automobile qui a conscience de devoir produire moins de véhicules, plus cher et d’une durée de vie plus longue. Selon lui, c’est la raison pour laquelle les consommateurs peuvent être intéressés de basculer vers des véhicules partagés.

Les constructeurs sont conscients qu’ils vont devoir sérieusement baisser les coûts s’ils veulent toujours avoir des acheteurs. Et pour Marc Mortureux, ce sont aussi de nouveaux services qui sont en train de se développer. « Car, explique-t-il, les technologies vont rendre ce partage et cette optimisation des véhicules possibles. Et si c’est une révolution, le secteur a commencé à prendre le tournant déjà depuis plusieurs années : avec le « diesel gate », on a déjà été bousculés. Donc on avait déjà commencé à réfléchir à des solutions ». ♦